Muzito : LA RDC, UN ETAT, ZERO PROVINCE

Mercredi 25 mars 2015 - 10:16

Le découpage territorial continue à alimenter le débat politique. A la question, personne n’a apporté des arguments pour expliciter noir sur blanc qu’il est encore trop prématuré que la Rd-Congo passe de onze à vingt six provinces. L’ex PM a signé de sa main une réflexion sur le découpage du pays. Réflexion très profonde qui après sa publication a fait buzz. Alors buzz dans l’idée selon laquelle, la tribune de
réflexion de cet ancien cadre de l’administration a été commentée dans des salons feutrés de la capitale. Dans sa réflexion, l’ancien inspecteur des Finances argumente que pour passer de onze à vingt provinces,
il faut au préalable des fonds qu’il faut remplir pour un meilleur passage de 11 provinces à vingt-six. Par là, fait-t-il remarquer, si le gouvernement central est dans l’incapacité de rétrocéder les 40 pourcent aux provinces.

Alors qu’en sera-t-il pour vingt six provinces?, s’interroge-t-il. «Avec 11 provinces le gouvernement a du
mal à rétrocéder les 40 pourcents comme l’exige la loi. Sur le 40 pourcents, celles-ci ne recouvrent que 10
pourcent. Alors pourquoi aller si vite avec ce dé-coupage», se demande t-il. L’ancien PM promet bien d’autres tribunes d’expression dans les jours avenir sur d’autres questions d’actualité. «Lire ci-dessous la
tribune de réflexion de Muzito sur le découpage territorial». L’existence effective d’une province s’appréhende à travers la réalité des pouvoirs et des compétences que lui confère la Constitution ainsi que des ressources financières que celle-ci lui a dévolues, en vue de remplir ses missions. Dans la perspective de l’installation des nouvelles provinces, la problématique aujourd’hui nous conduit à évaluer : Muzito LA RDC, UN ETAT, ZERO PROVINCE

1) Où le pays en est avec son programme de régionalisme constitutionnel et de la décentralisation avec les 11 provinces actuellement opérationnelles.
2) Dans quelle mesure le passage aux 26 provinces peut s’enrichir de l’expérience des 11 actuelles.
Cette évaluation peut se faire à travers :
1) la mise en place des lois et textes réglementaires comme cadre de référence pour la matérialisation du
processus du régionalisme constitutionnel et de la décentralisation ;
2) les transferts par le Gouvernement central au profit des provinces et des entités décentralisées, des
pouvoirs leur dévolus par la Constitution, principalement dans les domaines de compétences exclusives, à savoir
: l’enseignement primaire et secondaire, l’agriculture, la santé et les affaires coutumières ;
3) la rétrocession des 40 % des recettes à caractère national, par le Gouvernement central aux provinces et ETD en couverture :
 des dépenses de fonctionnement des institutions provinciales et des ETD ;
 des dépenses des rémunérations du personnel de l’EPSP, de l’Agriculture, de la Santé et des Affaires
coutumières ;
 des dépenses d’investissements se rapportant à ces 4 domaines de compétences exclusives. Les constats à ce jour sur toutes ces questions sont les suivants :

1) En matière de mise en place de lois et textes réglementaires comme cadre de référence Les 11 provinces et les entités territoriales décentralisées ne disposent pas encore d’un cadre légal pour le recrutement et la carrière de leur personnel au sein de la fonction publique provinciale ou locale. Jusqu’à ce jour, les provinces fonctionnent sans caisse de péréquation nécessaire pour le financement des investissements dans les
provinces à faible capacité fiscale contributive. Le statut des chefs coutumiers, maillons importants dans la mise en œuvre apaisée de la décentralisation, n’est pas encore défini. Dans de nombreux cas, les lois publiées doivent encore connaître des mesures d’application par voie réglementaire.

2) En matière de transfert des pouvoirs par le Gouvernement central au profit de provinces. Les provinces sont restées à ce jour toujours privées de leurs pouvoirs politiques et administratifs tels que leur dévolus par la Constitution. Comme dit ci-haut, la loi sur la fonction publique provinciale n’est toujours pas édictée par les instances nationales. Il s’en suit que, les provinces ainsi que les entités administratives décentralisées, ne disposent toujours pas de leurs personnels propres. Elles utilisent toujours les personnels des services décentrés de l’Etat, même pour les domaines relevant de leur compétence exclusive. Le Gouvernement central, à
travers ses Ministres de la Santé, de l’Enseignement primaire et secondaire, de l’Agriculture et en charge des affaires coutumières, continue à gérer lesdits pouvoirs.

C’est ainsi que, les pouvoirs de nomination, de révocation, de promotion des personnels de ces quatre secteurs ainsi que ceux de fixation des salaires, de mécanisation, d’engagement, de liquidation et d’ordonnancement de ceux-ci pour les enseignants, les médecins, les infirmiers, les agronomes, les chefs de groupement, etc.
relèvent toujours du Gouvernement central. Cette concentration du pouvoir par le Gouvernement central rend inefficace son action et alourdit les procédures administratives et affaiblit l’action de l’Etat sur le social, domaines de prédilection des provinces. Il en est de même de la gestion, de la construction et de la réhabilitation des hôpitaux, des écoles et des centres agro-pastoraux ainsi que des routes de dessertes agricoles et des crédits budgétaires y relatifs. Cet état des choses conduit à l’accaparement des ressources budgétaires par Kinshasa et à sa substitution aux pouvoirs locaux pour bien d’initiatives.

3) En matière de rétrocession de 40% des recettes à caractère national, par le Gouvernement central au profit de provinces : Sur un montant total représentant le 40 % des recettes à caractère national, montant inscrit au budget de l’Etat chaque année et dû aux provinces et entités décentralisées, celles-ci ne reçoivent en moyenne
que de 10%. La quasi-totalité restante est toujours gérée par le Gouvernement central, elle se rapporte aux crédits d’investissement au profit des provinces et entités dé-centralisées et aux salaires se rapportant à leurs domaines de compétence exclusive (enseignants, personnels de la santé, de l’agriculture et des affaires
coutumières). En effet, dans la période allant de 2011 à 2015, le Gouvernement Central a alloué chaque année, aux provinces, au titre de crédit de fonctionnement (au profit des rémunérations et fonctionnement de membres
des gouvernements provinciaux, des assemblées provinciales et de toutes les entités décentralisées) sur les 40% de recettes à caractère national, un montant fixe de 214 milliards de Francs congolais (241 milliards de Francs congolais en 2015) et ce, malgré l’accroissement de recettes courantes durant la même période, lesquelles sont
passées de 3.067 milliards de Francs congolais en 2011 à 5.392 milliards de Francs congolais en 2015, soit un accroissement de 76%.

Ainsi, avec un taux moyen d’exécution budgétaire de 80% de crédits relatifs à la rétrocession, les provinces
ne bénéficient que 9% de leur part de recettes à caractère national, le reste de l’enveloppe (Rémunérations de secteurs à compétence exclusive et investissements) étant géré par le Gouvernement Central. S’il faut tenir compte du fait que ces crédits servent à financer les dépenses de fonctionnement, les rémunérations du personnel politique et la rétrocession aux ETD, le non réajuste-ment de ces crédits depuis 3 ans préjudicie les ETD qui sont privées de moyens de fonctionnement.

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