
L’ambassadeur britannique Graham Zebedee propose quelques réflexions sur l’importance de la justice internationale, suite à la récente ouverture de poursuites judiciaires nationales contre Germain Katanga.
Le procès national du criminel de guerre congolais Germain Katanga a commencé le 3 février 2016. Ce procès fait suite à son transfèrement le 19 décembre 2016 et à celui de Thomas Lubanga, de la Haye vers la République démocratique du Congo (RDC) afin de purger sa peine de prison.
À bien des égards, ce transfèrement a été un fait marquant dans l’histoire de la Cour pénale internationale (CPI). C’était la première fois que la Cour désignait un Etat afin d’exécuter une peine d’emprisonnement. - L’acte ainsi posé s’inscrit dans le cadre de la poursuite de la coopération entre la RDC et les instances de la justice internationale. Pour rappel, Katanga a été condamné en 2014 à 12 ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable de crimes de guerre, y compris le recrutement d’enfants soldats. Le gouvernement de la RDC a volontairement renvoyé ses cas à la CPI en avril 2004. Cette activité se déroute parallèlement à la réforme de la justice de la RDC sous la conduite du Ministre de la Justice, reforme soutenue par le Royaume-Uni au travers d’un projet de l’Union européenne chiffré à $ 40 millions.
La RDC a subi une longue histoire de conflits. Pour parvenir à une véritable paix et réconciliation, il est essentiel que justice soit faite et rendue sur les personnes ayant violé les droits de leurs compatriotes congolais dans le passé. Dans certains cas, ceci peut prendre plusieurs années, mais il est essentiel que la justice soit rendue un jour. La coopération de la RDC avec la Cour pénale internationale a contribué à faire en sorte -que les coupables de ces crimes horribles ne restent pas impunis. A ce jour, les congolais ont vu quatre cas déférés devant les juges de la CPI. Bosco Ntaganda reste en détention tandis que le jugement dans l’affaire contre Jean-Pierre Bemba devrait être rendu le 21 mars 2016. Malheureusement, malgré les efforts fournis par le gouvernement de la RDC et la MONUSCO, un suspect, Sylvestre Mudacumura, reste en-liberté.
Il convient de réfléchir sur l’exemple que montre la RDC dans ce domaine. Comme tous les autres pays africains ayant des cas à la CPI (à la seule exception du Soudan), La RDC a choisi de coopérer au transfèrement de ses suspects à la CPI. Il y a un malentendu très répandu selon lequel la CPI «cible » l’Afrique. La vérité est que ce sont les Etats africains eux-mêmes qui ont déféré ces affaires devant la Cour. Ils l’ont fait parce que leurs peuples exigent à juste titre que .justice soit faite. Aussi, faut-il ajouter que depuis un temps, des cas non-africains commencent à être portés devant la Cour.
Je ne sais pas quel s.era le verdict concernant lé cas de M. Bemba. Mais la CPI est une organisation entièrement indépendante qui prend ses propres décisions, fondées sur le droit et les preuves plutôt que sur des facteurs d’ordre politique. Les gens me demandent régulièrement de dire à la CPI d’engager des poursuites contre une personne en RDC pour des violations présumées des droits de l’homme ou des crimes de guerre. Ma réponse est toujours la même mon gouvernement n’a pas le pouvoir de le faire.
En cas de crimes au sein d’une juridiction relevant de la CPI en RDC, peut-être le procureur de la CPI (Fatou Bensouda de la Gambie) ouvrira une enquête à ce sujet. Mais la décision relève de la CPI. Il est vrai que le Conseil de sécurité, dont le Royaume-. Uni est membre Permanent, a le pouvoir de déférer une situation à la CPI, sans exiger le consentement de l’Etat concerné, mais il s’agit bien sûr d’une situation très particulière.
Pourquoi la justice internationale doit-elle être indépendante des points de vues exprimés far les gouvernements ? Parce que, si elle ne l’est pas, elle ne, sera pas respectée par les Etats. Et parce que personne n’est au-dessus de la loi. La justice internationale veille à ce que même les personnes qui se croient intouchables - même si cela peut prendre de nombreuses années - finissent par payer le prix de leurs crimes.