Présidentielle de 2016 : Ça passe ou ça casse

Vendredi 13 mars 2015 - 12:17

La publication presque synchronisée de la nouvelle loi électorale et du calendrier soi-disant global n’a pas du tout permis de voir plus ou moins le bout du tunnel. Il faut en juger par des contestations et récriminations suscitées par l’échéancier électoral qualifié de global.

Et pour comble, le graphique de 26 nouvelles provinces respectivement délimitées avec leurs subdivisions administratives (chefs-lieux, villes, groupements, collectivités, chefferies, secteurs, etc…) nous plonge encore dans le brouillard à couper au couteau.

Une kyrielle d’institutions embryonnaires juxtaposées, encore sur papier, arbitrairement circonscrites dans des bureaux climatisés des quartiers aristocratiques de Kinshasa, sans infrastructures pour abriter les dirigeants et les services publics.

Certaines de ces nouvelles provinces et leurs entités administratives sont déjà contestées et refusées par les chefs traditionnels et les notables qui n’entendent pas être détachés de leurs milieux considérés comme naturels où ils résident aujourd’hui.

C’est dans ces provinces et leurs subdivisions administratives problématiques que la CENI doit répartir les sièges à pouvoir et les fiefs électoraux des candidats à tous les scrutins, depuis les locales jusqu’aux législatives.

Des milliers de candidats et candidates qui vont concourir dans les circonscriptions électorales du graphique de 26 nouvelles provinces, différentes des circonscriptions des élections de 2006 et 2011, et avec lesquelles ils doivent apprendre à se familiariser.

Enorme travail pour la CENI qui doit recevoir et aligner les candidatures, imprimer des listes illustrées de photos et des bulletins de vote… dans moins de deux ans pour un pays aussi vaste. C

‘est la croix et la bannière en tout cas. Des lois fixant la délimitation des subdivisions administratives de ces 26 nouvelles provinces ne sont pas encore apprêtées, votées ni promulguées et quand le seront-elles ? La CENI continue de tendre la main pour la libération des ressources dont elle a besoin.

Le temps est si court, les contraintes si complexes, le pouvoir si gêné aux entournures, la CENI si tâtonnante, le paysage politique interne si sombre, la Communauté internationale si intransigeante sur le respect de l’échéance constitutionnelle et sur l’alternance démocratique en RDC, que l’organisation de tous les scrutins selon l’échéancier publié par la CENI apparaît comme une véritable gageure.

Pouvoir-CENI : la main dans la main

On observe, non sans étonnement, que le pouvoir et la CENI s’entendent comme larrons en foire et sont étrangement sur la même longueur d’onde. La CENI reprend à son compte les positions et prises de positions du pouvoir et les met en musiques estampillées de la marque déposée du pouvoir.

Quand l’opposition et la société civile critiquent les discours et les démarches de Malu-Malu et des observations pertinentes, les caciques de la plate-forme régnante montent au créneau avec empressement et déclarent qu’ils n’y trouvent rien à redire. Au total, ils applaudissent de deux mains.

On se demande quel accord secret et immoral lierait les deux compères qui ne se cachent pas de leurs affinités ? De part et d’autre, on n’a pas l’air gêné. Ils donnent l’impression que les élections sont une affaire à eux le pouvoir et la CENI. Par conséquent, tout ce qu’ils décident ou projettent est à prendre ou à laisser, les autres devant seulement se mettre à leur remorque.

Ne sommes-nous pas en République où l’on ne doit jamais se permettre de diriger de façon aussi insolente, provocante et tyrannique ? Les apprentis sorciers s’amusent à disséminer et à amonceler à l’horizon les nuages sinistres d’une tempête dont ils ne seront pas en mesure de maîtriser les dégâts. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.

Jamais le chemin menant à l’élection présidentielle n’a été aussi jonché de ronces et d’épines, de traquenards d’embûches, d’attrape-nigauds, de guet-apens, de bombes à retardement, que celle de 2016, que tout le monde attend avec impatience et angoisse.

Il faut être sûr qu’on ne peut s’engager sur pareil chemin et arriver à destination sans qu’il y ait de nombreuses victimes.

Cette perspective effrayante se dégage de la politique des éperviers jusqu’au-boutistes du système, qui ne cessent de remuer ciel et terre pour maintenir à vie leur establishment autocratique d’imposture.

Cette obstination à s’accrocher va conduire au pire, et les faucons doivent s’attendre à en faire les frais.

Lorsque sonne l’heure de la reddition des comptes et par un juste retour des choses, les suppôts d’un règne tyrannique se voient contraints de moissonner ce qu’ils avaient semé tout au long de leur système d’oppression.

Les mauvais anges du système sont-curieusement – d’anciens caciques et d’anciens barons du mobutisme que les tribulations et la traversée du désert endurées à l’arrivée de l’AFDL (l’ancêtre du régime actuel) n’ont pas assagis, moralisés et disciplinés.

Du mobutisme sans Mobutu

Ils se sont rués sur les vides laissés par les compagnons de » Mzee » disgraciés et relégués au placard. Astucieux, combinards, machiavéliques, ils se sont convertis au » kabilisme » pour la frime. Ils sont les naufrageurs de ce régime au sein duquel ils ont introduit des méthodes de travail et des procédés de gestion qui configurent la continuité du mobutisme sans Mobutu aujourd’hui voilà 18 ans après la fin de son règne.

Ils ont rendu le système très corrupteur, dilapidateur des ressources et des finances publiques, oppresseur, affameur du peuple, violateur des droits de l’homme, impopulaire, honni partout, à l’intérieur comme à l’extérieur, à l’instar de ce qu’ils avaient fait de celui de Mobutu.

Ce qui s’est passé les 19, 20 et 21 janvier de cette année à Kinshasa remémorait ces jours-là la grogne populaire vécue du temps de Mobutu et qui était annonciatrice de la fin de son règne. C’était inattendu et spontané. Tout le monde n’en revenait pas.

On ne voit plus nulle part aujourd’hui dans ce pays tous ceux-là qui se faisaient passer pour plus mobutistes que Mobutu.

On ne voit plus nulle part aujourd’hui dans ce pays flotter le drapeau du MPR (Mouvement populaire de la Révolution) et ses symboles de domination et d’exploitation des ressources et du peuple congolais.

Une échéance hypothétique

Les mêmes causes produisent les mêmes effets, dit-on. Et les mêmes régimes despotiques qui se moquent du qu’en-dira-t-on finissent de la même manière, c’est-à-dire emportés par le jugement de l’histoire.

Nous vivons dans ce pays (RDC) des moments pathétiques depuis que la plateforme au pouvoir n’entend jamais lâcher prise, obsédée par la préoccupation de pérenniser son système autocratique, envers et contre tous.

De la vaine tentative de modification de la Constitution au projet de loi électorale truffé de pièges et au calendrier électoral soi-disant global émaillé de contraintes et de traquenards, toutes sortes de manœuvres perfides ont été utilisées pour réussir la concrétisation de la pérennisation de l’autocratie, mais en vain.

On ne s’est pas encore avoué vaincu, en dépit de tous les échecs essuyés jusqu’ici, grâce’ à la révolte populaire des 19, 20 et 21 janvier dernier. Le climat demeure toujours très tendu ; les gens sont nerveux, excités. Que va-t-il se passer d’ici à la fin du mandat actuel et dernier du Président Joseph Kabila ? S’il faut s’en tenir à la psychologie du staff de la CENI et à son échéancier électoral prétendu global, l’organisation des élections de cette année à 2016 est une véritable gageure.

Va-t-on se résoudre à recourir au dialogue ? De toutes les façons, ça passe ou ça casse, quel que soit le cas de figure qui l’emporterait.

Par Jean N’Saka wa N’Saka/Journaliste indépendant