Lettre d’Afrique : la beauté noire

Samedi 24 janvier 2015 - 13:05

L’écrivain nigériane Adaobi Tricia Nwaubani a contribué à la série de BBC Africa « les lettres d’Afrique », où des journalistes de tout le continent écrivent une tribune à la BBC. Adaobi Tricia Nwaubani a choisi d’écrire sur le sujet houleux qu’est la dépigmentation de la peau pour des raisons cosmétiques. En voici quelques extraits.

Au cours des dernières années, j’ai souvent demandé à mes compatriotes africains originaires de différents pays ce que, selon eux, l’Afrique serait devenue si les puissances colonisatrices et les marchands d’esclaves n’avaient jamais posé le pied sur le continent.

Pour ma part, je me plais à penser que nous autres Africains aurions, avec le temps, trouvé notre propre voie vers la modernité. Cela aurait pu prendre des décennies, des siècles, mais les sociétés africaines auraient rejoint ceux qu’on appelle « les pays développés ».

Et je pense qu’à un moment, un Africain se serait dit : « J’ai une belle chevelure frisées. Mais à quoi ressembleraient mes cheveux s’ils étaient lisses ? S’ils étaient bleus au lieu de noirs ? Ou bien jaunes, ou même rouges ? »

Cet Africain aurait donc pu très bien inventer des produits pour se lisser et se colorer les cheveux, même en ayant jamais vu une personne occidentale blanche aux cheveux blonds.

Il n’aurait donc pas été question de « ressembler aux Blancs » mais plutôt de créativité, de choix, d’options. De la même façon, les Africains auraient pu aussi jouer avec l’idée de changer de couleur de peau.

« Briller dans le noir »

Beaucoup des femmes que je connais et qui utilisent des crèmes pour éclaircir la peau n’ont pas la peau particulièrement foncée. Ce sont souvent des femmes qui ont déjà une peau claire et qui veulent renforcer ce qu’elles ont déjà.

Certaines de ces femmes s’éclaircissent la peau uniquement pour un grand évènement, tel qu’un mariage. A cette occasion, elles vont également s’acheter les bijoux les plus clinquants et arborer leur tenue la plus voyante.

Alors, avoir la peau claire devient un moyen naturel de se faire remarquer. En s’éclaircissant la peau, ces femmes veulent également « briller dans le noir ».

Certains parmi les arnaqueurs du Nigeria des années 1990 étaient connus pour leur style de vie voyant et « bling-bling ». Ils conduisaient de grosses voitures, arboraient des tenues flamboyantes et avaient des maisons d’un luxe ostentatoire.

Et beaucoup d’entre eux étaient souvent accompagnés de femmes à la peau claire, au teint également voyant et « flashy ». Ainsi, les femmes qui voulaient profiter des largesses de ces riches arnaqueurs se sont éclaircies la peau.

Avoir une peau claire était devenu un moyen de se trouver un homme riche.

« Honte d’être Noir »

Presque chaque année émerge dans les médias un nouveau débat sur la question de l’éclaircissement de la peau et des autres changements physiques auxquelles certaines femmes africaines se soumettent.

Je suppose que ce sera pareil cette année. Ce sujet sera à nouveau débattu.

Un des mes souhaits pour la nouvelle année est que les accusations du type « vouloir être comme les Blancs » ou « avoir honte d’être Noir » ne biaiseront pas tout ce que les Africains ont à dire sur la marche du monde.

Et s’il n’y avait dans le monde que l’Afrique et les Africains ? C’est dans ce cadre la que j’aimerais que soient ces débats.