Kabila sauve la BIAC d’une faillite préméditée

Mardi 5 avril 2016 - 15:08
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Jamais auparavant la cupidité et la boulimie affairiste de certains groupes d’intérêt ne se sont manifestées avec autant de hargne ces dernières années que dans la saga qui secoue la Banque internationale pour l’Afrique centrale (BIAC). Des médias et officines de lobby tant nationaux qu’internationaux ont été rameutés pour déconstruire systématiquement la troisième banque de la RDC en l’attaquant là où cela fait le plus mal la confiance du public.

 

Un internaute dénommé (ou sur nommé) S. Valaka a comparé la situation précaire qui a failli emporter cette banque qui trône majestueusement dans deux immeubles mitoyens du Boulevard du 30 juin à Kinshasa au drame économique qui se joua dans les années 80 entre les trois grandes compagnies automobiles américaines : Ford Motors, General Motors et Chrysler. Pour illustrer sa réflexion, il rappelle l’histoire d’un capitaine d’industrie américain, Lee Iacoca, une véritable légende dans l’historiographie des entreprises au pays de l’Oncle Sam. Fils d’immigrants Italiens, l’ingénieur Lee Iacoca devint président de Ford Motors dans les années 70 après y avoir commencé sa carrière en 1946. Mais Ford est une compagnie familiale et à un certain moment, Henri Ford III le renvoya pour reprendre lui-même la gestion de la compagnie. Au même moment, la compagnie Chrysler entamait une difficile lutte contre la faillite. Elle était menacée de faire faillite avec le risque de mettre au chômage plus de 3.000 familles avec des centaines de milliers de personnes impliquées dans la sous-traitance.

 

Sans emploi et libre de tout engagement chez Ford Motors, Lee Iaocca sera engagé par Chrysler en 1978 et prendra des initiatives audacieuses pour renflouer ce géant de l’automobile à la dérive. Henry Ford III était furieux de voir son talentueux prédécesseur donner ainsi une chance à un concurrent. Avant de quitter Ford Motors, Iacocca avait signé, contre un pactole de trois millions de dollars, un engagement dont une clause lui interdisait formellement d’offrir ses services à une autre compagnie automobile aux Etats-Unis. Il s’agissait de « préserver» l’expertise et l’expérience professionnelles accumulées par Lee Iacocca pendant sa carrière chez Ford. Henri Ford III exigea que Chrysler remboursa rubis sur ongle les trois millions de dollars à Ford Motors pour avoir embauché le talentueux gourou.

 

Embauché dans ces conditions, Lee Iacocca se rendit compte que le seul moyen de sauver Chrysler était de solliciter un emprunt de 1 milliard de dollars auprès du gouvernement Américain, ce qui provoqua une levée de bouclier des groupes rivaux Ford Motors et General Motors qui s’y opposèrent catégoriquement, en faisant chorus autour du sacro-saint principe du « laisser aller, laisser faire » qui constitue le B A BA du capitalisme américain. « Si Chrysler a mal géré ses ressources et qu’elle frôle la banqueroute, le gouvernement américain n’a pas à ponctionner l’argent du contribuable américain pour, sauver une entreprise privée en perdition », clamaient de puissants lobbies et médias mobilisés par les deux majors décidés coûte que coûte à empêcher tout sauvetage de Chrysler par le gouvernement pour s’accaparer de juteuses parts de marché.

 

Lee Iacocca ne se laissa pas impressionner et défendit vaille que vaille sa requête d’un appui du Trésor fédéral face à un Congrès américain chauffé à blanc par les pressions agressives de Ford et GM. Son argumentaire devant les parlementaires réticents était le suivant : « Refusez-moi cet emprunt et Chrysler ferme ses portes renvoyant dans le chômage trois mille travailleurs et des centaines de milliers de familles dépendantes des sous traitants de cette entreprise qui vont vous harceler pendant des mois, voire des années pour obtenir l’assistance sociale du gouvernement. Par contre si vous me prêtez ce milliard que je sollicite, dans trois ans, non seulement le Trésor américain récupérera cet argent avec de substantiels intérêts, mais nous aurons, vous et moi, préservé des centaines de milliers d’emplois avec autant d’Américains que le gouvernement n’aura pas sur son dos. » Il eut gain de cause et fin 1979, Chrysler reçut le montant sollicité d’un milliard de dollars garanti par le gouvernement américain. La première mesure drastique qu’il engagea fut la réduction des salaires de tous les cadres. Lui-même s’imposa un salaire purement symbolique de 1 dollar par an pendant trois ans.

 

Les résultats ne se firent pas attendre: Chrysler renoua avec les bénéfices, rachetant même Lamborghini et American Motors. C’était le « miracle Chrysler» : Plymouth Reliant (K-car), Dodge Aries, Mini-van ont littéralement revampé la culture de l’automobile aux USA et dans le monde. Les mini vans de Chrysler gagnèrent une réputation inédite tant aux USA qu’au Japon.

 

Lee Iacocca qui avait promis le remboursement du prêt de un milliard de dollars sur trois ans s’était présenté au Congrès américain avec un chèque de un milliard deux cent millions de dollars deux ans avant l’échéance, liquidant ainsi totalement la dette près de deux ans avant l’échéance. Les services de l’Administration fédérale qui ne savaient pas comment encaisser ce montant non prévu au budget des recettes avaient besoin d’une autorisation spéciale des législateurs pour ce faire...

 

La saga de la BIAC n’est pas sans rappeler par certains aspects cette fabuleuse histoire qui finit bien. Avec son demi-million d’épargnants et son maillage très dense sur l’ensemble du territoire rd congolais, la BIAC, même en sérieuse difficulté mérité bien un sauvetage du genre de celui mis en œuvre par Lee Iacocca pour Chrysler au royaume du capitalisme sans états d’âme que sont les USA. Au lieu de quoi c’est un schéma d’enterrement que le Premier Ministre Matata Ponyo semble avoir décidé de lui réserver, ainsi que le signalait notre confrère Henry Mbuyi Kabeya d’AfricaNews : « Plus de 150 licenciements en vue, réduction des agences et de la masse salariale notamment parmi les cadres, réduction des distributeurs automatiques... la BIAC, l’une des grosses banques du pays, avec à l’actif plus 500.000 comptes, est sur la route du cimetière. Ses fossoyeurs; le Premier ministre Matata et Michel Losembe, son ex DG, limogé dans la soirée du lundi 28 mars 2016. Selon une source bien renseignée, Matata Ponyo est l’homme qui a donné le coup fatal à cette entreprise déjà en difficulté depuis quelques années... »

 

Dans un pays post-conflit, en butte aux convoitises de nombre de groupes d’intérêts étrangers où la création des emplois est une priorité parmi les priorités pour sa stabilité, prendre l’option d’asséner un tel coup fatal à une institution bancaire de cette envergure est une erreur, voire une faute lourde. Ainsi que le signale le confrère, « sans aucune précaution, le chef du gouvernement congolais a exercé une très forte pression sur la BIAC pour obtenir le remboursement de CDF35 milliards sur les 40 milliards de prêt que cette dernière avait contracté auprès de la Banque centrale contre l’avis de cette dernière et alors que le délai n’était pas encore échu, confie un banquier de la place… »

 

Là où un Lee Iacocca s’est époumoné pour préserver les emplois et la stabilité de la puissante Amérique, le chef du Gouvernement congolais, par de très fortes pressions qu’il a exercé notamment sur la Banque Centrale, institution théoriquement indépendante du Gouvernement, s’est signalé par une attitude frisant une insouciance à la limite de la destruction méchante d’une entreprise viable avec, entre autres conséquences désastreuses de mettre délibérément au chômage, des centaines d’employés sans penser aux conséquences néfastes que ses pressions, exercées à titre personnel, car hors de toute délibération en conseil des ministres, pouvaient entraîner sur la vie socioéconomique congolaise dans son ensemble.

 

Il est curieux de constater que l’échéance de remboursement n’était même pas encore arrivée à terme. Cette indifférence face au sort et à la réaction prévisible de plus de 500.000 de ses compatriotes épargnants de la banque, des gagne-petits pour la plupart, qui risquaient de plonger le pays dans le chaos en exprimant légitimement leur désespoir laisse pantois tous les observateurs.

 

Il est heureux que le Président Joseph Kabila veille au grain. Il a encouragé Deogratias Mutombo, le patron de la Banque Centrale à ne pas s’en laisser compter et à user pleinement des prérogatives que lui confère l’autonomie reconnue par la loi à l’institut d’émission pour entreprendre le sauvetage de la BIAC. Mieux, le Chef de l’Etat a ordonné aux membres de l’exécutif de monter au créneau pour appuyer le projet de sauvetage de la BIAC.

 

C’est ainsi qu’a contrario du Premier Ministre, le Ministre des Finances Henri Yav Mulang a coopéré pleinement avec la BCC pour aider la BIAC à surmonter ses problèmes après la mise à l’écart de Michel Losembe. Son collègue de la Communication et Médias, Lambert Mende, porte-parole du Gouvernement a pour sa part contrarié l’action de sape contre la troisième banque rd congolaise dès vendredi 29 avril en invitant par une communication officielle du Gouvernement les dizaines de milliers d’épargnants’ à «garder leur sérénité (car) en dépit de problèmes organisationnels en voie de solution, la BIAC n’est pas en faillite». Même le Bureau Politique de la Majorité présidentielle, d’habitude focalisé sur les questions de politique politicienne, s’est vu sommé par Joseph Kabila, Autorité Morale de la coalition au pouvoir, de consacrer une partie de sa réunion de samedi 30 avril à une réflexion et des propositions sur la solution idoine à cette crise qui menaçait gravement une grande institution bancaire nationale.

 

En dépit du silence prudent du communiqué ayant sanctionné cette réunion à ce sujet, des sources généralement bien informées ont indiqué que la réflexion des sociétaires de la Majorité présidentielle s’est conclue par une condamnation unanime de l’attitude hostile du Premier ministre vis-à-vis de la BIAC.

 

Mais Matata Ponyo n’est pas le seul responsable intellectuel de ce crime parfait ourdi contre la BIAC, son personnel et ses clients. D’autres fossoyeurs ont agi, parallèlement ou de concert avec le N°1 du Gouvernement, dans une tentative de s’emparer du pactole de la BIAC dans une opération de bradage digne de la flibuste qui allait laisser sur le carreau des centaines d’employés et 500.000 épargnants. AfricaNews épingle à cet égard Michel Losembe, l patron de la BAC jusqu’au 15 avril. A l’en croire, « l’homme qui voulait être Gouverneur de la Banque centrale du Congo passe pour un champion en doublement des systèmes. » Plusieurs analystes financiers attribuent à Losembe des pratiques indélicates depuis son mandat à la Citibank, assène la source : « havait une maison de change parallèle à celle de la Banque. Des pratiques qu’il aurait amenées à la BIAC, déjà en difficulté et qu’il avait reçu mission de relever » Ces graves accusations sont reprises par le Soft qui le décrit comme « un personnage bling-bling (…) parlant plus vite qu’il ne réfléchit et toujours incapable de se rappeler ce qu’il a dit une seconde plus tôt (et qui) sera sans nul doute difficilement pleuré dans le milieu bancaire ».

La BIAC, un joyau national « too big to fail » pour reprendre une expression chère à un responsable américain de premier plan, méritait certainement mieux.

 

Par Correspondance particulière