Quinze personnes étaient abattues, fin janvier dernier, à la cité d’Aru, par un commando non encore identifié. Six autres étaient sauvagement décapitées à la manchette moins d’une semaine après dans la localité de Bwanasura, en territoire d’Irumu, par des assaillants dont le mode opératoire rappelle celui des ADF/Nalu qui endeuillent depuis plus de six mois le territoire de Beni voisin.
Confrontés à l’activisme des groupes armés (FRPI de Cobra Matata et les éléments résiduels Mai-Mai de Morgan), les territoires d’Irumu et de Mambasa, en Ituri, font également face, depuis quelques mois, à l’arrivée massive des personnes déplacées fuyant les hostilités dans le Nord et le Sud-Kivu, ce qui en rajoute à la psychose d’un nouveau conflit dans ce district longtemps déchiré par les conflits armés et interethniques.
Dans une déclaration publiée samedi 7 février, les associations culturelles et mutuelles des ressortissants de l’Ituri à Kinshasa interpellent le gouvernement sur le spectre d’un nouveau conflit qui commence à planer sur leur district. Ils recommandent au gouvernement de renforcer le dispositif sécuritaire dans leur district, de poursuivre la traque contre les miliciens réfractaires à la démobilisation et de veiller à ce que toute la lumière soit faite sur les tueries opérées à la cité d’Aru.
DECLARATION DE LA COMMUNAUTE ITURIENNE DE KINSHASA
La Communauté Iturienne de Kinshasa (C.I.K), plateforme regroupant l’ensemble des associations culturelles de l’Ituri installées à Kinshasa a appris avec stupéfaction la mort, le samedi 31 janvier 2015, de 15 personnes lâchement abattues à Aru, en Ituri, par un commando non encore identifié. Les assaillants armés de fusils automatiques ont frappé en plein cœur de la cité d’Aru, au 2ème niveau de l’immeuble Digital, alors que les victimes célébraient, dans une boite de nuit dénommée dancing club Bandal, la victoire des Léopards de la RDC face aux Diables Rouges du Congo Brazzaville et l’anniversaire de la tenancière de ce dancing club, une femme d’origine ougandaise. Outre les 15 personnes tuées parmi lesquelles un colonel de la Police nationale congolaise (PNC) et un officier de la Monusco, on dénombre une vingtaine de blessés reçus dans les formations médicales de la place.
Aussi étonnant que cela puisse paraitre, le commando qui a perpétré ce massacre a réussi à disparaitre dans la nature sans être inquiétés par les nombreuses forces de l’ordre basées dans cette cité frontalière avec l’Ouganda. Selon des témoignages, les criminels ont opéré durant plusieurs minutes avant de se retirer en tout aise de la ville, emportant quelques butins. Nous avons appris que l’auditorat militaire de la Province Orientale chargé de l’enquête a déjà procédé à l’arrestation de plusieurs dizaines de personnes dont les responsables locaux des services de sécurité et de renseignements.
Comme si cela ne suffisait pas, les ennemis de la paix ont encore frappé le mercredi 4 février dernier dans la localité de Bwanasura, en territoire d’Irumu, frontalier de celui de Beni dans le Nord-Kivu. Bilan de l’attaque: six corps décapités à la machette, de quatre hommes et de deux femmes. La société civile locale et le commandant de la 32ème région militaire des Fardc arrivé sur le lieu attribuent ce massacre aux présumés ADF/Nalu compte tenu du mode opératoire.
Depuis ces drames, la population vit dans une véritable psychose, redoutant la résurgence des tueries connues en Ituri entre 1999 et 2004 et le transfert, dans notre district, des massacres attribués aux ADF/Nalu et qui ont déjà fait près de 300 morts dans le territoire de Beni voisin. Cette crainte est justifiée par le fait que plusieurs localités dans les territoires d’Irumu et de Mambasa ont connu ces derniers mois des attaques armées similaires à celles enregistrées à Beni et ses environs. Ces deux entités sont également confrontées depuis plusieurs mois par l’arrivée massive de plusieurs milliers de personnes déplacées en provenance du Nord et du Sud-Kivu, fuyant la guerre, ce qui en rajoute à la psychose d’une éventuelle extension du conflit en Ituri.
La Communauté Iturienne de Kinshasa déplore, par ailleurs, le silence du gouvernement qui n’a dépêché aucun de ses membres sur le lieu en Ituri et dont le porte-parole n’a même pas évoqué ces tueries dans sa dernière conférence de presse tenue le jeudi 5 février 2015. Ce drame qui endeuille l’Ituri ne serait-il qu’un fait divers ?
Face à ce tableau sécuritaire inquiétant, la Communauté Iturienne de Kinshasa (CIK) recommande ce qui suit :
Au Gouvernement central :
1. de veiller à ce que l’enquête diligentée à la cité d’Aru par l’auditorat militaire de la Province Orientale fasse toute la lumière sur ce crime odieux.
2. de renforcer le dispositif sécuritaire dans l’ensemble du district de l’Ituri, frontalier avec l’Ouganda, en dotant la région militaire de l’Ituri et la police des moyens conséquents.
3. d’étendre l’opération Sukola dans certains territoires de l’Ituri touchés par les attaques attribuées aux ADF/Nalu.
4. de poursuivre la traque des ex-combattants du FRPI de Cobra Matata et ceux du groupe résiduel de Morgan, réfractaires à la démobilisation.
5. de s’impliquer dans la prise en charge des personnes déplacées de guerre installées en Ituri.
6. de relancer devant la Cour internationale de justice le processus du dédommagement de notre pays par l’Ouganda condamné pour l’agression de la RD Congo. L’Ituri, qui a subi d’énormes pillages de ses ressources du fait de cette guerre d’agression, attache un intérêt particulier à ce dossier.
A la justice
1. de rechercher, appréhender et sanctionner les auteurs et autres complices de ces massacres, quels que soient leurs grades et rang social.
Au gouvernement provincial de la Province Orientale
1. d’organiser, dans les meilleurs délais, une grande conférence sur la paix et le développement de l’Ituri. Les pistes de réflexion sur cette conférence avaient déjà été menées, en 2013, par les élites intellectuelles et la Société civile de l’Ituri.
2. de procéder, dans les meilleurs délais, à l’identification des personnes déplacées de guerre installées en territoires d’Irumu et de Mamabasa
A l’assemblée nationale
1. d’envisager l’envoi d’une délégation des députés nationaux dans le district de l’Ituri pour s’enquérir davantage de ce drame.
Fait à Kinshasa, le 9 février 2015.
Pour la Communauté Iturienne de Kinshasa
Félix Kabwizi Baluku
Président
Safari Bagabengi
Rapporteur