Moise Katumbi : «Outre cette générosité que les gens voient en moi, j’ai toujours le souci de servir le peuple congolais en général et les katangais en particulier».
Cette phrase de Moise Katumbi, alors député national, fût prononcée, il y a huit ans, soit en 2006, dans une interview, accordée à Maître Pappy Mbaki Ndombele, notre consultant juridique, en son temps journaliste.
Extrait d’un entretien avec une personnalité dont les propos transpirent les valeurs tant démocratiques qu’humaines, un homme disposé à servir son pays et son peuple, avec amour patriotique. Il ne se gêne de parler ni de son passé…ni de son enfance..., voire de son frère Katebe… Devoir de mémoire. In Le Soft
International n°878 du 6 novembre 2006.
Le 26 octobre (2006), la veille de la clôture de la campagne électorale, dans une villa encastrée entre
deux avenues au Golf, le Neuilly de Lubumbashi. Un étrange ballet se prépare dans la cour verdoyante
où l’on peut percevoir des bêtes de route. Le chef d’orchestre est là: Moïse Katumbi Chapwe, flanqué de ses collaborateurs. Dès 6 heures, il se prépare à recevoir les doléances des gens. Les voilà qui arrivent. Ils défilent. De demi-heure en demi-heure. Une centaine de personnes par journée.«Tous les jours c’est comme ça», confie un de ses collaborateurs avant de nous introduire dans un des salons de la villa où nous attendait Moïse Katumbi Chapwe dont l’histoire se confond désormais avec celle de sa ville, devenue son bastion. Au grand dam de ses adversaires redoutables dont le vétéran Gabriel Kyungu wa Kumwanza. Moïse est un homme heureux. Les succès s’accumulent. Son club de foot, Mazembe, est champion de la RdCongo. Lui-même a été élu député national et il est en passe de devenir député provincial, voire gouverneur du Katanga. «Il faut de la rigueur et de la clairvoyance pour redresser la barre. Il faut aussi secouer le cocotier», nous affirme ce quadragénaire dont le passage du secteur des affaires à la politique relève d’un heureux hasard. «Le Congo a besoin d’hommes capables de relancer son développement», soutient-il. «Bien sûr, je me prépare à cette perspective avec un plan», se défend-t-il.
Mais qu’est-ce qui vous pousse à la politique?
Je ne voulais pas entrer en politique, c’est la population katangaise qui m’y a poussé. Les gens m’ont dit que j’étais généreux envers eux, mais ils souhaitaient que cet élan de générosité profite à l’ensemble de la population. Non seulement au Katanga, mais partout dans le pays. Outre cette générosité que les gens voient en moi, j’ai toujours le souci de servir le peuple congolais en général et les Katangais en particulier.
Vraiment, je ne voulais pas faire la politique. Je voulais seulement évoluer dans le mécénat sportif en dehors de mes affaires.
Etes-vous bourgeois?
Vous pouvez me situer où vous voulez. En tout cas, je ne suis pas richissime ni très pauvre. Si vous voulez, j’ai le peu de moyens que le Bon Dieu m’a accordés.
Vous avez été élu haut la main député national à Lubumbashi, comment vous vous y êtes appliqué?
Le grand secret, c’est le respect de l’autre. Ne pas minimiser la population, être à l’écoute de cette
population...
Député national, vous voilà dans la course pour la députation provinciale...Je suis régulièrement interpellé à ce sujet partout où je passe. Laissez-moi vous dire que je ne suis pas le seul dans ce cas. Mais c’est tout de même curieux qu’on ne s’intéresse qu’à ma candidature à la députation provinciale. Je dois vous avouer que c’est surtout mes adversaires qui s’agitent. Ils savent et sont, d’ailleurs, conscients que je peux apporter un plus à cette population qui vit dans une misère indescriptible. Je me présente à la députation provinciale à la demande expresse de la population katangaise afin que je sois davantage plus proche d’elle. Et pour mieux la servir, il faut que je dirige cette province.
Comment comptez-vous diriger le Katanga tout en étant en conflit avec certains de vos corrégionnaires?
Je suis foncièrement un homme de paix. Je veux la paix entre les gens, entre les communautés. Par exemple, vous m’avez vu au Kasaï pour ramener la confraternité, l’unité avec le peuple du Kasaï. Vous savez, autant que moi, ce que, nous, Katangais, avons fait à cette population. Elle nous a pardonnés, bien sûr, mais elle n’oubliera jamais.
Votre frère Katebe Katoto a rallié l’UN, comment vous l’avez apprécié?
C’est la question à la une. Je vais vous livrer une confidence: quand mon grand frère a annoncé qu’il serait
candidat à la Présidence de la République, je suis allé le voir. Je lui ai demandé d’y renoncer et il m’a écouté. Je dirais aussi qu’en dehors de nos aspirations politiques, mes relations avec mon grand frère sont toujours bonnes. J’ai beaucoup de respect pour lui et je le respecterai jusqu’à la fin de mes jours sur terre. Je crois sincèrement qu’il a fait son choix. Je crois aussi qu’il ne faut pas en faire un problème. Ailleurs, ça se fait aussi… À propos de votre générosité, vous étendez désormais vos actions et dons au-delà de votre
terrain traditionnel...Je ne connais pas des frontières à mon action. Je suis Congolais tout d’abord et je le fais au Congo. Je ne suis pas allé le faire en dehors du pays. Avant la colonisation, cette histoire de régionalisme n’existait pas. Nous étions tous un. Ne voyez rien d’autre derrière ces actions, si ce n’est la
défense de l’unité du peuple congolais. Je sais que cela ne plaît pas à mes détracteurs.
Mais quel mal y a-t-il d’assister ceux qui sont dans le besoin où qu’ils soient dans le pays?
Vous le faites maintenant au moment des élections...Ce n’est pas exact parce que j’ai commencé à faire des dons depuis une dizaine d’années. Quand j’ai commencé, je n’avais pas encore d’ambitions politiques. Et pourquoi ne l’ont ils pas dénoncé à cette époque là?
Pourquoi des dons?
(…)En Europe, pendant l’hiver, on demande aux hommes de bonne foi de faire don des chauffages aux pauvres. Je suis un homme d’affaires, je me fais l’obligeance de donner à ceux qui n’en ont pas. Si on construit une école, on va y éduquer tout un peuple. Peut-être ce don ne profitera pas à mes enfants qui sont encore sur le banc de l’école. Des fois, ils manquent aussi de l’argent de poche. Bref, en tant que chrétien, je dois tout d’abord donner à mon prochain.Vos adversaires parlent de vous comme d’un prête-nom!Ceux-là ne me connaissent pas, c’est sûr, ou ce sont les malveillants. Après la mort de mon père, j’ai été élevé par mon frère aîné. À 18 ans, je travaillais déjà pour son compte. J’étais conducteur de ses grands véhicules sur la route Lubumbashi-Kolwezi
et j’ai bossé dur pour m’en sortir.
C’est votre frère qui vous a initié aux affaires?
En travaillant chez mon frère aîné, j’ai acquis une expérience du monde des affaires. Petit à petit, j’ai commencé à avoir des contacts avec des partenaires financiers. J’ai aussi bénéficié des prêts auprès des banques, telle que la BCDC. Je respectais toujours mes engagements en remboursant les crédits. Par la suite, deux sociétés sudafricaines me feront confiance en me faisant crédit des engins d’une valeur au moins 130
millions de dollars. En deux ans, j’ai pu rembourser le prêt… Voilà comment Moïse Katumbi est devenu ce qu’il
est aujourd’hui.
Que vous inspire votre propre expérience?
Partant de mon expérience, je milite pour une classe moyenne au Congo. Je veux qu’il y ait beaucoup
de Moïse. Mon souhait est qu’après moi, il n’y ait d’autres personnes capables de faire ce que je fais, voire
plus. Je dois me justifier devant Dieu.
Est-ce que vous faites tout cela parce que vous vous considérez comme le Moïse de la Bible, donc le libérateur du peuple?
En décidant de m’appeler Moïse, mon père pensait à ce Moïse-là. Je me réjouis sincèrement de porter ce nom significatif parce que c’est un don de Dieu. Mon père est décédé quand j’avais 9 ans. J’ai connu de durs moments dans ma jeunesse, mais je n’ai pas perdu ce que mes parents m’ont légué de plus précieux : aider le
prochain. A l’internant, j’ai payé le minerval des copains avec mon argent de poche. En terminale, dans ma
promotion, nous étions 7, j’ai contribué à la scolarité d’au moins trois d’entre nous. Je l’ai fait aussi pour les amis qui étaient à l’université. Donc, en grandissant, je sentais que j’avais un devoir dans la
vie et j’étais persuadé que je vivrai la célébrité. C’est pourquoi je suis sérieux dans mes affaires.
Comment joindre politique et affaires?
Le président George Bush et le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, viennent du monde des
affaires. Le président Laurent Désiré Kabila fut aussi un homme d’affaires. À mon avis, un bon politicien
doit d’abord être un homme d’affaires. Je me sens à l’aise parce que j’ai déjà géré mon entreprise. Il y a aussi le foot qui vous passionne! J’aime bien le foot. Je passe souvent mes week-ends dans les stades ou je vais à la cité voir les enfants jouer au foot.
PAPPY MBAKI/Le Soft International n°878 du 6 novembre 2006.