Michel Bisimwa : « La paix n’a pas de prix, il faudra dialoguer pour y parvenir »

Jeudi 11 février 2016 - 15:24

Une ONG met en garde contre toute instrumentalisation de la jeunesse et la dissuade de ne pas commettre des actes anti-patrie qui pourraient déboucher sur des violences et mort d’hommes.

 

Michel Bisimwa, secrétaire exécutif de l’ONG Vulgarisation vote utile (VVU), précise que la paix n’a pas de prix, même s’il faut dialoguer pour y parvenir.

Mais qui est Michel Bisimwa ? Agé d’une cinquantaine d’années, juriste de formation, il est parmi les fondateurs de WU, créée en 2011 par un groupe de Congolais. Activiste infatigable de la paix et de la consolidation de la démocratie Michel Bisimwa est membre du club IHBF International High Business Forum, composé en majorité des hommes d’affaires kenyans. Ce rassemblement a le caractère d’une agence de conférence et de facilitation dans le cadre des affaires et investissements. Nous l’avons contacté dans le cadre de la VVU (Vulgarisation Vote Utile) qu’il dirige depuis 2011. La VVU, implantée à Kinshasa et au Nord-Kivu, milite aussi pour la promotion de leadership féminin, l’éducation au civisme électoral, la consolidation de la paix et de l démocratie. Michel Bisimwa a été emprisonné en 2000 pour avoir écrit une lettre ouverte à la Maison militaire dite Maison Bleu.

 

Vous êtes activiste quasi-inconnu à Kinshasa, pourtant votre dynamisme dans la prévention des conflits est de taille ? Comment expliquer cela ?

 

Je vous remercie de votre présence dans nos installations et d’avoir pensé à nous approcher pour savoir comment nous travaillons. Mais pour répondre à votre question, je dirai que lorsque vous agissez pour une cause que vous jugez noble, il ne faut pas attendre des remerciements ou un prix pour cela. La gratitude peut venir par le progrès de l’histoire ou d’une génération après vous; ce que je ferai, je le fais par conviction et non pour une attente quelconque. Je ne suis pas un habitué des médias pour faire connaître mon activité. Vous me retrouvez dans mon bureau en plein travail parce que vous avez eu un témoignage des personnes qui connaissent bien ce que nous faisons. Donc, nous existons et notre activité est vivante. C’est ce qui compte pour moi et pour les amis et collègues de la VVU.

 

Pour brosser un peu sur nos réalisations, je peux vous faire observer que dans le cadre de la promotion du leadership féminin, nous avions eu à organiser plusieurs ateliers de renforcement des capacités pour les femmes candidates aux élections législatives de 2011 ; conjointement avec la cellule Genre et élections de la MONUSCO. Nous avions fait bénéficier à plusieurs candidates à tous les niveaux d’un espace d’échanges d’expériences parles femmes et autres personnes expérimentées qui partageaient leurs expériences politiques avec ceux qui n’en avaient pas. Cette occasion m’as permis d’apprendre aussi beaucoup sur l’organisation d’une campagne électorale et la mobilisation populaire. Nous avions, au courant de la même année, formé les observateurs électoraux, au nombre desquels il y avait des femmes de différents partis politiques de la Majorité comme celles de l’Opposition. Tout cela, pour la seule année 2011.

 

Avant, pendant et après les élections, nous avions joué un rôle majeur de sensibilisation aux élections apaisées et à la non-violence. Nos cellules et points focaux de N’Djili, Masina et Matete ont joué un rôle appréciable. Si vous étiez de la police nationale congolaise, vous connaîtriez ce que nous avions fait au quartier 9, à N’Djili ; à Kimbanseke et Matete, juste après la proclamation des résultats. Pourtant, nous ne sommes pas passés à la télévision et à la radio pour revendiquer ces actions. Dire que nous ne sommes pas connus, ce n’est pas vrai. Si dans les administrations de l’Etat, cela n’a pas été rapporté, il y a néanmoins des observateurs étrangers et médias qui en ont fait rapport.

 

En 2015, je sais que vous savez que la VVU, notre organisation, était au centre et partie prenante à l’organisation régionale qui s’est tenue à Kinshasa à Fleuve Congo Hôtel dans le cadre du dialogue inter frontaliers dans la région des Grands Lacs; bien que les enjeux aient été plus orientés vers les terres, identités et mouvements des populations; Interpeace Long Suisse qui a organisé ce forum ne nous a pas choisi au hasard. Je rappelle que le forum regroupe d’experts, cadres politiques et organisations de trois pays, à savoir le Rwanda, le Burundi et la RDC. Dans un cadre comme celui-là, formuler des recommandations au bénéfice d son pays à ce niveau, c’est quelque chose qui reste inaperçu. Dans d’autres pays du monde, les ONG réussissent parfois sur un terrain où les politiques peuvent glisser facilement, notamment sur le terrain diplomatique. Si notre pays n’en tient pas compte, ce n’est pas à nous le problème. Nous nous faisons notre travail.

 

Il y en a qui disent que 2016 est une année de chaos relativement aux échéances électorales vis-à- vis de la position des opposants et le pouvoir actuel. Partagez-vous cet avis?

Chaos pas du tout, je n’aime pas le mot chaos, surtout lorsque ce sont les individus qui ne partagent pas les mêmes idées et visions; ceux qui s’opposent peuvent arriver à tout moment à se parler, car ce sont des personnes qui ont le pays comme patrimoine commun pour l’intérêt de la patrie. Le mot dialogue est bénéfique à tous plus que le chaos. Vous savez avec moi qu’entre 1998 et 2003, notre pays était voué au Chaos parlant des analyses des experts, le pays était frité et aux mains de plusieurs protagonistes, de fois motives par les mains noirs étrangères invisibles ; de par l’histoire et l’expérience congolaise je peux prédire qu’il n’y aura pas de chaos. On se rencontrera en 2017 on fera un bilan d’ensemble; je pense que vous me donnez raison. A mon avis, que ce soit les opposants ou les acteurs au sein de la Majorité présidentielles, aucune partie ne souhaite mettre le pays à feu et à sang. Il y aura toujours une issue de sortie à la crise. J’encourage les uns et les autres à regarder clans la direction de l’intérêt national. N’oublions pas que nous entrons dans une situation qui sera difficile à contrôler tant au niveau national qu’international. Nous avons acquis la paix au prix de peines et sacrifices au point qu’envisager de faire couler une goutte de sang intentionnellement est un crime contre l’humanité. Les Congolais s’organiseront pour qu’il n’ait pas d’impunité, même s’il faut recourir à des instances internationales.

 

Quel est l’apport que vous attendez des femmes et de la jeunesse dans la prévention de la violence?

Je fais remarquer qu’il n’existe pas un seul conflit au monde qui n’ait pas impliqué la jeunesse. Ceci étant aucune prévention ne peut être envisagé sans approcher cette catégorie de citoyens; la femme est l’épicentre de résolution des conflits et de prévention. En Afrique et partout dans le monde, la femme est la base de l’éducation au sein du ménage ; nous travaillons sur cet aspects dans nos cellules pour atteindre les jeunes qui peuvent de fois nous échapper; aussi nous associons les femmes dans notre démarche car, elles font partie de  notre société; généralement aucun jeune ne peux verser dans violence. Ce sont des idéologies mal encrées et dispensées qui génèrent la violence ; les acteurs politiques puisent sur ce terrain pour instrumentaliser; nous le savons c’est pourquoi nous attaquons le taureau par les cornes.

 

Vous êtes aussi à ce titre un observateur de droits humains nous entendons souvent des rapports des organismes internationaux qui dénoncent et condamnent les violations graves de droits humains en RDC; arrestations arbitraires; viols et j’en passe. Avez-vous à votre bilan des rapports de dénonciation pour ces faits?

Comme vous venez de l’évoquer, c’est aussi condamner, accuser. Nous sommes en premier lieu des activistes de la paix; toute personne qui recherche la paix ne condamne pas d’abord mais plutôt cherche un rapprochement, un dialogue pour les parties qui s’opposent ou alors étudier les causes de dispute et tenter d’y apporter une solution afin d’éviter les querelles ; cela est notre mission première car, on se dit que si nous arrivons à apporter réponses aux questions qui divisent, c’est déjà une partie de solution, disons par exemple que si on peut arriver à mieux gérer les questions électorales, il e peut y avoir des conflits postes électoraux. Si on peut arriver à conscientiser collectivement les magistrats et les OPJ dans leurs agissements et manières de faire leur travail, il n’y aura pas d’arrestations arbitraires ainsi de suite ; ce n’est qu’après avoir épuisé toutes les voies et moyens disponibles de négociations et conseils que nous pouvons condamner; nous estimons qu’accorder un temps c’est aussi un moyen de permettre à l’autre regarder les choses dans le bon sens ; il y a des acteurs politiques qui nous disent que les choses se sont améliorées et que ça s’améliorent de plus en plus. Ils peuvent avoir raison car si je fais la rétrospection de l’Etat congolais en cette matière en 2000, je peux leur donner raison même s’il reste beaucoup à faire; il ne faudra pas que 2016 jette à l’aire le travail de toute une décennie.

 

Une petite indiscrétion de ma part, j’ai des collègues journaliste qui vous suspecte d’être un peu proche du pouvoir actuel. Ont-ils raison ou tort ?

Ecoutez, nous sommes une organisation non gouvernementale et non un parti politique ; les autorités publiques sont dans tous les domaines et secteurs de notre combat des partenaires et non des ennemis ; comme dans ces secteurs nous avons besoin des personnes ou dirigeants qui peuvent influencer des décisions qui avancent nos questions relatives, à la paix dans les secteurs qu’ils dirigent alors nous n’avons pas tort de nous rapprocher du pouvoir actuel que des membres de l’opposition. C’est à ce niveau pas plus; pour être franc moi-même, je n’ai pas un contact particulier dans le cercle du pouvoir; peut-être de manière informelle; mais je peux vous avouer que je suis sympathisant des œuvres caritatives de la première dame de la République ; d’ailleurs nous envisageons un partenariat avec son organisation dénommée INITIATIVE PLUS; ceci pour tenter de faire avancer certaines choses sur le plan socioéconomique à BENI, BUTEMBO et dans les autres endroits du Sud-Kivu où nombreuses femmes sont violées et veuves militaires devaient bénéficier d’une prise en charge particulière, structurée et organisée.

 

PROPOS RECUEILLIS