VIOLENCES PRÉ-ÉLECTORALES : LE CRI D’ALARME DE L’ONU

Mercredi 9 décembre 2015 - 10:49

Il n’est pas bon d’être opposant, journaliste ou acteur de la société civile en RDC. Alors que le pays se prépare à revivre en 2016 le troisième cycle électoral de la 3ème République, les violations des droits de l’homme prennent de plus en plus d’ampleur en RDC. Dans un rapport publié hier mardi, le bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme en RDC craint que la situation ne vire au pire « avant la tenue des élections elles-mêmes ». L’ONU tire la sonnette d’alarme en indiquant que l’heure est grave, la démocratie congolaise est en danger.

 

L’année 2016 s’annonce difficile. Dans ces mêmes colonnes, Le Potentiel l’avait prédit. Le journal est allé loin en explorant les faibles possibilités de mobilisation des recettes en 2016. Avec la chute de principales matières premières d’exportation de la RDC et l’explosion des dépenses liées aux élections, le journal s’attendait à de grands défis financiers en RDC.

 

L’équation financière devait se compliquer en 2016, notait le journal. Il n’a pas eu tort. Car, au-delà de la donne financière, couplée à la question électorale, d’autres difficultés vont s’imposer en RDC à la prochaine année électorale. Elles vont dépasser la seule sphère politique. Elles ne vont pas non plus se limiter à la nécessité pour les acteurs de se mettre d’accord pour un processus électoral apaisé. Elles touchent à l’environnement sociopolitique qui devait prévaloir en 2016, année électorale par excellence.

 

Dans le rapport qu’il a publié, hier mardi, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme(BCNUDH) en RDC a tenté de faire quelques simulations. Ses conclusions sont chaotiques. Elles font état de la dégradation des libertés publiques en RDC. Les groupes cibles sont notamment les opposants, les acteurs de la Société civile et les journalistes qui ne sont pas de l’obédience de la Majorité au pouvoir.

 

Le BCNUDH voit déjà le danger venir avant la tenue des « élections clés », annoncées constitutionnellement pour l’année 2016. Il y a donc péril en la demeure. Conscient du danger, le tout nouveau représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC appelle à une mobilisation des tous les acteurs, à savoir les autorités congolaises et les partenaires internationaux, pour « entreprendre les démarches nécessaires pour garantir un processus électoral libre, juste et crédible ». Si le patron de la Monusco n’en fixe ni le cadre ni le format, il pense néanmoins qu’un dialogue est nécessaire pour déblayer le terrain en vue des élections dans un environnement apaisé.

 

Dans l’entre-temps, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme en RDC (BCNUDH) fait part d’une grave détérioration du climat politique en RDC. Il n’est pas bon, indique-t-il dans son rapport,  d’être opposants, journalistes ou acteurs de la Société civile en RDC. Cette catégorie de citoyens, note l’organe spécialisé des Nations unies, est exposée à des brimades et autres exactions de tous genres. Pour la seule période du 1er janvier et 30 septembre 2015, le BCNUDH dit avoir répertorié pas moins de 143 violations des droits en lien avec le processus électoral. Les victimes sont  essentiellement des opposants, des journalistes et des acteurs de la Société civile.

 

Une répression inquiétante

 

Le rapport met en exergue une « répression inquiétante » de l'opposition, des médias et de la société civile en République démocratique du Congo (RDC) depuis le début de l'année et souligne la nécessité de garantir les droits civils et politiques avant la tenue d’élections clés. Le document a fait le monitoring des menaces, arrestations et autres détentions arbitraires. En outre, le rapport démontre que le plus grand nombre de ces violations ont eu lieu dans des provinces où les partis d’opposition et la société civile se distinguent particulièrement. Il s’agit notamment de Kinshasa, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Kasaï oriental.

 

A cette liste non exhaustive des Nations unies, il faut également prendre en compte l’ex-province du Katanga où règne désormais un climat de terreur envers tous qui ne se sont pas inscrits dans la logique de la Majorité présidentielle.

« Cette tendance de restrictions à la liberté d'expression et d’atteintes à la sécurité de ceux qui expriment des opinions critiques concernant les actions du gouvernement, dénote un rétrécissement de l’espace démocratique susceptible d’affecter la crédibilité du processus électoral », dénonce le rapport. « Les arrestations et détentions arbitraires, en particulier d’opposants politiques, de membres de la société civile ou de manifestants, constituent un moyen récurrent d’intimidation utilisé par les forces de l’ordre pour limiter les libertés d’expression et de réunion pacifique », affirme également le rapport.

 

Dans les rangs des bourreaux, le rapport pointe du doigt les agents de la Police nationale congolaise (PNC) et de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Et, dans la plupart des cas, note le document, les procédures d’arrestations sont extrajudiciaires et se déroulent le plus souvent « au secret ».

 

Par ailleurs, les Nations unies n’épargnent pas la justice qui, soutient le rapport du BCNUDH, est totalement instrumentalisée. « Les ingérences politiques dans les procès et le peu de progrès dans les poursuites judiciaires de certains démontrent l’instrumentalisation de la justice en vue de faire taire les personnes concernées et a pour effet d’intimider la société civile en général », soulignent les Nations unies.

 

La démocratie en danger

 

Dans la foulée, le rapport salue l’accord passé entre la Commission électorale nationale indépendante et la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) pour faire le suivi et enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme avant, pendant et après le processus électoral. Il reconnait aussi certains progrès en matière de lutte contre l’impunité. Cependant, aucune enquête ou procédure légale n’a été jusqu’à présent ouverte sur les violations en lien avec le processus électoral en cours.

 

Le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, rappelle l’urgence de tout mettre en œuvre pour arrêter l’hécatombe qui se déroule en RDC. Il interpelle directement les autorités congolaises et les exhorte à mettre fin à ce qui s’apparente à une chasse à l’homme, avant la tenue des élections prévues en 2016.

« J’exhorte les autorités congolaises à garantir que les responsabilités pour les violations graves des droits de l'homme documentées dans ce rapport soient établies », a déclaré Zeid Ra'ad Al Hussein. « Pour que les prochaines élections soient crédibles et pacifiques, a-t-il déclaré, les autorités doivent garantir que tous les citoyens, indépendamment de leurs opinions politiques, puissent pleinement participer à un débat ouvert et démocratique et que les militants de la société civile, les professionnels des médias et les opposants politiques puissent exercer leurs activités sans crainte.

 

En effet, le rapport des Nations unies sur les droits de l’homme n’est pas de bon augure. C’est un cri d’alarme qui met en avant l’urgence de travailler pour un environnement politique apaisé en vue d’éviter que la RDC ne sombre dans le chaos en 2016. Le BCNUDH, qui a su documenter, est parvenu à réunir des éléments de preuve d’une tentative de déstabilisation à grande échelle de la RDC.

 

Les fortes pressions exercées sur tous ceux qui entravent la stratégie de la MP rentrent dans ce schéma. Celle-ci a choisi de faire taire tous ses contradicteurs. Les menaces, les intimidations et les extorsions sont les nouvelles armes de restriction des libertés publiques.

 

Pout toutes ces raisons, les Nations unies estiment que la démocratie est en danger. Il urge de la sauver.

 

Le Potentiel