Livres : et il est comment Poilus nègres, le dernier livre de Serge Bilé ?

Vendredi 2 janvier 2015 - 14:49

L'écrivain et polémiste Serge Bilé a publié Poilus nègres pour rendre hommage aux anciens combattants africains de la Première guerre mondiale. À sa manière, et donc avec humour.

Ne pas lire Poilus nègres pour combler son besoin de règlement de comptes avec l'histoire. Comme d'habitude, Serge Bilé s'en charge, avec la précision d'un inspecteur de police. Cette fois, il s'attarde sur ces tirailleurs embrigadés dans la Première Guerre mondiale. Entraînant le lecteur davantage sur les questions liées à la conscription que dans les tranchées, il exhume nombre d'anecdotes significatives.

Abdoulaye Ndiaye, par exemple, le dernier "poilu" vivant lorsque Jacques Chirac annonce la bien tardive revalorisation des pensions, meurt le 10 novembre 2006, cinq jours avant le vote du Parlement français... Une histoire représentative de celle des 200 000 poilus enrôlés de gré ou de force : des Dardanelles à Verdun, il sera blessé trois fois, et reconnu trop tard comme ancien combattant, après une longue bataille contre l'administration française.

Mais tous ne sont pas si "inconnus" qu'Abdoulaye Ndiaye. Blaise Diagne, premier député africain à avoir siégé en France et qui a donné son nom au nouvel aéroport de Dakar, a montré beaucoup de talent pour recruter. L'impôt du sang contre la citoyenneté : telle était la propagande mise en place par le très zélé député, chouchou de Clemenceau. Avec un résultat inattendu : 72 000 recrues, contre les 47 000 initialement demandées.

Diagne, longtemps qualifié d'agent de l'impérialisme, sera réhabilité par Abdoulaye Wade : "Il faut assumer le passé", déclare-t-il en 2008 lors de l'inauguration d'une statue à son effigie place de la gare Dakar-Niger.

Une relation complexe s'était donc établie entre la métropole et ses citoyens de seconde zone - en Afrique comme dans les Antilles. Si Bilé n'oublie pas de souligner les traitements réservés aux soldats noirs, les préjugés, le racisme, son enquête sur ces "poilus nègres" réhabilite surtout leur mémoire. Et c'est bien là l'essentiel.