On aura perdu plus ou moins deux ans à discuter, cap sur les élections générales en RD Congo

Jeudi 26 février 2015 - 08:14

On aura perdu plus ou moins deux ans à discuter, jusqu’à l’écoulement du sang, de la révision ou non de la Constitution, principalement dans ses dispositions relatives à la limitation et à la durée des mandats du Président de la République.

Si tous les acteurs impliqués dans le processus électoral sont de bonne foi, l’adoption et la promulgation de la nouvelle loi électorale ainsi que la publication du calendrier électoral global devraient en principe calmer tant soit peu les esprits des uns et des autres afin que la tenue des prochaines élections soit paisible et marque un tournant décisif vers l’avènement de la démocratie et d’un véritable État de droit dans notre pays.

Tirant avantage de notre neutralité politique, nous allons tenter d’analyser les pratiques et l’attitude de cinq catégories d’acteurs majeurs dans ce processus. Il s’agit des puissances étrangères regroupées sous le vocable « Communauté internationale », de la famille politique du Président sortant, de l’opposition politique, du peuple, souverain primaire, et des intellectuels.

La Communauté internationale

Depuis la découverte de l’embouchure du fleuve Congo au 15ème siècle, le territoire de ce vaste et riche pays aujourd’hui dénommé République «Démocratique » du Congo constitue à lui seul toute une merveille qui attire la convoitise de tous les prédateurs du monde entier.

De la traite négrière, en passant par la Conférence internationale de Berlin(1885), la Société des Nations(1918) et l’ONU(1945), chacun est attiré non pas par le peuple qui y habite mais plutôt par les richesses que le créateur y avait déposées avec sa magnanime bonté.

Sous plusieurs formes, loin et à l’insu de son peuple ou mieux par mépris pour celui-ci, les puissances étrangères s’arrogent le droit de dire qui convient pour diriger notre pays ou d’écarter, y compris par la guerre et les assassinats, quiconque a tendance à éveiller la conscience de son peuple pour son autodétermination.

Depuis l’assassinat du Premier Ministre Patrice Emery Lumumba, les Congolais n’ont jamais connu la paix, étant chaque fois placés devant un fait accompli avec des dirigeants préalablement légitimés à l’extérieur et imposés par toute sorte d’artifices.

Ce fut le cas de Mobutu dont le coup d’État(1965) avait bénéficié du parrainage des Belges et des Américains.

Ce fut aussi le cas de Laurent-Désiré Kabila(1997) avec son conglomérat d’aventuriers venus du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi, abusivement dénommé Alliance des forces de libération du Congo(AFDL).

Ce fut enfin le cas de Joseph Kabila, devenu Président de la République en 2001 dans les circonstances demeurées obscures jusqu’à ce jour sans qu’aucun témoin, parmi les survivants, ait le courage patriotique de dire aux Congolais comment et d’où était sorti ce choix le plus inattendu et unique en son genre dans l’histoire des modes d’accession à la magistrature suprême.

Peu importe qu’il y a eu des élections en 2006 et en 2011, le mal était déjà validé en amont par cette même communauté internationale, toujours prête à accepter à notre place même les résultats électoraux les plus médiocres et les plus contestés.

En demeurant chez eux et en nous intéressant attentivement à leur mode opératoire, nous comprenons suffisamment maintenant que même lorsque les Occidentaux se précipitent à financer nos élections, c’est plus par intérêt pour contrôler nos ressources naturelles et surtout veiller à ce que la vraie démocratie soit retardée le plus longtemps possible au pays de nos ancêtres.

Sinon nous serons maîtres de nos ressources, au détriment de leurs entreprises et de leur capitalisme sauvage.

La famille politique au pouvoir (MP)

Pour des raisons que nous allons expliquer, le terme « famille politique » nous parait inapproprié pour le camp actuellement au pouvoir. En effet, pour emprunter aux biologistes leur langage, les membres d’une même famille partagent un même code génétique appelé « ADN », portant tous leurs caractères génétiques, et grâce auquel on peut les identifier en remontant leur arbre généalogique.

En politique, ce code génétique n’est autre chose que l’idéologie, peu importe quelques variantes, d’un parti-phare autour duquel se regroupent tous les autres partageant avec lui la même vision du pouvoir ou de la gestion de la chose publique. Dans ce cas, l’on parle des partis de gauche, de droite, du centre, de l’extrême droite ou de l’extrême gauche, des socialistes, des démocrates, des libéraux, des écologistes, etc.

La majorité présidentielle (MP) congolaise, pilotée par le PPRD, est unique dans l’histoire des partis politiques au Congo et dans le monde. C’est un super amalgame des partis politiques sans idéologie et n’ayant comme dénominateur commun que la personne de Joseph Kabila pour autant qu’il est encore Président de la République.

A l’image du PPRD qui pilote ces centaines de partis, la MP réunit en sein des partis politiques et des gens que naturellement rien ne peut permettre de rapprocher.

En effet, on y trouve les mobutistes et ceux qui les avaient chassés du pouvoir, les seigneurs de guerre ayant le sang de leurs compatriotes sur leurs mains et les chrétiens, les lumumbistes héritiers de la pensée de Lumumba et les complices de l’assassinat de ce héros national, les fédéralistes purs et les fédéralistes-séparatistes ainsi que les unitaristes, les opportunistes et les traditionnels vagabonds politiques, toujours en quête de repositionnement.

C’est ce genre de super amalgame que Sinaseli Tshibwabwa (1998) avait qualifié « d’alliances contre nature » dans son livre intitulé « Les 12 erreurs du Président Laurent-Désiré Kabila. Vers un échec des progressistes congolais? »

Quant au PPRD lui-même, nous disions dans une récente analyse intitulée «Quel avenir pour les partis politiques du Congo-Kinshasa? », publiée respectivement les 25 et 26 déc.2014 par Desc-Wondo et le Journal Le Potentiel que « ce à quoi beaucoup de gens ne font pas du tout attention, c’est que lorsque le PPRD fut créé en 2002, il n’était pas question de conquérir le pouvoir mais de donner à son initiateur, qui y était déjà, un instrument de gestion et de conservation de ce pouvoir ».

Dans le contexte multipartiste qui existait déjà, ç’aurait été une erreur pour lui de gouverner sans soubassement politique ou sans assises populaires.

On ne fait pas non plus attention à ce qu’en lieu et place d’un idéal à poursuivre, beaucoup de « politiciens » congolais préférèrent se mettre aux côtés du plus fort du moment plutôt que de perdre leur temps dans une opposition infructueuse et appauvrissante pour une hypothétique conquête du pouvoir. Depuis 2001, cet homme s’appelle Joseph Kabila ».

C’est cette absence de vision et d’idéologie politiques communes, se traduisant par l’horreur du vide après le départ de Joseph Kabila, seul dénominateur commun, qui a été à la base de toute l’agitation autour de la révision de la Constitution et, tout récemment, autour du projet controversé de la loi électorale.

C’est aussi pour les mêmes raisons que l’alternance à la tête aussi bien du PPRD que de la MP est encore un sujet tabou que personne n’ose aborder en toute liberté, sauf entre intimes, sous peine de prendre le chemin de l’exil ou d’être cueilli tel un malfaiteur par le Parquet général de la République pour « incitation à la haine tribale, insurrection ou atteinte à la sûreté intérieure de l’État. »

A moins de deux ans de l’élection présidentielle, il est intrigant de constater qu’aucune rumeur ne provient de la MP, pour indiquer sa volonté de respecter la Constitution et même, pourquoi pas, de conserver le pouvoir en opérant une alternance interne.

Sans Kabila au pouvoir, il ne serait pas exagéré de prédire que ça sera l’implosion ou la débandade. Mais en attendant, ce regroupement politique est à surveiller de plus prêt pour éviter qu’il fasse mal, très mal, à la nation avant sa disparition collective et la conversion individuelle de chacun de ses membres dans d’autres sectes politiques.

Ce qui est certain, c’est que la Majorité présidentielle (famille politique) n’échappera pas au sort qu’a connu, en 1990, le MPR (Nation zaïroise politiquement organisée) dont sont issus bon nombre de ses membres actuels, abonnés au vagabondage politique. Prétendre le contraire ne relève que de l’hypocrisie, qui ferait rire même le fondateur et les membres de l’Association «Kabila désir ». Le temps des reniements viendra trancher.

L’opposition politique

Émanation de la faune politique congolaise et pareille à la majorité au pouvoir, l’opposition congolaise est tellement plurielle qu’il faut être initié pour distinguer qui est véritablement opposant et qui ne l’est pas ou à quoi et à qui on s’oppose réellement.

A quelques rares exceptions près, cette « opposition » est composée majoritairement d’hommes et de femmes qui n’ont ni idéologie, ni ambition, ni moyens financiers et matériels pour conquérir le pouvoir.

L’activité principale de ces messieurs et dames est la quête permanente, grâce aux médias de coupage, de positionnement afin de sauter à la première occasion sur la mangeoire dès qu’on les y invite.

La composition de l’équipe gouvernementale actuelle, abusivement appelée « de cohésion nationale », en est une preuve éloquente, avec des gens se réclamant toujours et paradoxalement de l’opposition (membres de l’Opposition républicaine et transfuges du MLC) alors que l’article 78 de la Constitution tranche clairement :

« Le président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Si une telle majorité n’existe pas, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une coalition. La mission d’information est de trente jours renouvelable une seule fois. Le Président de la République nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier ministre ».

A moins de reconnaître par repentir tardif que cette majorité n’a toujours été qu’arithmétique et non le résultat des élections démocratiques et transparentes, les membres de la majorité présidentielle ne l’ont jamais remise en question.

Qu’est-ce qui justifie alors la présence des « opposants » dans ce gouvernement, si ce ne sont que la jouissance personnelle et la satisfaction du tube digestif ?

Si l’on ne s’en tient qu’aux critères de l’implantation à l’échelle nationale et de l’idéologie, la plupart de ces partis ne sont connus qu’à Kinshasa et dans les fiefs ethniques de leurs dirigeants. C’est pourquoi, ils se regroupent non pas autour d’un idéal mais plutôt des individus, qu’ils sont d’ailleurs toujours prêts à trahir à tout moment dès que se présente l’opportunité de rejoindre la mangeoire.

Comme pour la majorité au pouvoir, nous sommes d’avis que l’union observée au sein de l’opposition depuis les journées folles (19,20 et 21 janvier 2015) de l’examen et de l’adoption de la nouvelle loi électorale n’est que fragile et éphémère.

Au fur et en mesure que s’approcheront les échéances électorales, des ambitions surprenantes et démesurées surgiront pour juste monter les enchères et mettre les bâtons dans les roues des leaders en vues.

Déboussolés, les électeurs éparpilleront, comme d’habitude, leurs voix en votant pour le candidat qui leur est ethniquement plus proche, et ça sera encore l’échec de la démocratie.

C’est pourquoi le peuple doit désormais garder un œil constamment ouvert sur les activités de ceux qui ne sont opposants que dans leurs déclarations mais jamais dans leurs actes. Un portrait robot de « l’opposant » congolais aiderait le souverain primaire à y voir plus clair.

Le peuple, souverain primaire

En démocratie, le peuple est l’acteur principal et incontournable en ceci qu’à travers les urnes, c’est lui qui choisit ses dirigeants au regard du projet de société plus proche de ses besoins quotidiens.

Il est attribué à Henry Kissinger, ancien secrétaire d’État américain, les propos selon lesquels « Chaque peuple n’a que les dirigeants qu’il mérite ». A cause de son ignorance, le peuple congolais a toujours été roulé dans la farine par sa classe politique, à tel point que pour lui, politique signifie « l’art de savoir mentir. »

Comme nous l’avons dit plus haut et dans notre analyse consacrée à l’avenir des partis politiques congolais, plusieurs formations politiques n’ont ni idéologie ni encore moins un projet de société.

Lors de leur campagne électorale, les candidats, qui se présentent, sont ainsi à l’aise et ont la tâche facile de s’adresser à un électorat majoritairement composé des illettrés et d’incultes qui n’ont aucune idée de la portée et de l’impact du geste qu’ils posent dans l’isoloir, sur leur vie et sur l’avenir de la nation.

Le choix de ces électeurs est ainsi biaisé et déterminé soit en fonction des liens tribaux ou ethniques, soit en fonction des promesses démagogiques accompagnées des présents ponctuels, fruit des détournements et autres avantages indus dont disposent généralement ceux qui ont accès facile aux deniers publics.

Une fois élus, ces « honorables » opportunistes disparaissent dans la nature et s’installent, pour toute la durée de la législature, à Kinshasa où certains épousent des « deuxièmes et troisièmes bureaux ».

Grâce aux réseaux sociaux et autres moyens technologiques de la communication, les Congolais de la diaspora voient régulièrement des vidéos montrant certains de ces « honorables » s’ennuyer et passer leur temps à somnoler ou à se vendre chemises, bijoux et autres articles importés lors des débats sur des questions d’intérêt national.

Comme ils n’attendent que la fin de leur mandat pour aller tromper encore leurs électeurs naïfs, ces députés se spécialisent dans la confection de faux rapports de vacances parlementaires grâce à leurs fanatiques et secrétaires occasionnels dépêchés sur les lieux.

C’est pourquoi nous estimons que, pour sauver la démocratie et bâtir un État de droit au Congo-Kinshasa, le moment est venu pour les intellectuels de sortir de leur réserve pour s’assumer comme leaders d’opinions.

Ce peuple abandonné à lui-même par ceux qui l’ont pris en otage, a surtout besoin de l’implication citoyenne de ses frères et sœurs de la diaspora, eux qui ne sont d’ailleurs pas épargnés par la mauvaise gouvernance et par les inégalités sociales de leur mère- patrie et qui sont obligés d’en atténuer, malgré eux, les effets par des transferts réguliers et onéreux de fonds, au détriment de leurs propres enfants.

Les intellectuels

Intellectuel est le terme qu’affectionne tout Congolais détenteur d’un diplôme quelconque, surtout supérieur et universitaire. Entendu uniquement dans ce sens, notre pays, avec des universités et autres établissements d’enseignement supérieur disséminés dans presque chaque commune ou chaque quartier des grandes villes, serait en tout cas loin en avance, en nombre d’intellectuels, sur plusieurs États africains et de l’Europe de l’Est.

Dans le contexte congolais, malheureusement, ces « intellectuels-là » sont aussi dangereux et nuisibles que le sont la plupart des politiciens dont ils grossissent inutilement les rangs pour dérouter, par action ou par omission, le souverain primaire.

Pour cette analyse, nous avons retenu de l’intellectuel la définition qu’en donne Wikipédia en ces termes : « Un intellectuel est une personne dont l'activité repose sur l'exercice de l'esprit, qui s'engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés ou pour défendre des valeurs, qui n'assume généralement pas de responsabilité directe dans les affaires pratiques, et qui dispose d'une forme d'autorité ».

Ce genre d’intellectuels, il en existe bien entendu au pays et dans la diaspora. Hostiles à la vérité, à la transparence et surtout à la contradiction, les «politiciens » congolais et leurs soutiens extérieurs ne supportent pas d’entendre leurs points de vue, de peur que leurs combines soient mises à nue et qu’ils perdent par conséquent leurs avantages.

Peu importe leur petit nombre, ces intellectuels sont capables, par leur autorité et leur implication, d’éveiller la conscience du souverain primaire sur ses droits, notamment en ce qui concerne l’impact du choix électoral.

En effet, aucun homme ni aucune arme ne sont plus puissants que le peuple, lorsque celui-ci comprend mieux son rôle et est déterminé à le jouer pleinement pour défendre ses intérêts, comme l’ont fait les Burkinabés (fin octobre 2014) et tout récemment les Congolais, lors de l’adoption du projet controversé de la nouvelle loi électorale.

Grâce aux réseaux sociaux, que le gouvernement de « Cohésion nationale » a honteusement écartés du slogan de la « Révolution de la modernité », les intellectuels congolais, pour autant qu’ils soient patriotes, doivent s’interconnecter pour élaborer, en marge et en complément à la loi électorale, un canevas des critères d’éligibilité adaptés aux besoins réels du souverain primaire.

Et ce, afin de l’aider à se débarrasser, par voie électorale et une fois pour toutes, de tous les opportunistes, seigneurs de guerre, vagabonds politiques, démagogues et auteurs ou complices des viols et de la prédation de nos ressources naturelles.

Pour ce travail, il n’est nullement besoin de s’adresser à la nébuleuse «Communauté internationale », partenaire privilégiée des politiciens congolais.

C’est ça aimer son pays et que la justice congolaise, instrumentalisée et sans scrupule, qualifie d’incitation à la désobéissance civile, d’incitation à la propagande subversive, d’atteinte à la sûreté intérieure de l‘État, d’incitation des militaires à commettre des actes contraires à la loi et à la discipline, d’association des malfaiteurs, etc.

Conclusion

En démocratie, les élections ne sont certes pas une fin en soi mais elles constituent une étape tellement importante que si elles sont bâclées, tout le reste l’est également.

Même avec une loi électorale la moins controversée qui soit, si l’acteur principal (le peuple) n’est pas placé au centre du processus, il est difficile de mettre fin aux crises de légitimité dont souffre le pays depuis son accession à la souveraineté internationale.

La façon la plus efficace de mettre fin à ces crises consiste, pour le peuple, à s’approprier le processus électoral par la connaissance de son rôle et par l’identification de tous les acteurs impliqués, nationaux et étrangers, ainsi que de leurs modes opératoires.

Pour y parvenir, il est important que les intellectuels et tous les hommes et femmes instruits, épris de paix et de patriotisme, s’impliquent de manière responsable comme leaders d’opinions. Il y va de l’avenir de la nation.