
Les préjugés ont la vie dure, surtout lorsqu’il s’agit de la République démocratique du Congo (RDC) ! Ainsi, les observateurs qui se disent avertis savent-ils que mon pays arrive en 5e position parmi ceux dont le produit intérieur brut par habitant a le plus progressé au monde depuis 2010, avec une avancée de plus de 20 % ? La RDC n’est dépassée que par l’Ethiopie, laChine, la Côte d’Ivoire et l’Inde. L’essor éthiopien, la force de l’économie chinoise, le boom indien, le rebond ivoirien sont autant d’expressions entendues et ressassées. Mais que dit-on ou qu’écrit-on sur la République démocratique du Congo ?
La faillite et la gabegie économiques des années 1980-1990, la violence et la guerre durant la décennie qui a suivi et notre combat encore insatisfaisant contre la corruption sont autant de marqueurs indélébiles qui continuent à écrire notre histoire à notre place.
Au fond de la piscine
« La croissance ne se mange pas », rétorquent les esprits chagrins. Certes, mais il est illusoire de vouloir améliorer les conditions de vie des populations, réduire la pauvreté, construire des routes, des hôpitaux et des écoles, créer des emplois… sans croissance. La croissance est le moteur essentiel d’une économie puisqu’elle donne des marges de manœuvre aux Etats et du souffle aux entreprises. Il me semble observer la validité de cette règle en Europe…
« Mon Congo » en fait tout autant la démonstration puisqu’il a gagné dix places au classement 2015 de l’indice de développement humain (IDH) du programme des Nations unies pour le développement(PNUD). C’est l’une des plus fortes progressions par rapport à 2014 tandis que notre taux de pauvreté a baissé d’un quart depuis 1990, en passant de plus de 80 % de la population à 63,4 % aujourd’hui.
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J’entends déjà les mêmes « esprits chagrins » rappeler qu’étant tout au fond de la piscine, il nous suffisait de taper des talons pour remonter ! Je veux bien admettre cette apparente évidence bien peu académique, mais je tiens aussi à souligner quelques réalités congolaises vécues par la population, quotidiennement.
La part de l’éducation dans le budget de l’Etat est passée de 1 % en 1990 à 16 % aujourd’hui et les dépenses de santé ont progressé de 37 % en quatre ans. Sur fonds propres, le gouvernement finance actuellement la construction de 1 000 écoles et plus de 5 000 dispensaires ou hôpitaux. La RDC a créé sa compagnie aérienne nationale, Congo Airways, remis sur pied la société de transport à Kinshasa, Transco, et réhabilité plus de 6 000 kilomètres de routes depuis 2012. Des projets énergétiques comme celui du barrage Inga III sont relancés afin de remédier à notre pénurie d’électricité.
Mon pays importe chaque année pour plus de 1,5 milliard de dollars de denrées alimentaires alors qu’il dispose de 80 millions d’hectares de terres arables. Pour mettre un terme à cette ineptie, des parcs agro-industriels sont entrés en production (céréales, maraîchage….). Des secteurs comme la téléphonie, la banque, le bâtiment, le petit commerce – à forte intensité de main-d’œuvre – ont connu ces dernières années un fort développement. Tout cela a pu être engagé car la RDC a su stabiliser et consolider son cadre macro-économique.
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Les Congolais ont en effet encore en mémoire leurs sacoches pleines de billets ne valant plus rien d’une journée sur l’autre avec une hyperinflation qui a atteint un pic de 9 800 % en 1994, une planche à billet tournant à plein régime et une monnaie nationale dégringolant sur le toboggan de la dévaluation. En 2015, l’inflation a été de 0,82 % et la monnaie est restée stable depuis 2010, avec un taux de croissance économique moyen de 7,8 % sur la même période.
Ces agrégats macro-économiques peuvent être perçus comme des abstractions. Mais il faut quand même une bonne dose de mauvaise foi pour ne pas reconnaître que ces chiffres se traduisent forcément dans le panier de la ménagère et dans les conditions de vie des populations. Certes, notre économie n’est pas encore assez redistributive car trop dépendante du secteur extractif et insuffisamment génératrice d’emplois. Tout cela est vrai. Et je veux bien ajouter que notre environnement des affaires reste perfectible et qu’il pénalise les investisseurs et les acteurs économiques. Pour être plus clair encore, notre combat contre la corruption héritée des années Mobutu n’est pas encore gagné !
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Il n’empêche, comme le dit Carlos Lopes, secrétaire exécutif de la commission économique pour l’Afrique des Nations unies, dans la préface du livre que je viens de publier (Pour un Congo émergent, éditions Privé), « les Congolais peuvent aujourd’hui se fixer des objectifs de développement industriel, avec une économie diversifiée et une croissance inclusive. Le pays se transforme ». Carlos Lopes n’est pas congolais, et encore moins un politicien populiste et démagogique comme mon pays sait en produire en quantité, malheureusement. C’est un économiste spécialiste du développement, titulaire d’un doctorat en histoire de l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), qui a écrit ou édité vingt-deux livres et qui a enseigné dans des plus grandes universités et institutions académiques en Europe et en Amérique latine.
Bâtir un consensus national
La République démocratique du Congo est-elle pour autant sortie d’affaire, marchant sans ambages sur la route de l’émergence, de la paix et de la stabilité ? Non. Les Congolais – et tout particulièrement la classe politique – ont encore beaucoup à prouver et doivent accepter de rêver par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Nos résultats économiques plaident pour nous. Mais notre défi est aussi et avant tout sociétal, politique et institutionnel. Sommes-nous capables d’élaborer un modèle pour « vivre ensemble », et de bâtir un consensus national au-delà des courants idéologiques, des batailles pour le pouvoir et des aléas politiques ? C’est nécessaire si l’on veut conjurer tout risque de retour en arrière. A défaut, la population ne nous le pardonnerait pas.
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