Et voilà c’est dit ! « La RDC a cessé d’être un absorbeur de gaz à effet de serre mais est devenue à son tour émetteur », a déclaré vendredi 8 janvier l’ambassadeur Climat de la France pour la région Afrique du Nord-Moyen Orient et Afrique, Stéphane Gompertz. Le diplomate français l’a fait savoir au cours d’une conférence à Kinshasa sur les enjeux de la COP21, la conférence sur le climat qui s’est tenue à Paris au mois de décembre dernier.
Les réactions du côté RDC ne se sont pas fait attendre. En effet, la plupart des congolais voient dans cette affirmation une volonté affichée de la communauté internationale, menée par la France, à ne pas tenir ses engagements financiers vis-à-vis à de la RDC dans le cadre du principe pollueur-payeur. Sans en expliquer les détails, la France par la bouche de son ambassadeur affirme donc, sans sourciller, que la RDC autant qu’elle, les Etats-Unis, la Chine etc….. vient de rentrer dans le triste cercle des pays pollueurs et je pense qu’il a raison sur ce point.
Au-delà de l’indignation générale, il est important d’analyser la question de manière rationnelle pour savoir si cette affirmation repose sur des faits scientifiques avant toute réaction épidermique sur la question.
Afin que vous puissiez comprendre le raisonnement intellectuel permettant de soutenir l’affirmation de l’ambassadeur français, la présente analyse se base sur des études et des faits scientifiques établis et sur le principe de déduction logique.
Dans un premier temps, selon le Groupe d’experts intergouvernementaux sur l'évolution du climat (GIEC) , l’humanité rejette 40 milliard (Gt) de tonnes de CO2 par année. Toutefois, il sied de signaler que tout ce CO2 ne reste pas en totalité dans l’atmosphère. Une partie des émissions est absorbée, à part à peu près égales, par la végétation terrestre qui s’en nourrit, et par les océans (dissolution dans l’eau et absorption par la végétation marine). On donne le nom de « puits » de carbone à ces absorptions. Cette affirmation est confirmée par le Carbon Dioxide Information Analysis Center (CDIAC), relié au département de l’énergie (DOE) des Etats-Unis qui fournit pour chaque année un état et un historique des émissions de CO2 dans le monde. Son dernier Global Carbon Budget a été publié en septembre 2014 et démontre que sur 3,9Gt de CO2 rejeté en 2013 seulement 19,7Gt demeure dans l’atmosphère. Au regard de ce fait, force est de conclure donc que le réchauffement climatique est dû au 20Gt de CO2 présent dans l’atmosphère.
Dans un deuxième temps, la FAO nous renseigne que 20% du réchauffement climatique est dû à la déforestation qui représente chaque année environ 14 millions d’hectares de forêt perdu. Au regard de ce fait, force est de conclure donc que la déforestation ne serait responsable que de 4Gt d’émission de CO2 dans l’atmosphère. Par déduction logique, un hectare de forêt perdu correspondrait à 278 tonnes de CO2 émis.
Dans un troisième temps, la RDC ayant un taux de déforestation 0,34% sur une forêt de 145 millions d’hectares, force est de conclure que ce pays perd annuellement 493.000 hectares de forêt, ce qui
correspond logiquement à 137 millions de tonnes de CO2 dû à cette déforestation émis dans l’atmosphère. En somme, pour conclure que la RDC émet plus de CO2 qu’elle en absorbe comme l’affirme l’ambassadeur français, il faudrait que la forêt de la RDC absorbe annuellement moins de 137 millions tonnes de CO2 émis à cause de la déforestation dont elle est victime.
Pour plus précision et afin d’évaluer le niveau d’absorption de CO2 de la forêt congolaise, nous devons avant tout établir sa superficie. Compte tenu du taux de déforestation, force est de conclure que la forêt congolaise a perdu environ 5 millions d’hectares en 10 ans. Aussi, le GlobalForestWatch, un site de monitoring de la déforestation mondiale en ligne développé par la NASA et Google, nous indiques également que la RDC gagne en moyenne 100.000 hectares de forêt par année soit 1 millions d’hectares en dix ans. Par ses éléments, la superficie réelle de la forêt congolaise ne peut être statique, elle évolue et situerait à 141 millions d’hectares dont 140 constitue serait intacte.
Enfin, pour connaître la quantité de CO2 absorbée par cette forêt, nous nous sommes basés sur une étude menée par une équipe internationale dirigée par Simon Lewis, de l'université de Leeds. Selon cette étude, basée sur un suivi effectué durant 40 ans, entre 1968 et 2007, sur 250.000 arbres de 79 sites, répartis dans dix pays africains, les troncs des vieux arbres continuent de croître en diamètre et le font davantage aujourd'hui qu'il y a quarante ans. Cette augmentation de masse représenterait un captage de 0,6 tonne de gaz carbonique par hectare et par an. En tenant compte de cette conclusion et au regard de la superficie de la forêt congolaise, celle-ci absorberait donc 84 millions de tonnes de CO2 par année, soit moins que 137 millions de tonnes de CO2 émis annuellement à cause de la déforestation dont elle est victime comme nous l’avons démontré précédemment.
L’ambassadeur français a donc raison de dire que « la RDC a cessé d’être un absorbeur de gaz à effet de serre mais est devenue à son tour émetteur ».
CP Engunda Juriste et expert en environnement