Des sanctions ciblées contre des responsables d’actes de répression contre les civils et les opposants ne sont plus de simples menaces. Elles font plutôt l’unanimité au niveau de la communauté internationale. But : éviter la transposition de l’état de fait du Burundi. La succession des déclarations des émissaires des partenaires de la RDC ne laissent pas de doute sur la mise en œuvre des sanctions ciblées à l’encontre des autorités congolaises impliquées dans les répressions sanglantes et autres entraves au processus électoral.
Le Potentiel
La stabilité de la région se joue inévitablement en République démocratique du Congo. Dans les rangs de la communauté internationale, on ne voudra pas que la RDC se retrouve dans la situation du Burundi ou encore de la Somalie. En asphyxiant financièrement la Céni (Commission électorale nationale indépendante), la majorité au pouvoir a retardé délibérément la tenue d’élections prévues en 2016, essentiellement la présidentielle, dans les limites fixées par la Constitution.
D’un côté, le dernier arrêt de la Cour constitutionnelle est venu juste formaliser un projet qui se trouvait à un stade avancé au sein de la Majorité présidentielle. De l’autre côté, le harcèlement judiciaire dont fait l’objet Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle 2016, a mis à nu le projet macabre de la Majorité, c’est-à-dire pérenniser à tout prix le pouvoir du président Joseph Kabila.
L’unanimité se dégage
Pour le moment, la communauté internationale, avec à sa tête les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, le Belgique et les Nations unies, n’écarte plus l’idée de sanctions contre les principaux ténors du régime de Kinshasa. Bruxelles (UE), Ottawa, New York sont unanimes sur ce point précis. Il y aura des sanctions contre des responsables congolais coupables de répressions et d’entraves au bon déroulement du processus électoral. Des listes existent, des sanctions ciblées sont déjà adoptées pour des actes précis correspondants.
La communauté internationale redoute en effet que la déflagration qui se vit au Burundi n’élise domicile en RDC, un pays-continent qui est encore dans une situation de fragilité évidente. Afin d’offrir à tout un chacun la possibilité de ne pas ignorer que l’épée de Damoclès est toujours suspendue, et couperait des têtes comme à l’époque de la guillotine, une fois la ligne rouge franchie, des émissaires sensibilisent et parlent avec des responsables concernés. Cette fois-ci, la communauté internationale ne compte pas se limiter aux seuls donneurs d’ordre. Les exécutants sont aussi concernés par ces nouvelles dispositions qui voudraient que l’Etat ne se transforme pas en bourreau du peuple qu’il est censé encadrer et à qui il doit garantir l’exercice des libertés constitutionnellement reconnues.
La phase pédagogique aurait été effectuée par le président Obama, le secrétaire d’Etat John Kerry, le ministre belge des Affaires étrangères et les envoyés spéciaux américain et britannique, … « En des termes extrêmement clairs et précis, le message des sanctions ciblées a été porté aux plus hautes hiérarchies congolaises », a confié un diplomate proche de l’envoyé spécial américain Tom Perriello.
En ce qui concerne la détermination du spectre de potentiels responsables visés, la communauté internationale s’est mise d’accord sur ceux qui sont susceptibles de se retrouver dans le périmètre à frapper. Selon des indiscrétions, cela va des responsables gouvernementaux jusqu’au plus bas à l’échelon des agents chargés de l’exécution des décisions de répressions, en conformité avec la Constitution congolaise, qui invite tout le monde à ne pas exécuter toute décision manifestement illégale !
Eviter le spectre du Burundi
En RDC, le rétrécissement des espaces de liberté, alors que la majorité aux affaires multiplie des faits et gestes prouvant qu’elle ne veut pas organiser des élections en vue de l’alternance, ne laisse pas la communauté internationale indifférente. Elle considère que rien ne peut être laissé au hasard afin d’offrir à la démocratie congolaise la possibilité de se vivre en toute transparence. « La burundisation qui se profile à l’horizon exige anticipation », a confié un diplomate anglo-saxon en poste à Kinshasa.
Des lignes rouges à ne point franchir sont tracées et déclencheraient automatiquement des sanctions ciblées. Des répressions qui aboutiraient à des morts d’hommes, ou qui se mèneraient avec barbarie, tant que les manifestants resteraient pacifiques ; « la suppression de l’opposition », … sont autant de faits qui déboucheraient sur des sanctions ciblées.
Quant à la nature des sanctions, les capitales et la ville qui ont pris en main cette question font état, entre autres d’interdiction de voyage à l’étranger, de gel des avoirs, des poursuites devant des juridictions nationales voire internationales.
Quand frapper ?
Quand frapper est la question cruciale qui divise la communauté internationale. Selon un diplomate du Foreign office britannique, Washington et Londres trépigneraient d’envie d’imposer des sanctions hic et nunc d’autant plus que « les autorités congolaises sont allées trop loin dans leur volonté de stopper un bon déroulement du processus électoral et démocratique », fulmine-t-on à Londres et Washington.
Pour ces derniers, il est temps de passer en action afin de dissuader les responsables congolais à poser des actes répréhensibles jusqu’à atteindre le point de non-retour. Les Européens, particulièrement Paris, Bruxelles et l’Union européenne de manière générale, souhaitent que des sanctions ciblées «pleuvent » après le 19 décembre 2016. « La faute sera commise », a confié un diplomate européen de Bruxelles.
New York joue également sa partition. C’est faire preuve de naïveté que de croire que les révélations d’un rapport onusien mettant en cause la RDC qui aurait violé l’embargo fait à la Corée du Nord sur les armes et aussi le propre embargo qui frappe le pays ne seraient que le hasard du calendrier.
Chaque partie apporte sa pièce du puzzle visant à construire des preuves contre les responsables congolais identifiés comme auteurs de la dérive du processus électoral, et qui pourrait être à la base de l’instabilité plus accrue de la RDC et de la sous-région.
La crise que traverse le pays depuis la présidentielle et législatives de 2011 a raidi le régime de Kinshasa. Sans compter la crise de légitimité relative aux répressions en vue de la conservation du pouvoir. L’acharnement sur Moïse Katumbi, les jeunes de Lucha, les opposants lors de leurs manifestations pacifiques sont autant de faits qui poussent à l’anticipation. D’autant que l’intention de contourner le délai constitutionnel se précise dans le chef de la MP.
Possibles sanctions contre des responsables congolais : les précisions de l’ambassade des USA en RDC
En réponse à une demande de la part des médias concernant une prise possible de sanctions, l'ambassade des Etats-Unis a fourni la déclaration suivante, que nous aimerions mettre à la disposition du public.
Nous considérons activement la possibilité d'appliquer des sanctions en vertu du Décret présidentiel sur la RDC (E.O.13671), qui a été émis en 2014 pour actualiser un décret existant. Il vise à dissuader ceux qui prendraient part à des actions ou à des politiques qui minent le processus démocratique ou les institutions en RDC ou qui menacent la paix, la sécurité et la stabilité de la RDC. Nous en avons parlé au président Kabila et à ses collaborateurs. Le secrétaire d'Etat Kerry l'a rencontré il y a quelques semaines à New York et notre envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, Tom Perriello, s'est engagé de façon proactive dans la région au cours des derniers mois.
Nous espérons toujours pouvoir inciter le gouvernement de la RDC et le président Kabila à faire ce qui est juste. La Constitution de la RDC stipule clairement que le mandat du Président prend fin en décembre, et qu'une élection doit être organisée, et nous lui avons fait part de cela. Nous travaillons aussi étroitement avec nos partenaires internationaux afin d'assurer l'harmonisation de nos vues relativement à la question des sanctions. Jusqu'ici, aucune sanction n'a été applique en RDC en rapport avec le processus électoral en cours.
Kinshasa, le 13 mai 2016