Jeudi, au lendemain de sa déposition lors de la première audience du procès sur l'assassinat du colonel congolais Mamadou Ndala, son chauffeur, le sergent-major Arsène Ndabu, est mort. Un "décès brutal" et inexpliqué qui "risque de faire disparaître une partie de la vérité", selon son avocat qui réclame une autopsie.
À peine commencé, le procès sur l'assassinat du très populaire colonel Mamadou Ndala se trouve déjà dans l'impasse. Le sergent-major Arsène Ndabu Ndongala, qui conduisait la jeep de l'officier au moment de l'attaque, est décédé jeudi 2 octobre dans un centre de santé de Beni, au lendemain de sa déposition devant la cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu. "Sa mort risque de faire disparaître une partie de la vérité", a confié à Jeune Afrique son avocat, Me Augustin Tshisambu. "Beaucoup de suspects vont tenter de travestir les faits et mettre toute la responsabilité sur son dos", craint-il.
Me Tshisambu, qui défend également le lieutenant-colonel Tito Bizuru, commandant de la ville de Beni au moment des faits et soupçonné d'avoir donné des "instructions pour abattre le colonel Mamadou", se dit "surpris" par la mort de son client. Il a demandé à la cour "d'ordonner une autopsie" pour déterminer les causes de ce "décès brutal". Mais "séance tenante", les magistrats ont rejeté sa requête, suggérant à l'avocat de saisir l'auditorat militaire pour une éventuelle ouverture d'enquête sur les circonstances de la mort de son client.
Bien que son "état de santé était faible", selon son avocat, le sergent-major Arsène Ndabu semblait être "en forme" lors de l'ouverture du procès. "Première personne à être appelée à la barre hier [le 1e octobre], le sergent-major Ngabu est resté debout tout au long de son interrogatoire qui a duré plus de trois heures", a rappelé Me Augustin Tshisambu.
L'avocat des prévenus craint pour sa sécurité
Joint au téléphone, le colonel Olivier Hamuli, porte-parole des Forces armées de la RDC (FARDC) dans le Nord-Kivu, s'est contenté d'affirmer que "le sergent-major Ngabu était malade", sans donner plus de précisions. Même réserve du côté de Me Tshisambu qui ne veut pas "en dire plus". Le sujet est sensible. Après son arrestation, le sous-officier, accusé d'avoir volé des effets militaires – notamment le "Motorola de commandement" appartenant au colonel Mamadou Ndala - était transféré à Kinshasa où il aurait été détenu jusqu'en septembre. Quelles étaient donc les conditions de sa détention dans la capitale ? Silence radio du côté de l'armée congolaise.
On ne saura sans doute jamais les causes du décès de Ngabu. "À Beni, il n'y a pas de service spécialisé pour procéder à une autopsie. Il n'y a pas de chambre froide, pas de morgue non plus pour conserver le corps du défunt", se désole Me Tshisambo. En attendant, les soupçons persistent au sujet de mauvais traitements que le sergent-major Ndabu aurait subis à Kinshasa. "Nous savons qu'il est rentré de la capitale dans un état pitoyable", accuse un membre de la société civile du Nord-Kivu à Beni qui suit de près l'évolution du dossier.
Déjà complexe, l'affaire se complique donc un peu plus avec la disparition du témoin-clé de l'assassinat. Me Augustin Tshisambu craint même désormais pour sa sécurité. "La population, qui a déjà ses idées préconçues sur les auteurs de l'assassinat de Mamadou Ndala, ne comprend pas pourquoi je défends les prévenus", explique-t-il, espérant que l'État congolais prenne les dispositions nécessaires pour lui garantir une protection particulière. Sinon, "je me retire du procès", prévient-il.