Partant de l’idée selon laquelle tous les êtres humains sont égaux en droit et en liberté, nous constaterons que les personnes porteuses d’handicaps sont souvent tenues à l’écart de cette réalité dans notre société. Les personnes vivant avec handicap, précisément les sourds sont oubliées, délaissés, méprisés, négligés et même lorsqu’il s’agit de la question fondamentale de l’éducation et de l’alphabétisation. Soucieuse de voir cette injustice corrigée, Nhana Samba Uhindu, coordonnatrice principale de l’ONG Le Geste, s’est investie à venir en aide aux malentendants, à travers des actions concrètes menées par son organisation, avec l’appui de diverses partenaires compatissants. Au cours de l’interview accordée au Phare, le samedi 4 octobre 2014 à son bureau dans la commune de Ngaliema, Nhana Samba nous en dit plus.
Le Phare : D’où vous est venue l’idée de la création de cette ONG ?
Nhana Samba Uhindu : L’ONG « Le geste », c’est tout un mystère. C’est un appel, une mission que j’ai reçue en songe depuis 2002 de la part du Seigneur, me demandant de travailler avec cette catégorie des personnes pour leur apporter l’évangile. Après, nous nous sommes rendu compte que pour arriver à bon port, il fallait d’abord apporter du pain. Ainsi nous avions commencé avec notre centre d’alphabétisation, qui a fait sa sortie officielle le 28 avril 2012, grâce a l’appui de la Marsavco. Le 17 mai 2012, nous avons lancé…. le deuxième sponsoring de la société minière TenkeFungurume, qui nous a permis d’ouvrir le centre d’apprentissage en coupe et couture grâce aux machines qu’elle nous avait remises. Actuellement, L’ONG Geste compte en son sein 10 membres dans son comité directeur (6 entendants et 4 sourds), plus de trente élèves en alphabétisation et 6 en coupe et couture.
Pourquoi avez-vous porté votre choix en premier lieu sur la création d’un centre d’alphabétisation ?
Nous avons compris que le plus important pour un être humain, c’est d’abord savoir lire et écrire. Pourtant, il est difficile pour la plus part des familles, d’envoyer les enfants vivant avec handicap à l’école. C’est ainsi que nous avons voulu récupérer dans la mesure du possible, ceux qui n’ont pas eu la chance de fréquenter l’école.
Pour quelle raison votre ONG s’occupe-t-elle essentiellement des sourds ?
En lisant le prospectus de notre Organisation, vous comprendrez que nous sommes là pour aider les personnes vivant avec handicap en général. Mais pour un début, nous avons jugé bon de commencer avec les sourds, étant donné qu’ils sont porteurs d’un handicap invisible, souvent oubliés et ignorés, contrairement aux autres handicaps visibles. Souvent en RDC, lorsqu’on parle d’handicap, les gens pensent immédiatement à l’handicap mental. Cette situation met les sourds mal à l’aise, étant donné qu’ils ont les mêmes capacités intellectuelles et physiques que les personnes entendants, surtout s’ils n’ont que la surdité comme handicap.
Ne pensez-vous pas que la sensibilisation des parents et des familles s’avèrent indispensable pour l’épanouissement des sourds ?
Ceci fait partie de nos objectifs. Avec notre programme d’apprentissage de la langue des signes, nous encourageons les parents des sourds, et même l’opinion en général, à venir apprendre cette langue afin d’engager ou de faciliter la communication, souvent quasi-inexistante entre sourds et entendants déjà à partir même des familles. Les parents doivent arriver à connaitre la psychologie de leurs enfants afin de leur épargner certaines incompréhensions qui leur imprègnent un caractère colérique.
Cette sensibilisation doit s’élargir à la société toute entière, notamment au niveau de la presse où on peut recevoir toutes les informations. Malheureusement pour nous, on se rend compte que jusqu’aujourd’hui, aucune chaîne de télévision ne se donne la peine d’insérer un interprète dans leurs programmes. En dehors de la RTNC qui ne le fait qu’au journal télévisé de 20h00, et après revendications, l’a étendu à celui de midi. Mais cela n’est pas du tout suffisant. Il y a des informations importantes sur les concertations nationales, les assemblées générales, les élections, la vaccination, la sensibilisation du VIH, et tant d’autres sujets qui concernent les sourds autant que toutes les autres personnes, mais dont ils sont injustement privés.
Etes-vous soutenu par le gouvernement congolais dans la réalisation de vos projets ?
En dehors du soutien nous apporté par la primature lors de notre passage à cette institution, nous n’avons encore rien reçu jusque là de la part du gouvernement. Mais nous pensons que ce serait une très grande avancée si nos autorité peuvent ne serais-ce qu’imposer un interprète à toutes les chaînes de télévision. Si possible, arriver également à nous doter d’une loi dans ce sens, afin de protéger et de défendre spécifiquement les droits des sourds. Je saisis cette occasion pour rappeler que tous les ministères concernés (Affaires Sociales, Santé, EPSP,…) doivent s’impliquer afin de faciliter l’intégration en société de cette catégorie des personnes. Prenons par exemple le cas de l’INPP où les sourds qui désirent y aller pour apprendre un métier, sont butés à un problème de communication par manque d’interprète.
Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez dans votre mission ?
La première difficulté est celle de la communication, surtout au niveau des familles. La deuxième est d’ordre financier, dû au manque des partenaires financiers fixes. Jusque là, ceux qui se joignent à notre lutte, nous donnent de l’argent pour des actions concrètes et à court terme. On ne peut pas en faire un autre usage que celui convenu avec le partenaire.
Myriam Iragi et PersideDiawaku