Piqué au vif. Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, n’a pas apprécié que les Nations unies se retirent de l’offensive prévue contre les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont certains sont accusés d’avoir participé au génocide contre les Tutsis en 1994 au Rwanda.
Il l’a fait savoir aux ambassadeurs étrangers et au chef de la Mission de l’ONU (Monusco) lors d’une réunion dimanche 15 février. « Le président Kabila a rappelé à ses invités qu’aujourd’hui, personne ne pouvait donner des leçons aux forces de défense et de sécurité de la RDC sur les meilleures voies et moyens d’en découdre avec les forces négatives des FDLR », a martelé le lendemain le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende.
Il faisait allusion à ce qui a amené l’ONU – dont les forces compte aujourd’hui 20 000 hommes et sont présentes depuis 1999 – à retirer le soutien qu’elle avait promis aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Au cœur de cette décision : la nomination des généraux Sikabwe Fall et Bruno Mandevu aux commandes de l’offensive contre les FDLR, alors que l’ONU les soupçonne d’avoir commis de graves violations des droits de l’Homme.
Un « chantage »
L’ONU avait laissé à Kinshasa jusqu’au vendredi 13 février pour nommer d’autres chefs. Lambert Mende a évoqué, lundi, un « chantage » et une remise en cause d’un « acte souverain (…) comme si la RDC avait été placée sous tutelle des Nations unies. » Kinshasa a donc choisi de rester sur sa décision soulignant que la Monusco ne lui avait transmis aucun rapport accablant les généraux.
« C’est (…) pour préserver la souveraineté de la RDC que le président a décidé de renoncer (…) à l’appui de la Monusco », a souligné Lambert Mende, mettant en exergue que, par le passé, les deux généraux incriminés ont collaboré avec la Monusco sans qu’ils soient jugés « infréquentables ».
Mercredi à Kinshasa, Charles Bambara, directeur de l’information de la Monusco, est revenu sur la brouille lors de la conférence de presse hebdomadaire de la mission onusienne. « Nous prenons acte de ce que le président a dit. Nous saluons d’ailleurs cet engagement ferme à mener ces opérations contre les FDLR. La question des FDLR est une question qui interpelle non seulement la RDC, mais aussi la communauté internationale, les pays de la sous-région... Nous espérons qu’au cours des discussions que nous menons, les positions des uns et des autres vont avancer pour que l’on puisse vraiment mener ensemble ces opérations. »
Au siège des Nations unies à New York, certains diplomates très impliqués ne cachent pas leurs doutes sur la volonté de Joseph Kabila de mener le combat contre les rebelles hutus et soupçonnent que cette « agitation » ne soit qu’un écran de fumée pour justifier le report des opérations militaires.
Meurtres, viols, enrôlements d’enfants, pillages…
Après avoir défait, en novembre 2013, la rébellion congolaise du Mouvement du 23 mars (M23) avec l’aide de la Monusco, la RDC devait s’attaquer aux FDLR. Principalement actives dans les provinces du Kivu, la rébellion commet meurtres, viols, enrôlements d’enfants, pillages… contre les civils et vivent grâce à de juteux trafics d’or et de charbon de bois.
Le 29 janvier, l’armée a annoncé le lancement d’une l’offensive 100 % FARDC. « Ces opérations, qui ont bel et bien commencé, contrairement à ce que certains commentateurs disent, vont être poursuivies jusqu’à bonne fin par les seules FARDC », a insisté Lambert Mende.
Un responsable militaire positionné, à l’est du pays, dans le parc des Virunga, où sont installés plusieurs groupes armés, tempère cependant cette affirmation. « J’attends l’ordre pour progresser vers les positions FDLR », confie-t-il.