Depuis décembre, au moins 10 000 réfugiés auraient traversé la rivière Oubangui pour se rendre en République démocratique du Congo (RDC) voisine, selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). La Direction générale de migrations rapporte pour sa part l’entrée d’environ 30 000 personnes. Un grand écart, mais le HCR et la Commission nationale pour les réfugiés enquêtent conjointement pour vérifier les chiffres et enregistrer les réfugiés – qui s’ajouteront aux quelque 68 000 que compte déjà le nord congolais.
En attendant, de nouveaux réfugiés arrivent chaque jour depuis la République centrafricaine (RCA), en proie à une grave crise politique, sécuritaire et sociale depuis mars 2013. Ils traversent l’Oubangui en pirogue et atteignent les localités de Boduna-Sidi et Dula, dans l’extrême-nord de la province de l’Équateur, située dans le nord-ouest de la RDC. Les exilés disent fuir les combats entre les milices anti-balaka (majoritairement chrétiennes) et ex-Seleka (principalement musulmanes) qui attaquent et brûlent les villages du camp adverse.
« Des villages réduits en cendres »
« Les réfugiés () font des témoignages déchirants sur leurs villages réduits en cendres, sur les violences et les meurtres. (…) Lors de notre évaluation dans un site spontané (…), nous avons vu de la fumée noire s’élever au-dessus des arbres de l’autre côté de la rivière Oubangui en RCA. Les réfugiés nous ont dit que ce sont leurs villages qui sont en train de brûler », raconte Céline Schmitt, porte-parole du HCR en RDC, qui revient du terrain. « Certains réfugiés arrivent blessés, y compris avec des blessures par balles », ajoute-t-elle, soulignant que le HCR en a évacué certains jusqu’à Kinshasa.
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Justine, la trentaine, mère de 4 enfants, fait partie des blessés transférés dans la capitale congolaise. Son village avait été attaqué il y a environ trois semaines. « C’était vers 4 heures du matin. Les combattants Seleka sont arrivés en tirant, en disant qu’ils voulaient en finir avec les chrétiens. C’est en courant pour m’échapper qu’une balle m’a touchée », raconte Justine sur son lit à l’hôpital Saint-Joseph. « Ils ont épargné les enfants, ils leur ont donné des bonbons et des biscuits », affirme-t-elle. Reste qu’une balle a gravement blessé sa petite sœur, Marie-Nadia, encore adolescente, dont la jambe gauche commence à guérir.
Des besoins humanitaires énormes
Marie-Nadia, également hospitalisée à Saint-Joseph, peut se déplacer seule et sans béquilles. Pour Justine, le chemin sera long : la balle a fracturé les os de sa jambe gauche et, il y a peu, les médecins envisageaient une amputation, tant l’infection était sévère. « J’ai prié le bon Dieu pour que ma jambe redevienne en bon état », commente la jeune femme, sa jambe immobilisée par une attelle. Aujourd’hui, elle va beaucoup mieux, et une opération est envisagée cette semaine ou la suivante. « Quand je serai soignée, je regagnerai le camp d’Inke où sont mon père, mes frères et mes enfants. Ils me manquent. »
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Le HCR et ses partenaires travaillent à éloigner de la frontière les réfugiés qui se sont installés sur les rives de l’Oubangui ou qui « vivent dans des abris de fortune sur de petites îles au milieu du fleuve avec un accès limité aux soins de santé et à l’eau potable », indique Céline Schmitt. Cette mesure doit permettre de les mettre plus en sécurité et les aider à recevoir une aide humanitaire – une tâche qui se révèle très difficile à acheminer dans cette zone, où les routes sont difficilement praticables et où plusieurs ponts sont détruits.
Or, les besoins humanitaires sont énormes. « Il y a (…) un taux élevé de malnutrition chez les enfants et les femmes enceintes et allaitantes, confie Céline Schmitt. Nous travaillons (...) à apporter une aide d’urgence dans les centres de santé des zones où arrivent les réfugiés pour sauver des vies, par un appui dans le domaine de la santé, nutrition (distribution de biscuits énergétiques) et accès à l’eau potable. Une autre priorité est de sensibiliser les autorités locales sur la protection des réfugiés. »
Habibou Bangré/Lemonde.fr
Kinshasa, République démocratique du congo