De retour de Kinshasa, où il a pris part la semaine dernière à la réunion du bureau politique de la coalition au pouvoir, convoquée par le président Joseph Kabila, Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l'Assemblée provinciale du Katanga, a confié samedi à "Jeune Afrique" que les dissensions internes au sein de la majorité n'ont pas été levées. Interview exclusive.
Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza est l'une des figures emblématiques de la politique au Katanga, la plus riche province de la RDC. Président de l'Assemblée provinciale et leader de l'Union nationale des fédéralistes du Congo (Unafec), il fait désormais partie des sept frondeurs de la Majorité présidentielle (MP). Des cadres de la coalition politique au pouvoir - ministres, députés et sénateurs - qui ont adressé fin février et début mars deux lettres au chef de l'État, Joseph Kabila. Dans ces courriers, qui ont opportunément "fuité" sur les réseaux sociaux, les signataires exprimaient "[leurs] inquiétudes et [leurs] préoccupations par rapport à la situation politique du pays". Comprenez : la volonté supposée du président de rempiler en 2016 malgré la Constitution qui, en l'état, l'en empêche.
"Après 15 années d'exercice du pouvoir [Joseph Kabila est arrivé au pouvoir en 2001 après l'assassinat de son père, NDRL] (…), nous constatons aujourd'hui hélas un essoufflement qui se traduit par des faiblesses susceptibles d'annihiler les progrès réalisés", écrivaient-ils à l'attention du chef de la majorité présidentielle. En réponse, ce dernier a convoqué la semaine dernière une réunion du bureau politique de sa famille politique dans sa ferme de Kingakati, dans la banlieue de Kinshasa.
Celui qu'on appelle au Katanga "baba" ("père", en swahili), a pris part à cette rencontre tendue entre les frondeurs et les faucons de la majorité. Il s'est confié, le 28 mars, à Jeune Afrique dès son retour à Lubumbashi, capitale minière de la RDC.
Jeune Afrique : Qu'a dit Joseph Kabila à Kingakati pour calmer les esprits ?
Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza : Pour ne pas envenimer la situation au sein de la majorité au pouvoir, je préfère ne pas donner un quelconque compte-rendu de cette réunion qui était, de surcroît, à huis-clos.
Peut-on considérer qu'il n'existe plus, après cette réunion, de dissensions internes au sein de la coalition au pouvoir ?
L'essentiel a été fait : nous avons renoué le dialogue. Un dialogue qui était jusqu'ici rompu entre les membres de la majorité présidentielle.
Le président Joseph Kabila a lu la lettre que nous lui avons adressée, a donné son point de vue et a demandé aux uns et aux autres au sein de sa famille politique d'en discuter.
Dialogue renoué, cela suppose-t-il la fin de "G7", le groupe des sept frondeurs au sein de la MP ?
Il ne faut pas être trop pressé. Attendons voir…
Entre temps, le calendrier global des élections a été publié. Est-il réaliste ?
Dans l'ensemble, je relève une sorte de précipitation. Mais dans tous les cas, nous qui avons écrit au président Joseph Kabila, nous pensons que le pays doit privilégier les échéances importantes du processus électoral : les provinciales d'abord, puis, concomitamment les législatives et la présidentielle. D'autant qu'avec les élections provinciales, nous ferons d'une pierre deux coups : ce sont les députés provinciaux qui élisent les sénateurs. Nous sommes donc opposés à l'organisation des élections locales avant ces scrutins !
Avez-vous été entendus par ceux qui privilégient les élections locales ?
Le débat est en cours. Il se transporte désormais devant l'Assemblée nationale. C'est déjà une bonne chose qu'on accepte d'en débattre dans l'hémicycle.
Concrètement, vous demandez le report des élections locales après la présidentielle. Une option contraire à celle prônée par votre famille politique.
Signe que la fronde se poursuit au sein de la MP ?
Où est la fronde ? Nous soulevons simplement des problèmes sérieux qui se posent au niveau de la nation. Notre objectif est d'ouvrir le dialogue le débat.
Débattez-vous également des arrestations de ces derniers mois d'opposants politiques et de militants pro-démocratie à Kinshasa ?
Ces vagues d'arrestations compliquent les choses plus que ça ne les arrange. Le pouvoir doit donc éviter cette méthode et laisser aux gens la liberté de s'exprimer.
Interview réalisée par Trésor Kibangula
In www.jeuneafrique.com