Nomination des commissaires spéciaux : Boshab n’a pas convaincu les députés

Vendredi 27 novembre 2015 - 13:13

Insatisfaits par la réponse du vice- Premier ministre et ministre de l’Intérieur à la question orale avec débat de leur collègue député Clément Kanku, la plupart des élus du peuple ont déclaré qu’ils ne reconnaissaient pas le professeur Evariste Boshab qui a toujours été convaincant

Le député national Clément Kanku Bukasa wa Tshibuabua a posé, jeudi 26 novembre, une question orale avec débat au vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, lors d’une séance plénière de l’Assemblée nationale organisée dans la salle des Congrès du Palais du peuple, siège du parlement congolais.

Cet élu national a centré sa question sur le fonctionnement de nouvelles provinces dirigées par les commissaires généraux récemment nommés sur Ordonnance présidentielle.

« Il ressort de ces nominations que ces commissaires spéciaux ne répondront pas de leur gestion auprès des Assemblées provinciales, ce qui a pour conséquence le non fonctionnement de ces assemblées telque le stipule la Constitution dans son article 197 », a expliqué Clément Kanku Bukasa wa Tshibuabua.

Et d’ajouter : « Par ailleurs, la nomination de ces commissaires spéciaux viole la Constitution en son article 198 qui veut que les gouverneurs de provinces soient élus au second degré. »

Dans la 1ère phase de sa réplique ponctuée de huées nourries surtout par les députés membres de l’Opposition, Evariste Boshab a évoqué les prolégomènes liés à l’historique de la gestion des provinces, en affirmant le souci du gouvernement de rapprocher l’administration des administrés.

Selon le vice-Premier ministre, la nomination des commissaires spéciaux a été autorisée par la Cour constitutionnelle, dans un arrêt invitant le gouvernement de la République à prendre des dispositions transitoires provisoires afin d’éviter un vide juridique de nature à mettre le pays en mal.

La Cour constitutionnelle a ainsi réagi à la requête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Cette institution d’appui à la démocratie avait, dans sa requête, démontré l’impossibilité d’organiser l’élection des gouverneurs de provinces dans le délai constitutionnel.

Dans la 2ème phase de sa réponse, Evariste Boshab a expliqué que, d’une part, les commissaires spéciauxne présentent pas leurs programmes d’action aux Assemblées provinciales avant leur entrée en fonction et que, d’autre part, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une motion de censure car ils ne sont pas l’émanation de ces Assemblées, mais ils sont les délégués du gouvernement central.

« Lorsqu’une Assemblée provinciale constate un cas de megestion ou d’incompétence dans le chef d’un commissaire spécial, elle a le droit de s’adresser au gouvernement central pour obtenir le retrait du concerné. La nomination des commissaires spéciaux ne viole pas l’article 198 de la Loi fondamentale, parce que les arrêts rendus par la Haute Cour en réponse aux requêtes Bazaïba et Babandoa ont confirmé la constitutionnalité de cette nomination », a conclu le vice-Premier ministre.

Une leçon de droit constitutionnel difficile

Appelé à ouvrir le débat, le député Clément Kanku Bukasawa Tshibuabua a déclaré qu’il n’a rien compris de la leçon de droit constitutionnel que le professeur Evariste Boshab a donnée à l’assemblée plénière tout au long de son exposé.

« Comment ces Assemblées provinciales dont le vice-Premier ministre a suspendu les activités vont voter leurs budgets ? Comment elles vont créer les régies financières ? Quel est le statut juridique des commissaires spéciaux ? Quel est le lien qu’ils ont avec les Assemblées provinciales ? C’est le vice-premier ministre Evariste Boshab qui va répondre de tous les actes posés par les commissaires spéciaux devant l’Assemblée nationale ?… », a enchaîné l’auteur de la question orale.

Dans son intervention, le député Delly Sesanga a démontré, sous les applaudissements de l’assemblée plénière, que la nomination des commissaires spéciaux viole la Constitution.

« De quel droit avez-vous suspendu les Assemblées provinciales ? », a-t-il demandé à Evariste Boshab, avant d’affirmer que la RD Congo est maintenant dans le « reculons de la modernité » et non dans la révolution de la modernité, « car, s’est-il exclamé, les provinces sont réduites aux districts, comme à l’époque du maréchal Mobutu, dans les années 60 ».

Un autre intervenant a soutenu que la violation de la Constitution est punissable. Il a tenu à connaître la durée précise du mandat des commissaires spéciaux et la date fixe de la reprise des activités des Assemblées provinciales.

Dans le même ordre d’idées, le député Jean Baudoin Mayo a rappelé l’article 220 de la Constitution interdisant la restriction des attributions des administrations de provinces et déploré la nomination des commissaires spéciaux à compétence réduite.

Les députés MP tentent de défendre Evariste Boshab

Contrairement à son collègue député Clément Nzau qui a préconisé le dialogue pour régler la question sous débat, Jean Lucien Busa a indiqué que la RD Congo n’a pas besoin de dialogue pour respecter la Constitution, la loi sur la libre administration des provinces et tant d’autres textes légaux en vigueur.

Jean Lucien Busa a accusé le professeur Boshab d’avoir centralisé la décentralisation dont le processus était déjà amorcé et consacré le retour à la dictature.

« Pourquoi ne pas aussi neutraliser le Sénat qui est l’émanation des Assemblées provinciales et est-il impossible d’organiser les élections des gouverneurs de provinces dans les jours à venir ? », a-t-il poursuivi, affirmant que la RD Congo a basculé dans la logique du chaos.

Pour sa part, Célestin Mbuyu a proposé à l’assemblée plénière de renvoyer la question à la Cour constitutionnelle et d’attendre l’arrêt de cette juridiction, au lieu de tirer en longueur un débat susceptible de mettre la confusion dans les têtes de la population.

Pour Zacharie Bababasue, les arrêts de la Haute Cour sont inattaquables et la nomination des commissaires spéciaux est acceptée par la population, dans la mesure où aucune protestation n’a été enregistrée dans les provinces concernées.

Il a appelé le gouvernement central à mettre les moyens nécessaires à la disposition des commissaires spéciaux pour leur permettre de réaliser leurs missions.

Suite à une motion incidentielle présentée par un député, l’assemblée plénière a interrompu le débat et accordé au vice-premier ministre Evariste Boshab un délai de 48 heures pour lui permettre de réunir les éléments de réponse aux préoccupations des élus du peuple.

Par Marcel Tshishiku