C’est, désormais, la voie de non retour en RD. Congo. Depuis ce week-end, le Président de la République, Joseph Kabila Kabange, s’est montré très déterminé à aller jusqu’au bout de sa logique. Après plus de six mois de consultations, il a, enfin, décidé de convoquer le dialogue national. Dans une adresse à la nation, ce samedi 28 novembre, dans la soirée, il a annoncé une série de décisions qu’il a prises, pour concrétiser la tenue des assises de ce dialogue national. Un comité préparatoire est institué, pour des dispositions pratiques. Puis, des mesures de grâce dont la hauteur n’a pas été précisée, sont envisagées, pour décrisper le climat politique. Et, à ce sujet, le gouvernement devra s’y mettre, le plus rapidement possible.
A ce stade, les noms des bénéficiaires de ces largesses présidentielles n’ont pas été révélés. L’on croit, toutefois, que certains politiciens qui, pour une raison ou pour une autre, seraient en détention, ne manqueront pas de figurer sur la liste de bienheureux, de tous ceux qui seront permis de humer, une fois de plus, l’air frais de la liberté de mouvement en RD. Congo. Bien plus, Joseph Kabila estime que les questions du fichier électoral, du calendrier électoral, de la sécurisation du processus électoral, du financement électoral ainsi que de l’accompagnement des partenaires extérieurs, constituent les matières inscrites à l’ordre du jour du dialogue auquel il convie, d’ailleurs, le peuple congolais à prier afin que la paix triomphe avant, pendant et après les futures élections, en 2016. Il parle, en outre, d’une co-modération assortie d’une facilitation internationale, pour d’éventuels bons offices, si cela était nécessaire. Mais, à quand le début des travaux du dialogue, proprement dit ? Là-dessus, Kabila n’a avancé aucune date, ni fixé la durée. Il n’a pas, non plus, déterminé le lieu. La composition des membres du comité préparatoire de ce dialogue qu’il veut inclusif, est, elle aussi, restée inconnue. En attendant, il a lancé un vibrant appel à tous ceux qui hésitent encore, à rejoindre la barque du dialogue. C’est l’unique voie de la sagesse qui, à son avis, s’impose à tous, s’il faut prévenir la crise politique majeure due aux divergences profondes et, en même temps, crédibiliser le processus électoral. Plus loin, dans son message, Joseph Kabila s’est longuement attardé sur le système électoral. Il en appelle à une réflexion profonde autour de modalités de vote peu coûteuses, comme cela se fait, dit-il, dans d’autres pays du monde. Sans citer expressis verbis, ces pays-là, il croit, cependant, que les congolais, tenant de la modicité de moyens, peuvent évoluer dans la conception des choses. Surtout lorsqu’il s’agit d’allier des impératifs de la démocratie et du développement. A tout prendre, Kabila veut éviter ainsi que le processus électoral ne soit en conflit ouvert avec les efforts de développement, déjà engagés en RD. Congo. Voilà pour quelle raison, il propose, in fine, que des options, à la fois, courageuses et pragmatiques, soient levées sur tout un florilège de réformes qui, naturellement, s’imposent sur tous les sujets consécutifs à la gouvernance électorale. Bien d’autres matières, y compris tous les à-priori sur le processus électoral, ont été évoquées, si pas effleurées, dans ce discours présidentiel qui revient, également, sur la question de l’apport des partenaires extérieurs dont il continue à récuser des ingérences intempestives dans la cuisine interne.
LPM
Message du Chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange
Kinshasa, le 28 novembre 2015
Mes chers compatriotes,
Il y a près de six mois, j’avais résolu de consulter la classe politique- opposition comme majorité-, la société civile, l’autorité coutumière ainsi que le Congo profond par l’entremise des gouverneurs des provinces. J’ai pris aussi le temps de consulter les institutions de la République au nombre desquelles, la représentation nationale et provinciale à travers les Députés et Sénateurs, le gouvernement ainsi que toutes les institutions de la République. Et pour cause ; chaque jour un son de divergences profondes d’opinions apparaît sur la scène politique nationale au point de menacer l’édifice de notre jeune démocratie qu’est l’unité et la stabilité du pays. Elles portent sur des questions politiques diverses comme la nouvelle organisation territoriale du pays et particulièrement sur quelques points relatifs au processus électoral déjà évoqués dans mon message du 29 juin de cette année notamment :
1. Le Fichier électoral
Ce dernier soulève, en effet, une série d’interrogations sur sa fiabilité et son inclusivité. Pourtant rien ne garanti, à ce jour, que tous les congolais en âge de voter sont inscrits sur les listes électorales comme en témoigne notamment le problématique de nouveaux majeurs, de congolais de l’étranger, de déplacés ou de réfugiés retournés dans leurs milieux de résidence. Autant que rien n’atteste que tous ceux qui sont inscrits le sont légitimement ou même détiennent la nationalité congolaise.
La levée consensuelle de certaines options à ce sujet s’impose. Aller aux élections en se basant sur un fichier imparfait, avec pour conséquence, les contestations prévisibles qui en résulteront pour régler ces imperfections en amont de tout processus, de réduire le maximum en conséquence les risques redoutés.
2. Quant au calendrier électoral, il en existe un. Certes, voulu global incluant l’organisation des élections à tous les niveaux. Seulement il est rendu non opérationnel à ce jour suite aux multiples voix discordantes au sein de la classe politique. Les divergences, à ce propos, n’ont jamais été réglées également au point que les premiers scrutins prévus en octobre dernier n’ont pu avoir lieu.
3. S’agissant de la sécurisation du processus électoral, il est de notoriété publique que les élections de 2006 tout comme celles de 2011 ont été émaillées de beaucoup de violences dans quelques circonscriptions électorales. Pour preuve, en 2006, la plus haute juridiction du pays, la cour suprême du pays, avait été incendiée. A la suite toujours du même scrutin, en 2007, une guerre a éclaté en pleine ville de Kinshasa faisant plusieurs morts du fait de la non-acceptation des résultats électoraux. La même situation ou presque s’est reproduite en 2011 où des violences ont encore éclaté à Kinshasa et dans quelques villes et localités du pays avant, pendant et après les scrutins. Il y a eu des altercations entre militants des partis politiques.
Au delà donc de la sécurisation physique et matérielle des candidats et des électeurs, le problème qui se pose, à ce niveau, est celui du rôle que devait jouer la classe politique et chacun de nous dans la promotion d’un environnement favorable à un processus électoral apaisé. Dans quel état d’esprit va-t-on, en effet, aller aux élections ? Doit-on brûler le pays parce qu’on a perdu une élection ou l’exposer à des revendications violentes, du reste, condamnables de la part de ceux de nos compatriotes qui se retrouveraient privés de l’exercice de leurs droits civiques et politiques ? La question reste posée.
4. Le financement du processus électoral nous impose une réflexion profonde. En effet, à ce jour, la CENI a communiqué à toutes les parties prenantes au processus électoral, un budget équivalent en Francs congolais à un milliard et deux cents millions USD pour financer l’ensemble du processus électoral. Pour l’année 2016, le gouvernement a prévu, dans le projet de loi des finances, une enveloppe équivalant à 500 millions USD. Chaque mois, il y a moitié du budget précité et avec pour contrainte de débloquer plusieurs dizaines de millions de dollars par mois. C’est que la capacité de mobilisation actuelle de recettes ne permet pas. Comment résoudre un tel dilemme ? Ne peut-on pas engager, dès à présent, une réflexion sur un système électoral avec des modalités de vote peu couteuses comme c’est le cas dans d’autres pays ? Comment allier des impératifs majeurs à savoir la démocratie et le développement et éviter que le processus électoral ne soit en conflit ouvert avec nos efforts de développement ?
Ensemble, il nous faut lever les options, à la fois, courageuses et pragmatiques sur les réformes qui s’imposent sur tous ces sujets relatifs à la gouvernance électorale de notre pays.
5. Enfin, le rôle de partenaires extérieurs dans le processus électoral mérite d’être examiné et clarifié. Comment rendre, en effet, la contribution de partenaires compatible avec le respect de nos lois et de notre souveraineté partant de l’idée que les élections sont d’abord une question de politique interne et donc, une affaire de souveraineté à l’instar de ce qui se passe dans tous les pays du monde. Comment éviter que l’apport extérieur attendu n’ouvre grandement la porte à un droit d’ingérence ou d’interférence dans nos affaires intérieures ?
Nous devons, ici, aussi lever des options ensemble de ce qui est compatible aussi bien avec l’intérêt national qu’avec le principe d’interdépendance dans un monde globalisé.
Mes chers compatriotes,
S’il y a cinq mois, nous pouvions encore avoir des doutes ou des hésitations de ce qui convenait de faire en vue de venir à bout de tous ces sujets de préoccupation, aujourd’hui, après toutes les consultations menées et après avoir donné du temps aux pessimistes et à tous ceux qui se sont prononcés contre le dialogue, de proposer des voies alternatives crédibles au delà des affirmations péremptoires de rejet par principe de ce que le bon sens commande, nous en sommes arrivé à la conclusion que seul le dialogue peut, une fois de plus, permettre à notre Nation de prévenir une crise pouvant surgir du fait de la non résolution, en toute responsabilité, de problèmes posés. Ce dialogue s’impose à nous. C’est en effet, à travers un consensus responsable que nous pourrons donner une chance à la relance de notre processus électoral en lui conférant toutes ses lettres de noblesse à savoir la conformité aux standards internationaux notamment sa crédibilité, son inclusivité et, surtout, son apaisement.
C’est aussi à travers cette voie que nous garantirons la stabilité et la paix chèrement acquises avant, pendent et après ce processus, par de là, nos divergences d’opinions. C’est seulement de cette façon que nous assurerons, enfin, notre héritage commun ; la République Démocratique du Congo toujours exposée, hier comme aujourd’hui, à une menace constante de déstabilisation.
Ainsi, après avoir recueilli vos avis directement et à travers ceux qui ont porté vos préoccupations aux consultations, mes chers compatriotes, j’ai décidé, ce jour, de la convocation d’un dialogue politique national inclusif et de la mise en place subséquente d’un comité préparatoire pouvant régler tous les aspects liés à son organisation. Aussi, ai-je décidé de prendre des mesures individuelles de grâce et d’ordonner au gouvernement d’agir dans le même sens conformément à ses compétences en vue de pacifier les esprits à cet effet.
Enfin, la tâche de la co-modération de ces assises pourra bénéficier de l’accompagnement d’une facilitation internationale qui aura à offrir ses bons offices en cas de difficultés majeures.
Chers compatriotes,
Je ne doute pas un seul instant que vos délégués à ce forum pourront s’assumer en échangeant librement, en toute fraternité et franchise, sur toutes les questions vitales qui vous préoccupent conscients de leurs charges liées au destin de notre Nation.
Vivement, je souhaite que la Nation toute entière accompagne les différents délégués à ce dialogue national par des conseils avisés et surtout par des prières ferventes en ce moment particulier de l’histoire de notre pays afin qu’il en sorte des résolutions qui assurent et engagent le pays dans un avenir radieux à la hauteur de nos espérances communes.
Vivement, je lance un appel ultime à ceux qui hésitent encore de répondre à l’appel pathétique de la Patrie.
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo.
Mes chers compatriotes, je vous remercie.