Procès des assassins présumés de Mamadou Ndala : La Cour tente de reconstituer le puzzle de l’attentat

Lundi 13 octobre 2014 - 10:24

Le procès des assassins présumés du vaillant colonel des FARDC, Mamadou Ndala, assassiné le 2 janvier dernier, est dans sa première semaine d’audience, à Béni au Nord-Kivu. Une semaine après l’audition de témoins, renseignants et prévenus, la Cour n’a encore trouvé rien de consistant sur cette affaire dont le témoin-clé, le chauffeur du colonel assassiné, est décédé, 24 heures après son audition.

La Cour opérationnelle militaire a consacré ses premières audiences à tenter d’élucider les nombreuses zones d’ombre qui enveloppent cette affaire dont le procès intervient huit mois après les faits. Qu’est-ce qui s’est passé le jour de l’assassinat du colonel Mamadou Ndala élevé au  grade de général de brigade à titre posthume, tel est l’énigme de cette affaire que les juges essaient de percer.

Une affaire avec quelques hypothèses qui conduisent le travail de la Cour. Le colonel Ndala a-t-il été tué par un tir de roquette, comme on l’a affirmé dans un premier temps, ou bien par des coups de feu tirés par sa propre garde rapprochée ? Qu’il s’agisse de la première ou de la seconde hypothèse, qui est derrière cet attentat ? S’agit-il d’un règlement de comptes au sein de l’armée ou d’un attenta perpétré par les rebelles ougandais d’ADF ?

 

Plusieurs pistes

Les juges suivent plusieurs pistes susceptibles de les conduire à la lumière. S’agissant de la Jeep du colonel Ndala qui avait pris feu, le mystère à percer est celui de savoir à quel moment elle a pris feu. Tout de suite après les tirs ou après ? Les témoins entendus par la Cour ont lâché deux versions : un grand nombre ont témoigné que le véhicule du colonel n’aurait pas pris feu tout de suite après les tirs. Beaucoup d’autres ont déclaré avoir vu des hommes en tenue de l’armée congolaise autour des lieux de l’incident, voire carrément tirer en direction du véhicule du colonel.

S’agissant du chauffeur du colonel assassiné, les circonstances de son décès suscitent plusieurs interrogations. Par quel miracle a-t-il échappé à cet attentat alors qu’il est censé avoir été aux côtés de son supérieur  au moment du drame? Par quelle coïncidence malheureuse le hasard a voulu que ce témoin-clé meure moins de 24 heures après sa déposition ? De quoi est-il mort ? S’il était déjà malade avant le début du procès, il nous paraît tout à fait étonnant qu’il arrive à mourir au moment où la Cour a encore besoin de lui. Pourquoi les autorités militaires n’ont pas  voulu procéder à l’autopsie de son corps?

 

Le chauffeur complice avec les gardes du corps ?

Pendant la première semaine, le ministère public a dévoilé des éléments à charge, notamment contre les gardes du corps du colonel, suspectant une complicité avec le chauffeur soupçonné, lui, d’avoir fouillé le corps et mis le feu au véhicule.

Chaque déposition aide toutefois la Cour à avoir certains éléments susceptibles de fournir des indices. Reste à prouver la véracité de ces dépositions capables, dans ce cas, de désorienter la justice. La cour doit-elle ainsi considérer la piste de l’embuscade des rebelles islamistes des ADF Nalu évoquée par le général Muhindo Akili Mundos, commandant de la zone de Beni, lors de son audition ? Que dire du téléphone cellulaire d’un des gardes du corps du colonel Tito Bizuri, considéré par les enquêteurs comme suspect numéro un dans cette affaire, ramassé sur les lieux du drame perpétré dans le village appelé Ngadi, entre l’aéroport de Mavivi et Beni-ville, dans le Nord-Kivu ?

 

Remises à la Cour d’objets trouvés sur les lieux

Le ministère public a remis à la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, mercredi 8 octobre, des objets et documents trouvés dans le périmètre du lieu de l’assassinat du colonel Mamadou Ndala, commandant de la Brigade Commando de l’Unité de réaction rapide (URR)..

Parmi les documents remis à la Cour, il y a notamment des imperméables, des képis, des douilles de cartouches et des chargeurs de fusils brulés. Le ministère public a également remis à la Cour le rapport d’expertise, élaboré par la police scientifique, et le dossier technique des experts, décrivant la scène de l’assassinat de Mamadou Ndala.

Ces objets et documents ont été remis en dépit de la contestation des avocats de la défense qui n’ont pas voulu que la Cour les accepte, évoquant un vice de procédure. La Cour a estimé qu’en matière pénale, le tribunal ne refuse pas les pièces pendant l’instruction.

De nouveaux témoins et prévenus doivent être entendus cette semaine. Des civils, fonctionnaires et militaires comme un major soupçonné d’avoir espionné les déplacements du colonel Ndala. Ou encore des officiers accusés d’avoir facilité la fuite des assaillants.

La société civile du Nord-Kivu, va continuer à demander l’audition de trois témoins qu’elle avait présentés aux enquêteurs, notamment un chauffeur de taxi ayant assisté à l’attaque, trois personnes pourtant non citées à comparaître. L’ONG estime toujours que le sergent-major Arsène Ngabu Ndongala a été éliminé et réclame son autopsie.

En attendant d’entrer dans le fond de l’affaire, la Cour opérationnelle militaire veut se rendre sur les lieux de l’attaque, sous peu, pour reconstituer les différentes pièces de ce puzzle.

Kléber Kungu

 

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