Avec un salaire dérisoire, sans électricité, les Congolais devront désormais payer pour regarder la télé, alors qu’ils ne sont pas capables d’être en règle avec les frais scolaires, ni d’envoyer leurs proches à l’hôpital, encore moins de se nourrir convenablement pendant tout un mois
C’est en principe ce mercredi 17 juin 2015 que la République démocratique du Congo bascule de la télévision analogique à la télévision numérique terrestre (TNT), conformément à la ligne édictée par l’Union Internationale des Télécommunications basée en Suisse.
En termes clairs, désormais, les Congolais doivent payer pour regarder la télévision à domicile, alors que, depuis l’indépendance, il ne suffisait que d’acheter un poste téléviseur pour se divertir, s’informer et apprendre.
Aujourd’hui, outre le poste téléviseur adapté à cette nouvelle technologie qui se vend à 500$ ou plus, il est obligatoire d’avoir un décodeur (30$) et un abonnement d’au moins un mois (20$) après avoir souscrit à un bouquet quelconque, sans compter le technicien qui vient installer le matériel (10$).
Tout compte fait, il faut avoir plus de 550$ aujourd’hui pour regarder la télé, et au moins 20$ ou plus d’abonnement mensuel. Cela n’est pas évident pour la majorité du peuple congolais qui croupit dans la misère, avec un revenu de moins d’un dollar par jour.
Déjà, il faut noter que les Congolais qui vivent aujourd’hui au rythme du délestage et autres coupures intempestives, n’ont droit qu’à 10 jours de courant sur 30. Donc, ils devront maintenant payer pour des programmes qu’ils ne suivront pas régulièrement, à cause de la Société nationale d’électricité (Snel). Sous d’autres cieux, cela s’appelle de l’escroquerie.
En plus, on vient d’imposer une dépense supplémentaire aux nombreux téléspectateurs congolais qui sont impayés, soit sous-payés, au moment où ils sont incapables de remplir d’autres tâches beaucoup plus importantes.
Comment expliquer qu’un père de famille qui n’a que 20$ dans sa poche se pointe devant une maison quelconque pour renouveler son abonnement, alors que ses enfants n’ont rien à manger.
Comment est-ce possible qu’un responsable sacrifie sa femme qui a besoin d’argent pour se faire soigner dans un hôpital, ou préfère être chassé par son bailleur pour n’avoir pas payé le loyer, pour regarder la télé ?
Est-il acceptable qu’un parent accepte de voir son enfant chassé de l’école pour n’avoir pas été en règle avec les frais scolaires, pendant qu’il se précipite à renouveler son abonnement pour suivre des programmes » alléchants » ?
L’opinion pense que de nombreuses familles congolaises préféreront s’acquitter de la facture de la Régideso et avoir accès à l’eau potable, que de regarder la télévision moyennant une somme d’argent.
Selon certaines sources, le gouvernement central mettra à la disposition de la population un décodeur à » très bas prix « , comme l’a dit le ministre de la Communication et des Médias, Lambert Mende Omalanga.
Des sources renseignent que ce décodeur se vendra à 15$, soit 10$ pour le matériel et 5$ pour le technicien qui viendra l’installer. Ce décodeur ne vous permettra de suivre que la télévision nationale. Point barre.
Pour un fonctionnaire de l’Etat qui touche 69 000 FC à la fin du mois, locataire, marié et père de 5 enfants, 15$ veut dire » très bas prix » ? Déjà, avec son salaire, il n’arrive pas à combler tous ses besoins. Retrancher encore 13 500 FC, rien que pour la télé, et appeler cela un » très bas prix « , cela suscite beaucoup d’inquiétudes.
Il ne serait donc pas étonnant de constater que les Congolais ne regardent plus la télé, privés d’information, parce que le pouvoir d’achat ne leur permet pas le luxe de souscrire à un bouquet quelconque. Et ce, juste au moment où ils s’apprêtent à aller aux élections et choisir d’autres dirigeants, et à l’heure où la République démocratique du Congo amorce un virage dangereux, une zone de turbulences de son histoire.
Si à Kinshasa la télévision devient un luxe, qu’en sera-t-il de l’intérieur de la République démocratique du Congo où il n’y a absolument pas de courant, et où la radio est rare ?
Les autorités congolaises auraient mieux fait de se battre préalablement pour adapter le pouvoir d’achat de la population à cette nouvelle technologie, avant de lui imposer cette réglementation de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) pour laquelle l’Afrique du Sud, de loin plus développée que la RD Congo, a demandé un moratoire, estimant qu’elle n’est pas prête pour la mutation.
Par Lefils Matady