En 2016, pas moins de cinq scrutins nationaux auront lieu en Afrique centrale. Tandis que certains candidats bénéficient d’un bilan et d’une aura positifs, comme le Congolais Denis Sassou-Nguesso ou le Tchadien Idriss Déby Itno, d’autres devront sans doute affronter la colère des électeurs, comme le Congolais Joseph Kabila ou le Gabonais Ali Bongo Ondimba.
Très largement relayée par les médias, la double élection – présidentielle et législatives – en République centrafricaine est majeure à plus d’un titre. Repoussés à plusieurs reprises, les deux scrutins viennent mettre un terme à deux années de régime transitoire et une guerre civile qui fait rage depuis mars 2013 ; ils signeront ainsi le retour d’une dynamique de paix – espère-t-on – dans un pays profondément divisé. Encore faut-il cependant que la procédure électorale soit respectée et, surtout, acceptée de tous les candidats. Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle – Anicet Georges Dologuélé, candidat de l’URCA (23,74%), et Faustin Archange Touadéra, candidat indépendant (19,05%) arrivent en tête – ont en effet été contestés par certains participants ; la Cour constitutionnelle a décidé d’invalider l’ensemble du premier tour des législatives en raison de la gravité des irrégularités constatées. Pour autant, le pays semble se diriger vers une période moins trouble, et tout doit être fait pour accompagner la sortie de crise.
Le piège électoral de Kabila
Autre scrutin majeur cette année : la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), dont la tenue est… incertaine, ce qui semble indiquer que le régime fait tout pour le retarder afin d’organiser son maintien au pouvoir. Le chef de l’Etat, Joseph Kabila, a simplement annoncé la tenue d’un « dialogue national » afin de garantir des « élections apaisées ». Et plaidé également pour l’organisation d’un recensement général qui prendrait entre deux et quatre ans – l’annonce avait suscité l’indignation de l’opposition l’an dernier. Ses adversaires y voient évidemment un « piège », une manœuvre visant à jouer la montre. La commission électorale congolaise (CENI) soutient sa position, et affirme ne pas pouvoir organiser les prochains scrutins dans les temps pour cause de révision du fichier électoral, dont l’actualisation pourrait prendre entre 13 et 16 mois. Seul problème : le mandat du président Joseph Kabila expire fin 2016. Dernier élément dans cette crise : le Premier ministre, Matata Ponyo, a annoncé que l’Etat congolais allait perdre 216 millions de dollars de rentrées financières en 2016. Une perte qui fait suite à la suspension de la production de cuivre par le minier suisse Glencore pour les dix-huit prochains mois.
Une opposition divisée pour Ali Bongo
La date de la prochaine présidentielle gabonaise est encore incertaine. Cependant, pour des raisons constitutionnelles, elle doit avoir lieu dans le courant de l’année ; elle devait initialement marquer la fin de l’ère Bongo : après 42 ans de règne pour Omar Bongo, c’est son fils, Ali Bongo Ondimba, qui avait été élu président en 2009. Alors que la constitution lui interdisait de briguer un troisième mandat, l’actuel chef de l’Etat a choisi d’outrepasser la contingence constitutionnelle et annoncé sa candidature. Une décision qui a fait des mécontents jusque dans son parti, où nombre de défections ont été notées. Légèrement divisé, le camp de l’opposition l’est également : l’ancien président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping, a été désigné ce vendredi 15 janvier candidat « unique » du Front de l’opposition pour l’alternance (Fopa). Une décision, encore une fois, loin de faire l’unanimité au sein même de cette principale force d’opposition ; la désignation aurait été orchestrée par une minorité de la coalition en catimini, et ce malgré les mises en garde du président du Fopa, Pierre-André Kombila. « Sous le prétexte de l’urgence, une frange du Front s’organise, en dehors des procédures officielles et en l’absence de tout quorum, à tenir des réunions et à rendre opposables à tous, les conclusions auxquelles ils sont parvenus » a récemment affirmé ce dernier.
Un bilan positif pour Idriss Déby Itno
Le Tchad doit lui aussi se prononcer sur le nom de son futur dirigeant. Après que la limite de deux mandats est tombée en 2005, rien n’empêchait le président sortant, Idriss Déby Itno, de se présenter cette année. Ce dernier jouit d’une cote de popularité tangible, à la fois au niveau national et international. Il s’est notamment fait remarquer lors de la COP21, où il a appelé la communauté internationale à réagir face au désastre en cours dans la région du lac Tchad. Un désastre écologique mais également sécuritaire et social : très récemment élu à la tête de l’Union Africaine, Déby s’est ainsi illustré comme l’un des remparts contre le groupe djihadiste Boko Haram, avec son homologue camerounais Paul Biya. Il a par exemple ordonné le déblocage de 3 milliards de francs CFA (4,57 millions d’euros) afin de venir en aide à cette région. Une mesure qui pèsera sans doute dans la balance électorale, alors que, face à lui, l’opposition se présente, si ce n’est désordonnée, du moins peu sûre d’elle, au scrutin. Tout en estimant que « les conditions minimales de son organisation sont réunies », Saleh Kebzabo, le leader de l’opposition, a fait une déclaration pour le moins surprenante à BBC Afrique : « Nous avons la conviction que l’opposition peut gagner l’élection si elle est un peu plus intelligente. » Reste à savoir si ses membres accepteront une telle sortie.
Le risque de l’abstention pour Denis Sassou-Nguesso
Au Congo-Brazzaville, enfin, c’est sous le jour d’une nouvelle constitution que se joue la présidentielle. Le nouveau texte permet au vétéran Denis Sassou-Nguesso de se relancer dans l’arène politique, après pas moins de 31 années au pouvoir (il exerce de février 1979 à août 1992, où il perd l’élection et se retire du pouvoir ; il revient au pouvoir après une guerre civile en octobre 1997, assure la transition, puis est réélu à la tête du pays). L’homme qui « dit peu et travaille » jouit d’une popularité qui semble intacte après cet exercice séculaire du pouvoir. L’opposition, principalement composée d’anciens ministres, n’a pas pu empêcher le passage écrasant de la nouvelle loi fondamentale (92 %), malgré une abstention bien plus étendue que les chiffres officiels ne le laissent entendre. Aussi est-il probable que l’opposition échoue au scrutin présidentiel également : disparate et contradictoire, elle ne propose pas réellement d’alternatives à un dirigeant qui a assuré la paix dans un pays divisé, et qui a remis sur pied une économie autrefois catastrophique. Le vrai risque pour Sassou réside dans l’abstention : la population n’est pas hostile à sa présidence, au contraire, mais elle n’est pas très mobilisée pour le soutenir. Aussi, si sa victoire est probablement assurée, elle doit avoir l’air légitime aux yeux de la communauté internationale, sous peine de grandement le fragiliser.
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