LES FEMMES DE LA DIASPORA CONGOLAISE DE BELGIQUE APPELLENT LE GOUVERNEMENT MATATA II À « RECTIFIER LA SOUS-REPRÉSENTATION FÉMININE » EN SON SEIN

Vendredi 9 janvier 2015 - 08:23

Les femmes de la diaspora congolaise de Belgique, se fondant sur les propos du président américain John Fitzgerald Kennedy selon lesquels « Ne sacrifiez jamais vos convictions politiques pour être dans l'air du temps », appellent le gouvernement Matata II de la République démocratique du Congo (RDC) à « rectifier la sous-représentation féminine » en son sein « en intégrant des femmes capables dans la gestion du pays ».
« Dans le gouvernement actuel, la représentation des femmes est de 14,6 %. Dans le classement mondial, la République Démocratique du Congo est située à la 119ème place avec une moyenne de 8 % de femmes au Parlement. Les efforts entrepris jusqu’ici restent en-deçà des attentes », déplorent-elles dans leur communiqué signé le 08 janvier 2015 par la politologue Louise Ngandu, experte en Management public et présidente d'honneur de l'Union des femmes africaines.
Ce communiqué, qui est parvenu jeudi à Lepotentielonline.com, fait suite à la publication du Gouvernement de cohésion nationale intervenue le 07 décembre 2014. Il appuie la déclaration du 09 décembre dernier des femmes réunies au sein du Cadre permanent de Concertation de la Femme Congolaise (CAFCO).
Intégrer des femmes capables dans la gestion du pays
Afin de sortir de cette impasse, les femmes congolaises de Belgique demandent au Gouvernement congolais de « rectifier cette sous-représentation féminine au sein du Gouvernement en intégrant des femmes capables dans la gestion du pays, de soutenir une formation politique permanente des femmes et des hommes dans une vision nouvelle pour la relève du pays ».
Elles rappellent que « la République Démocratique du Congo a inscrit la parité à l’article 14 de la Constitution de la Troisième République de 2006 » et a également « marqué son adhésion aux différents protocoles et textes internationaux sur le genre ».
Elles citent notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) du 17 octobre 1986, le Protocole de la SADC sur le genre et le développement du 11 décembre 2007, le protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique ratifié le 09 juin 2008 ; la Résolution 1325 des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité du 31 octobre 2000.
Requêtes
Le chef de l’Etat congolais ayant « affirmé à plusieurs reprises sa volonté d’intégrer les femmes congolaises aux différents niveaux de prise de décision », les femmes de la diaspora congolaise de Belgique constatent que « plus de 9 ans après l’adoption de la Constitution, la représentation des femmes dans les différents gouvernements qui se sont succédés oscillent entre 10 et 16 % ».
Par conséquent, « afin de sortir de cette impasse », les femmes congolaises de Belgique demandent au Gouvernement congolais :
•de rectifier cette sous-représentation féminine au sein du Gouvernement en intégrant des femmes capables dans la gestion du pays ;
•de soutenir une formation politique permanente des femmes et des hommes dans une vision nouvelle pour la relève du pays ;
•de soutenir structurellement les associations de femmes et de jeunes filles sur le terrain pour garantir l’égalité des chances ;
•d’encourager les partis politiques et la société civile à aligner des candidatures
féminines lors des élections 2015 et 2016 ;
•de lancer une campagne d’éducation civique et d’assurer la sécurité des femmes afin de les encourager à voter massivement lors des élections
2015 et 2016 ;
•de mettre à l'agenda une Charte de « GENRE » et inviter toutes les forces politiques et de la société civile d'y adhérer afin de respecter la parité ;
•de prendre des dispositions pour permettre le vote des Congolais de l’étranger ;
•de créer au sein du Ministère des congolais de l’étranger une représentation de femme congolaises de l’étranger afin de favoriser leur participation aux politiques concernant les femmes.
La politologue Louise Ngandu, lauréate du Prix de Femme de Paix 2012
Politologue de formation, Mme Louise Ngandu, fait partie des plus grandes militantes de la cause de la femme africaine en Belgique. Présidente d'honneur de l’Union des Femmes Africaines (UFA) et membre du Conseil des Femmes Francophones de Belgique, elle est engagée dans diverses associations africaines où elle milite pour les droits des femmes.
L'une des chevilles ouvrières de la création de la «Maison des Femmes du Burundi», Mme Ngandu œuvre pour la mise en place d’un centre d’éducation permanente pour les femmes au Congo. Au vu de ses actions, cette femme de convictions a reçu le prix de Femme de Paix 2012, au cours d’une cérémonie qui a eu lieu au Sénat à Bruxelles le 11 décembre 2012 en présence de la Reine Paola.
Ce prix, décerné à 18 femmes, consacre une œuvre et un engagement pour la paix, la réconciliation et les droits de la femme. Mme Louise Ngandu a été interviewée le 01 janvier 2013 par le Nouvel Afrique (LNA).
Le Nouvel Afrique (LNA) : Présentez-vous à nos lecteurs ?
Louise Ngandu (LN) : Je m’appelle Louise Ngandu Lukusa. Je suis titulaire d’une licence en Sciences Politiques et Relations Internationales obtenue à l’Université Libre de Bruxelles et d’un DES en Management Public de la Solvay Brussels School of Economics and Management. Mes premiers pas dans le monde associatif datent du début des années 90.
En tant que Congolaise vivant en Belgique, je me sentais particulièrement interpellée par la problématique de l’immigration africaine en Belgique. C’est en m’impliquant davantage dans la sensibilisation à cette problématique et dans l’élaboration de solutions que j’ai été amenée à assurer la vice-présidence du Conseil des Communautés Africaines en Belgique de 1995 à 1997.
J’ai également participé à la fondation du Cercle Yaguine & Fodé, une association instituée en mémoire de ces deux jeunes réfugiés guinéens retrouvés morts dans le train d’atterrissage d’un avion de la Sabena.
À la même époque, je me suis engagée dans le combat pour la reconnaissance et le respect des droits des femmes. J’ai ainsi été administratrice et Présidente de la Commission Immigration au Conseil des Femmes Francophones de Belgique (CFFB) de 1995 à 2001.
Je suis l’une des fondatrices de l’Union des Femmes Africaines créée en 1998 et dont j’ai été Présidente entre 2000 et 2002. À ce jour, l’UFA compte une quinzaine de nationalités parmi ses membres, et j’en suis Présidente d’honneur depuis 2009.
C’est dans le cadre de cette lutte pour les droits des femmes que j’ai notamment participé à la 4e Conférence Mondiale sur les Femmes à Pékin et à la 2e Conférence Internationale sur les femmes migrantes à Lisbonne.
J’ai aussi effectué plusieurs missions au Burundi en tant qu’experte pour l’Afrique du CFFB où nous avons mis en place la Maison des Femmes avec le soutien de la Communauté française de Belgique.
En 2006, en préparation des élections présidentielles et législatives en RDC, je me suis rendue à Lubumbashi en tant que membre du Comité de Soutien aux Femmes Congolaises, pour soutenir et coacher les femmes candidates aux élections. Cinq ans plus tard, j’y suis retournée avec une casquette politique ; j’y reviendrai brièvement.
Parallèlement à mes activités «de terrain», j’ai également entrepris des activités académiques. En effet, entre 2004 et 2011, j’ai été maître de conférences et j’ai publié plusieurs articles sur différentes thématiques parmi lesquelles le phénomène migratoire, les associations congolaises opérant en Belgique, l’insertion socioprofessionnelle des femmes, l’implication des femmes en politique et dans les processus de négociation de paix dans la Région des Grands-Lacs, la gouvernance et le développement durable en Afrique ainsi que l’analyse du rôle des femmes dans les élections de 2006 et de 2011 en République Démocratique du Congo.

S’agissant de mon engagement politique évoqué ci-avant, j’ai décidé d’adhérer en 2008 à l’UREC (Union pour la Reconstruction du Congo) où j’ai assumé les postes de Directrice politique au Cabinet du Président National, et de Présidente de la Fédération Européenne du parti. Cette collaboration avec l’UREC a pris fin en décembre 2011 suite à l’orientation prise par le parti qui n’entrait plus en résonnance avec mes convictions politiques et mes valeurs.
Toutefois, cette expérience enrichissante fait partie intégrante de mon parcours et mon engagement politique demeure intact.
LNA : Qu’est-ce que vous avez ressenti en recevant le prix de Femme de Paix 2012 ?
LN : En recevant ce prix, j’ai eu un sentiment de reconnaissance pour toutes les actions entreprises, les ressources mobilisées, le temps et l’énergie consacrés à une cause embrassée il y a plus de quinze ans.
Si ce prix est la consécration d’un travail accompli, je pense qu’il prend tout son sens car il marque une nouvelle étape à franchir et ne peut être considéré comme un aboutissement. En effet, le titre de Femme de Paix ne doit pas se limiter à une distinction honorifique, il renforce l’engagement de celles qui le reçoivent en mettant en lumière leurs actions, favorisant ainsi leur stimulation et leur développement.
Ce prix n’est pas une fin en soi, au contraire ; il représente pour moi une opportunité pour aller plus loin avec d’autres. Tant qu’il y aura des femmes opprimées et victimes d’iniquités, je serai debout avec elles pour revendiquer et participer à la construction d’une société de justice et de paix.

LNA : Quelle est votre vision sur la femme africaine en Belgique et en général ?
LN : C’est une vision positive parce que j’ai pu voir son évolution au cours des vingt dernières années. En ce qui concerne la Belgique, nous retrouvons de plus en plus de femmes issues de l’immigration dans des secteurs professionnels toujours plus variés. C’est une bonne chose que nous parvenions à nous insérer et nous stabiliser dans différents créneaux d’emploi.
Cela étant, si nous pouvons constater des avancées positives et concrètes, je pense qu’il est essentiel de continuer à s’interroger sur le sort des femmes africaines, immigrées ou non. Énormément de femmes vivent encore des situations qui doivent nous interpeller.

C’est pourquoi, nous devons continuer à œuvrer pour leur cause, sans jamais fermer les yeux sur leurs réalités. Nous devons les soutenir à être compétitives et nous avons le devoir moral de les assister dans leur vie et leur survie quotidiennes. Aussi, même si les combats restent nombreux à mener, je reste optimiste au regard du chemin parcouru jusqu’ici.
De manière générale, les femmes représentent plus de 50% de la population africaine et, de fait, sont des agents incontournables de développement durable. Il est dès lors important qu’elles participent à différents niveaux à la gestion de la société.

LNA : Quelles sont les perspectives dans votre combat ?
LN : Nous sommes dans un long processus, avec un engagement qui nécessite patience et persévérance. Nous allons continuer ce travail de longue haleine et promouvoir l’action des femmes qui prennent des initiatives.
Nous allons continuer à encourager les femmes à participer davantage à la gestion de la chose publique et à accéder aux postes décisionnels en leur donnant les outils nécessaires.
Par ailleurs, nous souhaitons mettre en place en République Démocratique du Congo un centre d’éducation permanente et d’accompagnement psychosocial. Ce centre sera en outre un lieu de formation et d’échange d’expériences avec les associations locales.
LNA : Votre dernier mot ?
LN : Mon souhait est de continuer le travail en synergie avec d’autres femmes qui se battent, de mettre en place des passerelles avec les pays africains, d’avoir des hommes à nos côtés dans notre combat pour plus de complémentarité. Nous devons aller à une plus grande prise de conscience du potentiel des femmes africaines.

 

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