Révision constitutionnelle : le "piège" de l’article 220 est originel

Mercredi 8 octobre 2014 - 08:46

Le " principe de suffrage universel " ne verrouille rien. Bien au contraire. D’ores et déjà que le constituant ne dit pas clairement qu’il s’agit du suffrage universel direct, alors il y a de quoi relancer un vrai débat des intellectuels.

Les débats politiques sur la révision constitutionnelle en RD Congo semblent baisser d’ardeur depuis quelques temps. Les auteurs des joutes oratoires auxquelles les Congolais étaient habitués ont pris du recul. Que ce soit au niveau des deux chambres du Parlement que dans les rues de Kinshasa, le sujet paraît officiellement relégué à l’arrière-plan des discussions. Y compris dans les médias. C’est vrai qu’on en parle. Mais, ce n’est plus avec le même ton que celui des débats des mois passés.
S’agit-il ici d’une trêve politique ? Possible. Mais est-ce à déduire que la page est définitivement tournée ? A priori non. Est-ce, aussi à conclure que les politiciens n’ont plus rien à dire ? L’éventualité d’une telle hypothèse n’est pas totalement à exclure dans la mesure où l’argumentaire développé dans l’espace public paraissait déjà monotone. Révisionnistes et antirévisionnistes ont habitué l’opinion publique avec la même rhétorique. Au fil des temps, les débats ont fini par créer un certain désintéressement.
Cependant, ‘’Forum des As’’ estime utile de relancer les échanges. De l’analyse de différents points de vue exprimés sur le projet de révision constitutionnelle, initié par le Gouvernement et déposé au Parlement, se dégage une constance. L’opiniâtreté tient au fait que les deux camps (révisionnistes et antirévisionnistes) conviennent au respect des articles verrouillés de la Constitution. En l’occurrence les dispositions du fameux article 220 qui, dans son alinéa 1er stipule : " la forme républicaine de l’Etat, le principe de suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ".

SUFFRAGE UNIVERSEL TOUT COURT…
Ici, le débat ne consiste pas à savoir qui, des révisionnistes ou des antirévisionnistes ont soit raison, soit tort. L’exercice porte plutôt sur une interprétation littéraire de certains articles chahutés. Selon certaines indiscrétions des couloirs du Palais du peuple, parmi les projets de loi déposés au Parlement, figure celui portant modification de la loi électorale. En toile de fond, le changement du mode de scrutin aussi bien pour les députés provinciaux que pour le Président de la république. Ledit projet, semble-t-il, prévoit le basculement vers un scrutin universel indirect pour les deux cas. Ce qui exige inconditionnellement la révision de l’article 197 de la constitution qui, en son alinéa 2, prévoit le vote des membres de la représentation provinciale soit au " scrutin universel direct ", soit par " cooptation " pour un mandat de deux ans renouvelable.
L’évidence, c’est que le changement du mode de scrutin pour les députés provinciaux devra impacter sur l’article 220 qui consacre le respect du principe de suffrage universel direct. Il semble que c’est ici que se situe le problème. C’est que dès le départ, le constituant ne dit pas clairement que le " principe du suffrage universel direct " ne peut faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. La Constitution du 18 février, en son article 220, se limite plutôt au " principe de suffrage universel ". On n’a donc plus besoin d’être auteur d "une thèse en Droit constitutionnel pour comprendre la suite. C’est qu’en matière de suffrage universel, celui-ci peut être soit direct, soit indirect. L’essentiel étant de respecter le principe. De ce point de vue, si c’est entre autres ce changement qui dérange, alors le piège aura été originel.

VERS LE SYSTEME AMERICAIN ?
Sauf la Bible, toute Constitution est de par sa nature modifiable. Pour le cas de figure, la loi des lois en vigueur depuis le 18 février 2006 en République démocratique du Congo n’est plus telle que promulguée à la date sus-indiquée. La preuve est que son article 110, spécialement son paragraphe 5 relatif à la fin et à la suspension du mandat de député national ou de sénateur, avait déjà été modifié par l’article 2 de la loi n°11 /002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo. A moins que le vrai débat soit ailleurs. Mais, aussi longtemps qu’on n’aura pas ouvert le débat général sur le projet de loi du Gouvernement pour en déceler les différents enjeux, le débat politique dans sa forme actuelle parait basé sur des a priori.
En ce qui concerne particulièrement le changement du mode de scrutin pour la Présidentielle et la députation provinciale, l’idée serait sans doute d’instaurer le système américain. L’expérience renseigne qu’au pays de l’Oncle Sam, le souverain primaire c’est-à-dire le peuple, vote ceux qui choisiront en son nom, le Président de la république. Ce sont donc les grands électeurs. Juste une lecture intellectuelle dépouillée de toute coloration partisane. Honnit soit qui mal y pense. Laurel KANKOLE