RDC: après la contestation, le pouvoir est accusé de vouloir baillonner l'opposition

Vendredi 30 janvier 2015 - 08:40

Arrestations en série ou vieux procès remis au goût du jour : des voix s'élèvent en République démocratique du Congo pour dénoncer une tentative d'étouffement de l'opposition alors que le pouvoir du président Joseph Kabila vient d'affronter la contestation la plus violente en trois ans.
La Mission de l'ONU (Monusco) a suivi "les arrestations de l’opposition et des autres activistes des droits de l’Homme", a déclaré mercredi son chef, Martin Kobler, appelant le gouvernement à respecter "l'état de droit" et à déférer en justice les personnes arrêtées ou à les relâcher si innocents.
Le 19 janvier, des manifestations ont éclaté à Kinshasa et d'autres villes contre un projet de révision de la loi électorale susceptible de pouvoir permettre à M. Kabila, en poste depuis 2001, de se maintenir au pouvoir au-delà de 2016, alors que la Constitution lui interdit de se représenter.
Dans la foulée des troubles - qui ont vite tourné à l'émeute et aux pillages, et ont fait 13 à 42 morts, selon les sources - une vague d'"arrestations arbitraires" a ciblé des dirigeants de l'opposition "dans une tentative apparente de les réduire au silence", a dénoncé samedi l'ONG Human Rights Watch basée à Wsahington.
Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a laissé entendre mercredi que les interpellations se poursuivent et que sur les quelque 350 personnes dont l'arrestation avait été annoncée la semaine dernière, 80 ont été condamnées à des peines allant de 8 à 12 mois de prison, et 75 ont été relâchées.
Mi-janvier, avant même l'explosion de colère, une plateforme congolaise d'ONG de défense des droits de l'Homme dénonçait des "arrestations et détentions arbitraires" et l'"obstruction à l'exercice des libertés d'expression et d'opinion et au droit de manifestation" que subissait l'opposition à Kinshasa et Lubumbashi, deuxième ville du pays, dans le sud-est.
"Les intimidations, les arrestations arbitraires, les tueries, les procès bidons... Tout cela traduit le désarroi du pouvoir, il est aux abois et donc il doit recourir à toutes les stratégies", estime Fidel Bafilemba, chercheur pour l'ONG américaine Enough Project.
Dénonçant une "stratégie de discréditer", "toujours la même", M. Mende réfute les accusations. "Dites-moi s'il existe un seul pays d'Afrique subsaharienne où l'opposition est plus libre", tonne-t-il, reprochant aux opposants de rechercher une "République des privilèges" où elle ne serait jamais mise en cause.
Jean-Claude Muyambo, président de Solidarité congolaise pour le développement (Scode), a été arrêté le 20 janvier dans la capitale. Il avait quitté la majorité fin 2014 en accusant M. Kabila de s'accrocher au pouvoir après 2016. Riche hommes d'affaires, il est devenu dans l'opposition l'un des principaux organisateurs du mouvement contre la révision de la loi électorale.
Christopher Ngoy, militant associatif très impliqué dans la contestation, a disparu depuis le 21 janvier à Kinshasa. Selon HRW, il est détenu au secret par l'Agence nationale du renseignement (ANR).
A Goma, dans l'est, un dirigeant d'opposition local a été arrêté, ainsi qu'un membre du Mouvement social pour le renouveau (MSR). Ce parti, le deuxième de la majorité, est de plus en plus tiraillé dans son allégeance au président Kabila et a commencé à lui reprocher de vouloir se maintenir au pouvoir à tout prix.
Mercredi, la Cour suprême de justice s'est déclaré compétente pour juger une plainte en diffamation visant Vital Kamerhe, chef de l'Union pour la nation congolaise (UNC), un des opposants les plus virulents à M. Kabila, dont il fut le directeur de campagne lors de la présidentielle de 2006. L'UNC et M. Kamerhe affirment que cette affaire avait été réglée à l'amiable.
En Afrique du Sud, où il est basé, le professeur de droit constitutionnel André Mbata a été récemment agressé. Une association de la diaspora congolaise estime qu'il a payé son opposition à tout changement constitutionnel qui permettrait au chef de l'Etat de briguer un autre mandat, ce qui n'a pas été prouvé.
"Le combat du pouvoir est d'empêcher un certain nombre d'opposants, surtout ceux qui étaient dans la majorité, de profiter de la situation [de crise] pour se faire une notoriété. Et il veut régler les comptes avec ses ex-amis", estime un analyste congolais qui préfère rester anonyme.
Jeudi, l'internet mobile, les services de messagerie texto et les réseaux sociaux - utilisés par les manifestants pour s'organiser - étaient coupés dans tout le pays pour le dixième jour d'affilée. "Je suis très déçu de voir que le gouvernement n'a pas encore rétabli l'accès" à ces services, a réagi M. Kobler.

 

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