Loi électorale en RDC : après les violences, quel apaisement ?

Mercredi 28 janvier 2015 - 16:26

La disposition litigieuse a été retirée après quatre jours de violences meurtrières, mais la nouvelle loi électorale adoptée dimanche en République démocratique du Congo ne semble en mesure d'apaiser aucune des craintes exprimées par ceux qui redoutent de voir le président Joseph Kabila s'accrocher au pouvoir au-delà de 2016.

Q. Joseph Kabila est-il prêt à quitter le pouvoir ?

C'est la question qui occupe tout le champ politique depuis un an et demi.

Le président, qui a hérité des rênes du pays en 2001 à la mort de son père, Laurent-Désiré Kabila, chef rebelle arrivé à la tête de l’État par les armes, a été élu président pour la première fois en 2006 avant d'être réélu en 2011 lors d'élections marquées par des fraudes massives. La Constitution lui interdit de briguer un troisième quinquennat, mais ses détracteurs le soupçonnent de chercher à tout faire pour rester en place après fin 2016.

"Fondamentalement, le clan présidentiel a la même volonté: rester au pouvoir", note une source proche du gouvernement.

L'opposition a d'abord accusé le président congolais de vouloir parvenir à ses fins à l'occasion d'une révision constitutionnelle dont le projet avaient été déposé au Parlement, sans jamais être rendu public.

Fin octobre, au Burkina Faso, le président Blaise Compaoré a été contraint à la fuite alors qu'il cherchait à obtenir une révision de la Constitution qui lui permette de se succéder à lui-même. Peu après le soulèvement populaire de Ouagadougou, le gouvernement congolais a retiré ses textes.

Selon un diplomate à Kinshasa, Ouagadougou "a été un vrai signal d'alerte" pour le pouvoir, qui a alors changé son fusil d'épaule pour "faire passer une révision de la loi électorale".

Q. Que prévoyait l'alinéa litigieux du projet de loi ?

Il liait l'organisation de la présidentielle devant avoir lieu fin 2016 au résultat d'un recensement général de la population devant commencer cette année, le dernier recensement remontant à 1984. Mais selon plusieurs analystes, un recensement général dans ce grand pays pratiquement dépourvu d'infrastructures pourrait prendre jusqu'à trois ans.

Selon l'opposition, cette référence au recensement était une manœuvre pour retarder l'élection présidentielle de 2016.

Q. Qu'est-ce qui pose problème dans la nouvelle loi?

"La substance [du texte initial] reste" car "on revient au recensement pour les législatives", analyse Jacques Ndjoli, un des quinze sénateurs s'étant abstenus lors du vote.

La disposition litigieuse portant sur la présidentielle a été supprimée, mais l'article qui concerne l'organisation des législatives conditionne leur tenue aux résultats d'un recensement général. Il dispose en effet que le nombre de députés de chaque circonscription et de chaque province est déterminé par un calcul impliquant de connaître "le nombre total d'habitants" du pays et des provinces.

Or la Commission électorale nationale indépendante (Céni), chargée d'organiser les scrutins et présidée par un proche de M. Kabila, indiquait encore récemment que pour des raisons logistiques et financières, la présidentielle et les législatives doivent avoir lieu le même jour.

Le texte mène droit à un "glissement du calendrier électoral", estime un des dirigeants du collectif d'opposants à la loi, qui exige désormais de la Céni la publication d'un calendrier complet pour les scrutins à venir, jusqu'à a présidentielle comprise.

L'ONU, l'Union européenne et les États-Unis ont également exhorté la Céni à le faire sans tarder et le département d'État américain a invité M. Kabila "à réaffirmer que l'élection présidentielle aura lieu en 2016 au plus tard".

Q. L'opposition a-t-elle gagné comme elle le dit ?

Non, mais les dirigeants du collectif d'opposants à la loi ne l'admettent pas publiquement car ils ne veulent pas apparaître comme ceux qui mettent de l'huile sur le feu après les dernières violences.

Selon un diplomate en poste à Kinshasa, le retrait de la disposition contestée "a été un beau tour de passe-passe, beaucoup de gens ont été roulés dans la farine".

"On a le sentiment qu'une crise a été réglée [par le Parlement dimanche] mais qu'à la première occasion les durs du régime recommenceront" à agir pour permettre à M. Kabila de rester au pouvoir, note ce même diplomate.

Indépendamment même du contenu de la loi, "le calendrier commence à être de plus en plus serré. L'expérience des élections précédentes a montré qu'il faut lancer les opérations électorales un an et demi en avance pour avoir une logistique électorale correctement en place dans un pays de 2,3 millions de km2", explique Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale du cercle de réflexion International Crisis Group (ICG).

 

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