NOUVELLE PROVINCE DU KASAI-ORIENTAL : le message de Raymond Tshibanda

Mardi 26 mai 2015 - 12:28

Un groupe restreint de notables du Kasaï Oriental s’est donné rendez-vous le samedi 23 mai 2015 à Béatrice Hôtel pour réfléchir autour de l’avenir et du devenir de cette nouvelle province.

La réussite de cette manifestation était certes, une oeuvre collective, mais surtout du Comité organisateur piloté par l’Ambassadeur Jean-Léon Ngandu, Raymond Tshibanda, François Muamba, Maurice Tshikuya, Marie-France Mubenga, Dr Marcel Kalubi, Grégoire Katende wa Ndaya et François Mpinda

De vives inquiétudes ont été exprimées autour de la taille de cette nouvelle entité territoriale, amputee des territoires de Ngandanjika et Kamiji, réduisant du coup ses chances de développement, sans oublier la persistance des frustrations auprès des populations déracinées de leur terroir naturel. L’enclavement a été retenu comme un facteur de nature à bloquer le progrès socio-économique. Ministre des Affaires Etrangères et fils du terroir kasaïen, Raymond Tshibanda a délivré, à cette occasion, un message d’espoir, exhortant ses frères et soeurs à se serrer les coudes pour faire corriger la configuration administrative et géographique de la province en s’appuyant sur les textes légaux.

Bakalenga,

Ba mamu,

Ne ba tatu,

Mioyo yenu …

Mioyo Kabidi …

Mulopo Maweja Nnangila ikala ne umue ne umue wa kunudi !

Très chers ainés,

Très chers frères et sœurs,

Fils et filles de la Province du Kasaï-Oriental,

Au nom de ceux des nôtres qui ont donné de leur temps pour organiser la manifestation de ce jour, ou qui ont contribué de quelque autre manière à son organisation, autant qu’en mon nom personnel, Je voudrais, avant toutes choses, vous souhaiter, à toutes et à tous, une chaleureuse bienvenue et vous remercier, sincèrement, d’avoir bien voulu répondre à l’invitation qui vous a été transmise.

Votre présence nombreuse ce jour en cette salle, en dépit de vos multiples occupations, d’une notification dans la plupart des cas tardive, et de la distance qu’il a fallu parcourir, pour ceux qui sont venus de Mbuji Mayi ou d’ailleurs et que je salue de manière particulière, est une démonstration de votre attachement profond à la terre de nos ancêtres. C’est la preuve éloquente de ce qu’en dépit des tribulations de la vie, et quelles que soient les circonstances, vous êtes et demeurez conscients du devoir sacré qui nous incombe, à toutes et à tous, d’œuvrer sans compter pour le développement de notre espace géoculturel et le bien-être de notre population.

Comment dans ces circonstances, ne pas nous souvenir de ceux de nos aînés, ou des plus jeunes, dont l’action et les enseignements ont, à travers le temps, aidé à cristalliser, en chacun de nous, ce sentiment d’appartenance, cet amour viscéral et inaltérable de notre terre, cette fierté légitime d’être Muluba.

Parce qu’absents du pays ou malades, certains d’entre eux ne sont pas physiquement ici aujourd’hui. Mais ils sont de cœur avec nous. C’est notamment le cas des patriarches Jonas Mukamba et Constantin Tshiala Muana, des Serviteurs de Dieu Mukuna, Mutombo et Mbiye, ainsi que de notre frère Francois Beltchika Kalubye, pour n’en citer que quelques-uns.

D’autres ne sont pas là parce qu’ils ne sont plus, le Seigneur, Maitre des temps et des circonstances, les ayant rappelé auprès de Lui. Les morts n’étant pas morts, je suis sûr que de là où ils sont, ils observent cette salle comble le cœur plein de joie et sont fiers des continuateurs de leur rêve que sont chacune et chacun de vous présents ici ce jour. En leur mémoire, autant qu’en hommage à ceux d’entre eux pour qui nous avons récemment reçu des messages inquiétants, cas du Pionnier de l’Indépendance congolaise, Mulopwe Albert Kalonji Ditunga, je vous prie de bien vouloir vous lever et observer une minute de silence et de recueillement.

Je vous remercie.

Chères sœurs,

Chers frères,

Nous sommes réunis ici, ce jour en tant que membres d’une communauté, mieux : d’une même et unique famille. Tous, tels que nous sommes dans cette salle, nous avons en effet les mêmes ancêtres, la même histoire, le même destin.

C’est donc interpellés par cette réalité, et forts de la sagesse de chez nous qui enseigne que les uns vis-à-vis des autres, « tudi mashi a mu menu » que, démentant les souhaits, les espoirs et les pronostics de ceux qui nous en croyaient incapables, nous nous sommes réunis, par-delà tous les clivages, afin d’affronter, ensemble, une autre réalité : celle de la naissance de la nouvelle Province du Kasaï Oriental, Notre Province, reconfigurée conformément à la Constitution adoptée par référendum en 2006, et aux actes législatifs et règlementaires d’application de cette dernière, dont la loi sur la décentralisation. Celle d’une province aujourd’hui la plus petite du pays en terme de superficie, et dont l’enclavement multiplie et renforce les défis à relever :

- Infrastructures socio-économiques de base à construire : routes, ponts, chemin de fer, écoles et hôpitaux ;

- eau et énergie électrique à produire et à rendre disponible pour l’industrie et la consommation domestique ;

- Industrie minière à développer et à fructifier au profit des populations ;

- production agricole à augmenter pour satisfaire les besoins alimentaires des populations et améliorer les revenus des paysans ;

- programmes de formation et de renforcement des capacités en faveur de la femme et des jeunes ;

- chômage à résorber, etc.

Le chantier est incontestablement immense. Mais il est à notre portée, la Suisse, le Japon et Singapour ayant démontré que la petite taille, l’absence de ressources naturelles, l’insularité ou l’enclavement ne sont pas nécessairement mortels. Le chantier est donc à notre portée, à condition que, comme nous avons su le faire à d’autres moments de notre histoire, nous fassions preuve de solidarité et que nous nous y attelions avec lucidité, détermination et courage, dans l’unité et la complémentarité.

L’appel que nous lancent notre terre et notre peuple à l’occasion de la naissance de notre nouvelle Province n’est donc pas un appel à ériger un mur de lamentations.

Comme dit le Psalmiste, il y a en effet un temps pour tout. Un temps pour gémir, et un temps pour agir.

C’est plutôt un appel à l’action.

Un appel à un engagement individuel et collectif à transformer les contraintes et défis de tous genres, qui accompagnent la naissance de cette nouvelle province, en atouts et opportunités.

Un appel à capitaliser ces atouts et opportunités, avec méthode, intelligence et sagesse, en vue de créer les conditions du développement de la Province et du plein épanouissement des filles et fils de notre terroir.

Par notre présence ici, nous avons démontré que cet appel a été entendu et que nous sommes déterminés à nous mobiliser en conséquence.

Agir autrement aurait été plus qu’une démission. Nous nous serions plutôt faits des complices d’une éventuelle disparition à terme de notre chère Province pour raison de non viabilité.

N’oublions cependant pas que la fin d’une chose vaut mieux que son commencement. Veillons donc tous à entretenir cet élan de solidarité, cet esprit de dépassement de soi et de sublimation de l’intérêt collectif par-delà tout intérêt personnel ou partisan. Organisons-nous en une véritable dynamique pour l’émergence du Kasaï Oriental.

Notre Province est certes exiguë, mais elle n’est pas exsangue, vu la qualité de ses ressources humaines et la diversité de celles du sol et du sous-sol.

Elle est mono-ethnique et monolingue, mais en même temps d’une incomparable richesse culturelle.

Notre Province est indéniablement enclavée, mais le peuple que le Créateur a fait naitre sur ses terres est d’une créativité, d’un dynamisme extraordinaires et a, depuis des temps immémoriaux, démontré qu’il ne connait pas de frontières, essaimant tant dans l’ensemble de notre grand et beau pays qu’à travers le monde.

La rencontre de ce jour est donc appelée à donner suite à d’autres rencontres ; en plénière comme aujourd’hui ou en commissions, ateliers, groupes de réflexion ou de recherche ; ici à Kinshasa, sur le terrain chez nous où partout ailleurs où vivent les nôtres, pour recenser les problèmes à résoudre et les goulots d’étranglement à faire sauter, arrêter des stratégies à cette fin, et définir un plan d’action pour y arriver ; bref, pour établir un consensus minimal entre filles et fils du Kasaï Oriental sur ce qu’il faut éviter, ce qu’il faut entreprendre et comment s’y prendre, pour l’émergence de notre Province ; consensus dont pourraient s’inspirer ceux qui, à un moment où à un autre, et de quel que bord politique qu’ils soient, seront investis par notre peuple pour présider aux destinées de la province.

Cette dynamique ne produira les effets escomptés que si nous nous inscrivons dans un encrage intelligent et stratégique au sein de la nation congolaise, par rapport à ses institutions et ses dirigeants.

Mais aussi et surtout si nous nous employons à vivre en harmonie avec les provinces sœurs de notre voisinage immédiat, en gardant une place particulière dans notre cœur pour ceux et celles dont, depuis la nuit des temps, le destin est scellé au nôtre par le sang et l’histoire.

A ce sujet, il y a une déchirure fortement ressentie par notre peuple, du fait de la non inclusion des territoires de Ngandajika et de Kamiji dans la Province du Kasaï Oriental. Nous entendons nous impliquer tous, au moment opportun, pour remédier à cette situation, en mettant à profit les dispositions pertinentes de la Constitution et des lois de la République.

Unis et solidaires, nous y arriverons.

Unis et solidaires, avec l’aide de Dieu, nous relèverons tous les défis.

Chers frères et sœurs,

Je vous remercie.