Au fur et à mesure que s’éloigne l’illusion d’une présidence à vie pour Kabila à cause notamment de la forte hostilité de la société civile, de l’église catholique, des partis politiques- y compris de son propre camp- , de la communauté internationale et de l’évolution heureuse de la situation au Burkina-Faso, son conseiller de pasteur, le branhamiste Mugalu, lui navigue à contre-courant en multipliant initiatives après initiatives pour entretenir cette utopie moyenâgeuse. La dernière initiative malheureuse du chef de la Maison civile du chef de l’Etat s’est déroulée il y a une semaine dans le quartier huppé de Socimat, à l’hôtel Bervelly Lodge où Théodore Mugalu a rencontré secrètement les chefs de confessions religieuses à l’exception notable de la respectable église catholique. Mugalu a demandé à ses hôtes de soutenir une nouvelle Constitution accusant l’actuelle de tous les péchés d’Israël.
Il ne s’agit plus pour la Majorité présidentielle, à en croire Mugalu, de révision constitutionnelle car trop complexe à cause du verrouillage de l’article 220 (qui limite nombre et durée des mandats présidentiels), mais plutôt d’une nouvelle Constitution carrément. Devant les chefs des confessions religieuses, T. Mugalu a sollicité leur soutien afin que son message inique pro-changement de la Constitution au bénéfice d’un seul individu, J. Kabila, soit relayé avec zèle dans les assemblées chrétiennes peuplées des « moutons de panurge ». Bien entendu, comme à l’église, le brahnamiste Mugalu n’est pas venu les mains vides devant les « serviteurs de Dieu ». En échange de leur soutien, promesse a été faite de la remise de la bagatelle de 100.000 USD $ à chacun de ses « saints » interlocuteurs. Question de bien conditionner leurs ouailles. Ça ce n’est ni plus ni moins que l’achat des consciences ! Dans son opération « achat des consciences » même celles sensées être incorruptibles, Mugalu a poussé la flagornerie jusqu’à son comble. Il a promis aux chefs de confessions religieuses un « espace prépondérant des églises » dans la nouvelle Constitution au détriment des partis politiques. Le « constituant » Mugalu a aussi promis aux chefs de confessions religieuses que la nouvelle Constitution tiendra compte d’eux comme jamais on ne l’a fait en leur accordant des subsides.
Faut vraiment être bête pour penser que l’hypothétique projet de nouvelle Constitution de Mugalu est mû par le sort « peu enviable »réservé aux pasteurs et à leurs Asbl par l’actuelle Constitution et que la Majorité, soudainement inspirée par Dieu, comme par hasard à la veille du dernier mandat de Kabila, voudrait corriger ce « blasphème ». C’est prendre les chefs de confessions religieuses pour des oies sauvages. Il faut reconnaitre que la ficelle est grosse voire grossière. Mais pour réussir son projet d’achat de conscience, Mugalu a besoin de deux éléments : la cupidité des « hommes de Dieu » et leur naïveté. Et même un troisième l’amnésie : une mémoire courte pour qu’ils ne se souviennent pas qu’un des leurs, le pasteur Sony Kafuta dit Rockman de l’Eglise Armée de l’Eternel sur boulevard Sendwe, lui qui avait maladroitement soutenu Kabila lui aussi en 2006 en sait quelque chose. La fureur de kinois s’était abattue sur son église qui fut littéralement pillée et une bonne partie de fidèles s’en allèrent. Le Pouvoir à l’époque lui avait promis de l’argent pour le dédommager. Jusqu’à aujourd’hui, il ne l’a jamais été. Le « Général » Kafuta avait beaucoup perdu de sa crédibilité dans l’opinion.
Il en fut terriblement affecté jusqu’au point où il décida de ne plus se faire instrumentaliser par le pouvoir.Huit ans plus tard, Mugalu appâte de nouveau les pasteurs et autres imans avec la même recette : argent contre soutien au changement de la Constitution. Mugalu est allé chez les pasteurs parcequ’il sait que l’opinion nationale, pas dupe, dans son écrasante majorité, ne veut pas ni d’une nouvelle Constitution ou ni de la révision constitutionnelle. Allez vers les pasteurs des églises dites de Réveil c’est aussi pour Mugalu de contourner le veto catholique dans la perspective d’un référendum constitutionnel. Car Mugalu et la Majorité savent que la manipulation prospère sur le terreau de l’ignorance ou de la vénération d’une autorité religieuse. Dans le dernier cas la religion constitue l’opium du peuple jadis évoqué par Karl Marx. Cette nouvelle initiative de Mugalu va échouer comme les précédentes. Il avait prévu il y a quelques semaines de se rendre à Kindu pour lancer sa campagne pour le changement de la Constitution.
Les chambres d’hôtels et les billets d’avion avaient déjà été réservés pour lui et pour l’équipe de journalistes qui devaient l’accompagner. Mais au dernier moment, cette tournée pro-changement Constitution a été ajournée à cause notamment de l’hostilité des habitants de ce coin du pays. Mugalu qui avait traité Russ Feingold, envoyé special de Barack Obama dans les Grands Lacs, de « déséquilibré spirituel » pour son refus de la manipulation de la Constitution est l’archétype de l’amateurisme de la Kabilie au sommet de l’Etat. N’ayant aucune légitimité ni aucun mandat public, le chef de la Maison civile du chef de l’Etat multiplie des initiatives hautement politiques avec sa maladresse habituelle confondant tout en voulant imposer sa vision plus qu’étriquée de la bible,qui plus est dans un Etat laïc.Il pratique un mélange de genres immonde entre les prérogatives de l’Etat, sa casquette de pasteur, son rôle de conseiller et son travail de propagandiste et il s’improvise même juriste pour débiner le « droit made in Kabilie ».
Prêt à tout faire pour que Kabila conserve le pouvoir, c’est encore lui qui faisait la navette entre Limete et le Palais de la Nation pour débaucher Etienne Tshisekedi. C’était son plus grand projet faire le coup de Gizenga mais avec Tshisekedi cette fois-ci. Il l’aurait alors gagné la sympathie éternelle de son mentor et jouer le rôle qu’il caresse depuis être le plus puissant conseiller de Kabila, une sorte de nouveau Katumba dont le vide n’a jamais été comblé. C’est à se demander si pour Mugalu qui de Dieu ou de Kabila vient en premier ? Où qui de Kabila et du peuple congolais qui a primauté sur l’autre ? Ou encore qui de Kabila ou de la Constitution actuelle sur laquelle il jurait fidélité à tue-tête lorsque son pouvoir était menacé par le M23, qui prime ? Dès que Mugalu établira une hiérarchie judicieuse entre ses éléments il retrouvera le chemin de la rectitude morale et ne multipliera plus les messes noires contre la République au profit d’un seul individu.
Si Mugalu s’entête à caresser Kabila dans le sens du poil, il n’a qu’à jeter un coup d’oeil au Burkina-Faso où Blaise Compaoré, se cachant aussi derrière les arguments fallacieux genre « stabilité », « progrès économique » et « développement social », bref tous les baratins des politiques comme ce qu’on attend ici en RD-Congo, a voulu modifier les dispositions de la Constitution qui lui interdisait de concourir à la présidentielle de 2015. Lui aussi c’était au « nom du peuple » qu’il revendiquait un référendum constitutionnel avant d’opter pour son Parlement doté récemment d’un sénat bidon pour le besoin de la cause. Aujourd’hui, c’est par la petite porte de l’histoire qu’il doit quitter le pouvoir. Triste pour les dirigeants africains qui par leur égoïsme maladif menace la stabilité de leurs propres Etats. La bible ne dit-elle pas que les voies de Dieu sont insondables ? L’éclair de génie des Burkinabés suffira-t-elle à dissuader Mugalu et la Kabilie dans leur quête suicidaire de conserver le pouvoir en changeant de Constitution ? Wait and see !