Le dernier appel du président américain, passé début avril, à son homologue rd-congolais, n’a pas encore fini de livrer tous ses secrets. On connaissait déjà les circonstances ubuesques qui avaient entouré ce coup de fil, à savoir qu’Obama avait parlé à Kabila via le téléphone de l’ambassadeur américain en Ethiopie qui participait au sommet de la Comesa auquel le Raïs prenait part aussi.
C’est donc l’ambassadeur US qui a tendu son portable à Kabila pour un entretien avec Obama. Incroyable ! L’opinion rd-congolaise attend toujours les explications du gouvernement pour savoir pourquoi Kabila n’a pas été joint sur son numéro officiel, s’il en a
un ou une dizaine comme le laissent entendre plusieurs sources. Son téléphone était-il éteint ? Low bat ? Loin de lui ? Autant de questions qui taraudent les rd-congolais. Mais qu’à cela ne tienne Barack Hussein Obama a fait passer son message dont la quintessence était une transition politique pacifique en 2016 à l’issue de la présidentielle moyennant des garanties données à Kabila de couler des jours heureux en poursuivant une carrière à l’international notamment s’il le souhaite. Il ne doit donc pas redouter le chômage. Il va animer des milliers des conférences à travers le monde pour raconter son expérience du pouvoir qui, faut l’avouer, est riche. Ce coup de fil n’est pas sans rappeler la crise ivoirienne de 2011 lorsque et président américain, depuis son avion, Air Force One, avait tenté en vain, par 3 fois, de parler au téléphone avec Laurent Gbagbo, le président ivoirien, qui ne voulait pas le prendre. Finalement le président américain avait pris sa plume pour demander à Gbagbo de s’incliner devant le verdict des urnes pour céder sa place à Alassane Ouattara. L’insistance d’Obama n’était pas fortuite. Elle visait à donner à l’ex président ivoirien une sortie digne du pouvoir.
Obama avait même offert à Gbagbo de l’accueillir aux USA où il pouvait exercer le métier
de professeur car l’initiateur du FPI (Front populaire ivoirien) est un historien de formation. La Maison Blanche avait quand même précisait que cette offre ne restera pas longtemps sur la table.
Pour esquiver un des appels d’Obama, la réponse-échappatoire au bout de fil était que l’ex président ivoirien se « reposait ». Aujourd’hui, il se repose bien au frais à la CPI. Hélas Gbagbo ivre de pouvoir n’en avait fait qu’à sa tête en écoutant ses thuriféraires et ses bas instincts qu’ils l’ont perdu. Ses proches reviennent d’ailleurs en Côte d’ivoire après le changement du régime mais pas lui. Dans notre propre pays, Mzee Laurent Désiré Kabila (LDK) s’était félicité d’avoir raccroché au nez la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright. C’était en 1999. Conséquence un isolement diplomatique sans précédent de la RD-Congo et une oreille toute attentive pour le Rwanda, pays à qui les USA avaient juré de tout pardonner quel que soit le crime qu’il commettrait en RD-Congo. D’ailleurs l’assassinat de
Mzee c’est le Rwanda, aidé par les USA, qui est pointé du doigt par les autorités congolaises. Les autorités congolaises pensent que LDK a payé de sa vie son impertinence face à la première puissance mondiale. On ne va pas refaire l’histoire des coups de fils qui ont bouleversé le monde mais en général quand le président des USA prend la peine de téléphoner, dans un contexte politique difficile (répression sanglante de janvier et violations massives des droits humains), un de ses homologues africains, c’est en général un avertissement ultime.
Reste à savoir si Joseph Kabila a accepté les garanties que lui avait proposées le président américain. Selon un diplomate US qui s’est laissé aller à quelques indiscrétions, Joseph Kabila hocher de la tête en guise d’acquiescement. Et a répondu à son homologue plusieurs
fois en anglais par « yes mr président ». L’administration américaine parle déjà de l’héritage de Kabila. En langage diplomatique cela veut dire quitter le pouvoir. Selon donc ce diplomate occidental que C-NEWS a rencontré pour décrypter l’appel d’Obama, les USA envisage l’avenir et la stabilité de la RD-Congo sans Kabila. Pour ce diplomate, qui a accepté de parler à votre journal sous couvert d’anonymat, pour les USA la stabilité de la Sous Région des Grands-Lacs passe par un leadership fort et moderne de la RD-Congo. Ce qui est loin d’être le cas selon lui. Les américains veulent faire de la RD-Congo l’Etat pivot pour la prospérité et la paix d’abord dans la sous-région ensuite en Afrique. Selon ce diplomate, par « leadership moderne », il faut entendre, les respects des règles démocratiques et les droits humains. Selon lui c’est le meilleur gage de stabilité politique dans un pays qui a longtemps souffert de crise de légitimité. Cette opinion est largement répandue à Washington où aussi bien au Département d’Etat qu’à la Maison Blanche on estime que la RD-Congo est un Etat spécial qu’il convient de « prendre en main ». C’est pourquoi les USA et la communauté internationale ont décidé de faire de la fin pacifique du mandat de Kabila une priorité. La pression sur lui n’est pas prête de redescendre donc à en croire ce diplomate. Car une équipe travaille en permanence sur le dossier Congo et Barack Obama a des rapports sur toutes les évolutions, positives comme négatives. Quand une stratégie est bien pensée à Washington, elle finit par se réaliser.
Et la stratégie des américains c’est d’indiquer à Kabila une voie de sortie honorable du pouvoir. Muré dans son mutisme notamment sur la question de son avenir politique au prétexte qu’il est à la tâche, Kabila n’impressionne personne car Barack Obama lui-même, un bourreau du travail avec des milliers des dossiers complexes, aussi bien internes qu’ internationaux, entrevoit déjà sa sortie de la Maison Blanche et en parle avec décontraction. Il n’hésite pas à parler de son avenir politique. Il a d’ailleurs appuyé la candidature de son ancienne Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, qu’il verrait bien prendre sa place. Est-ce à dire qu’il ne travaille pas comme on veut embobiner les rd-congolais ici avec un discours genre : « le chef est occupé à travailler qu’il ne peut pas répondre au procès d’intention ». Con-
séquence de cette suspicion non évacuée de l’avenir politique de Kabila, elle a contribué largement aux émeutes de janvier dernier. Il ne reste plus à espérer qu’il n’y en aura pas d’autres car, pour paraphraser l’ex président nigérian Goodluck Jonathan, aucune vie d’un rd-congolais ne peut valoir l’ambition d’un homme, surtout une ambition illégitime. Kabila voit donc ses marges de manœuvres se réduire au fur et à mesure qu’on approche des élections, les USA le tiendront pour comptable en cas de dérapage du processus électoral. C’est aussi
le sens de l’appel d’Obama.
Mais les rd-congolais aussi et surtout. Kabila doit changer de fusil d’épaule. Apaiser ses relations avec la Monusco, décrisper l’atmosphère politique en libérant tous les prisonniers politiques et d’opinions, ouvrir tous les médias pro opposition qu’il a fermés, et puis déclarer solennellement qu’il ne briguera pas un 3ème mandat conformément à la Constitution dont il est en principe le garant car le vrai garant c’est le peuple. Ça sera déjà un bon début. Ça ne sert à rien pour le régime de se braquer car il est bien seul et ne peut compter ni sur les rd-congolais ni sur quelconque membre éminent de la communauté internationale.
MATTHIEU KEPA