Test de bonne foi pour la Majorité : Opposition, les raisons de la proposition Kanku !

Mardi 25 novembre 2014 - 08:03

*La proposition de modification de la loi portant statut de l’Opposition politique déposée par le Député Clément Kanku Bukasa wa Tshibuabua, Président National  du Mouvement pour le Renouveau et Coordonnateur de la méga  Plateforme Union pour la Nation et, enfin, Membre du Groupe parlementaire Mlc & Alliés,    a valeur de test. Elle va, en effet, permettre aux opposants congolais de s’unir sur des valeurs et des principes plutôt que de s’engager dans d’interminables et lassantes querelles des personnes. Ceux qui ont toujours exigé au gouvernement d’appliquer la démocratie telle qu’elle fonctionne ailleurs dans les pays démocratiques vont démontrer s’ils sont,  eux-mêmes,  capables de s’appliquer les principes démocratiques consacrés dans les pays de vieille démocratie concernant la gestion de l’Opposition. A la Majorité, désormais, de démontrer sa bonne foi.  

Le récent débat sur la motion initiée par Samy Badibanga Ntita contre le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Finances, Patrick Kitebi, n’a pas laissé indifférent Clément Kanku Bukasa wa Tshibuabua. L’élu de Dibaya (Kasaï occidental) et Président du Mouvement pour le Renouveau  a décidé de s’attaquer au cœur du problème. En effet, si la rubrique réservée au fonctionnement de l’opposition a été mouvementée par erreur d’imputation ou faille dans l’établissement des OPI (ordre de paiement informatisé), c’est justement parce qu’à ce jour, l’opposition n’arrive toujours pas à se donner un porte-parole par consensus. La logique démocratique élémentaire aurait voulu que le poste revienne carrément au plus grand parti représenté à l’Assemblée nationale, mais en RDC, l’on a parfois coutume de marcher la tête en bas et les jambes en l’air, et de se jeter sur le moindre poste avec la voracité des loups affamés depuis des lustres. Au Diable,  les principes ! En bref, Clément Kanku propose simplement de réviser l’article de la loi portant statut de l’opposition afin que le poste de porte-parole de l’opposition revienne automatiquement au groupe parlementaire qui dispose du plus grand nombre de Députés à l’Assemblée nationale  et que le bureau entérine juste la décision de désignation prise par ce groupe.

Un bon signe

Ce principe simple a été revendiqué, à raison, par le MLC tout au long de la législature 2006. Mais,  dans ce pays, nul ne veut jamais se mettre à sa juste place, reconnaître le poids politique que le souverain primaire a conféré à chacun  et admettre que tout le monde n’a pas forcément la même représentativité.

Déjà, si dans la proposition présentée en 2007 par le Député Delly Sesanga Hipungu dja Kaseng, il était question que l’Opposition soit chapeautée par un chef de file, l’on avait alors assisté à un remue-ménage au sein de l’Opposition où, flairant la possible désignation de Jean-Pierre Bemba Gombo à ce poste, certains, à l’instar de Idambituo Bakaato, n’avaient pas voulu admettre que le plus représentatif d’entre eux puisse être leur chef de file. De même, Ruberwa du RCD qui  s’était vu pousser l’ambition de devenir le chef de l’opposition, avait   dû s’opposer,  lui aussi,  à M. Bemba, sans tenir compte du rapport des forces : 63 députés MLC et seulement 15 pour le RCD. Idambito Bakaato a aujourd’hui disparu de la scène politique après avoir perdu l’unique siège de son parti, en perdant l’élection à Wamba (Province Orientale) face une jeune journaliste qui n’avait jamais fait de politique avant. Ruberwa et son RCD ont également disparu de l’échiquier politique après que ce parti n’ait récolté aucun élu aux dernières élections législatives. Quant au MLC, il s’est maintenu avec ses 21 Députés. Dès le départ, il était souhaitable qu’il reste ferme, sous peine de discrédit, sur le principe qu’il a défendu hier. Le fait que Clément Kanku soit issu du groupe parlementaire MLC et Alliés est un bon signe en ce sens.

Raison à Wade ?

Ce principe est universellement consacré dans la mesure où il est d’application dans TOUS les pays où il existe un poste de chef officiel de l’opposition, quelle qu’en soit l’appellation en usage. Et quoi qu’en disent les textes, car les législateurs estiment que les êtres humains dignes de ce nom sont capables de comprendre l’esprit de loi, plusieurs siècles après que Montesquieu ait écrit son célèbre ouvrage. Sauf en RDC où l’on est prêt à s’étriper, et même à s’adonner à la corruption pour le moindre poste en présence. Posons la question à contrario : supposons que, pour une raison quelconque, Joseph Kabila organise des élections législatives anticipées que l’opposition remporte dans sa configuration actuelle : UDPS 42 sièges, MLC 21, UNC 15, RCD/K-ML 8 etc.  A qui reviendrait légitimement le poste de Premier ministre ? Poser la question c’est déjà y répondre. Et pourquoi ne pas comprendre que le principe reste le même lorsque les mêmes forces sont dans l’opposition ? Ne pas le comprendre reviendrait à donner raison à Abdoulaye Wade qui avait qualifié l’opposition congolaise d’être la plus médiocre du monde. En plus, il faudrait insister sur le fait que dans aucun pays, même ceux qui ont des institutions à régime présidentiel très marqué, on ne tient jamais compte de l’ordre d’arrivée à l’élection présidentielle pour la désignation du chef de l’opposition. L’exemple nous en est donné, encore une fois, par le Burkina-Faso. En effet, à l’issue de l’élection présidentielle du 21 novembre 2010, le premier opposant qui talonnait Blaise Compaoré était Hama Arba Diallo, avec 8,21%. Pourtant, il n’est jamais devenu le chef de file de l’opposition. Ce poste est revenu à Zéphyrin Diabré à l’issue des élections législatives de novembre 2012. Pourquoi ? Simplement parce que son parti, l’Union pour le progrès et le changement et (UPC) s’est classé comme le premier parti de l’opposition avec ses 19 députés.

Depuis les élections législatives de 2006 jusqu’à celles de novembre 2011, les présidents respectifs des bureaux du Sénat et de l’Assemblée nationale n’ont jamais voulu – ou pu – convoquer une plénière de l’opposition aux fins de procéder à la désignation de son porte-parole. Avec la proposition Kanku, les choses sont simplifiées et arriment le pays aux procédures en usage dans les autres pays démocratiques. La balle est à présent dans le camp du bureau de l’Assemblée nationale, plus particulièrement de son président Aubin Minaku, cet ancien magistrat qui connaît mieux que quiconque la valeur de la loi. A environ 2 ans de la fin de la législature, le moins que l’on puisse dire est qu’il y a urgence. Le bureau de l’Assemblée nationale peut-il prouver qu’il est disposé à laisser l’opposition se doter d’un porte-parole, conformément à la Constitution ? Nous en jugerons par la façon dont sera traitée la proposition du Clément Kanku Bukasa wa Tshibuabua.

Aristote Kajibwami/CP

 

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