Les rapports entre le régime de Kinshasa et la communauté ne sont plus du tout au beau fixe. Cela remonte à l’assassinat de l’activiste des droits de l’homme Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana en 2010. Assassinat que la communauté internationale a toujours considéré comme un crime d’Etat malgré les dénégations de Kinshasa. Depuis cet assassinat les rapports entre Kinshasa ont changé du tout au tout. Une crise en chasse une autre. La méfiance s’est installée voire l’hostilité entre les deux parties au point que Kabila a demandé, sans succès, que les ambassadeurs occidentaux ne côtoient plus, aussi souvent que ça l’est, ses opposants et les membres de la société civile. Les occidentaux le lui rendent bien. Plus donc on approche de la présidentielle de l’an prochain plus l’étau international mis en place par les occidentaux contre le régime de Kabila se resserre. Alors que la crise avec la Monusco, à propos de la traque FDLR à laquelle l’Onu ne participe pas, est encore fraîche voilà qu’une autre crise vient de s’ouvrir avec la communauté internationale : USA et Sénégal en tête. Kinshasa et Dakar ont même frôlé une crise diplomatique ouverte après l’arrestation sur le sol congolais depuis dimanche 16 mars de Fadel Barro, leader du « Y en a marre », un mouvement d’éveil
de la conscience citoyenne à la base de l’alternance au Sénégal. Alternance qui a profité notamment au président sénégalais Macky Sall face à Abdoulaye Wade. Fadel Barro avait été arrêté en compagnie de trois de ses compatriotes et d’un autre activiste des droits de l’homme célèbre, John Oscibi du Burkinafaso lui aussi tombeur de l’ex président Blaise Campaoré. La présence de ces leaders des mouvements d’éveil des consciences a donné des sueurs froides au régime de Kinshasa. Après les avoir déclarés persona non grata, Kinshasa les a finalement expulsés avant-hier mercredi 18 mars. Pour des gens que Kinshasa a qualifiés de « terroristes » leur sort est plus qu’enviable. Ils se sont fait une publicité immense grâce à la médiatisation de cette affaire. Notoriété amplifiée par les réseaux sociaux aussi. Selon Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, leur libération est due au fait que Kabila a accédé à la demande de son homologue Macky Sall. Cette preuve de clémence dont a fait montre le chef de l’Etat envers ces activistes africains est quand même suspect.
Depuis quand Kabila se monterait si magnanime envers des activistes africains qui viendrait dans son pays inciter sa jeunesse à se soulever contre lui. Trop beau pour être vrai ! En fait dans cette arrestation des présumés « terroristes africains » Kinshasa jouait gros car il faut-il le rappeler cette activité d’éveil citoyen était financée en partie par les USA qui ont publié un communiqué dans ce sens sur leur page
facebook. Selon des sources diplomatiques, l’arrestation des activistes africains avait été motivée pour d’autres raisons que celles avancées par le pouvoir. Selon des sources diplomatiques occidentales, l’arrestation de la bande à Fadel Barro par Kinshasa allait servir de monnaie de change dans l’affaire Chebeya en cours d’instruction au Sénégal.
Les mêmes sources ont révélé à la rédaction de C- NEWS que Kabila avait posé à son homologue sénégalais comme unique exigence à la relaxe de ses compatriotes l’abandon du procès Chebeya par les juridictions sénégalaises.
Macky Sall avait éconduit Joseph Kabila. Nos sources renseignent que le président sénégalais avait trouvé scandaleux les charges mises à l’endroit des ses compatriotes. Sur l’affaire Chebeya Macky Sall aurait dit à son homologue que c’est une affaire internationale sur laquelle il n’avait aucune prise. Ce qui avait provoqué l’ire de Kabila qui ne prenait plus le téléphone du président sénégalais. Il a fallu que les USA et la France entrent en jeu pour décanter la situation. La pression sur Kinshasa devenant de plus en plus forte, Kabila a
finalement décidé de laisser les « terroristes africains ». Ce n’est pas à cause de l’idée de cohésion africaine que Mende a mise en avant pour justifier le dénouement de l’affaire « Y en a marre ». Kabila seul face aux assauts de la communauté internationale. Or pour tenir tête à la communauté internationale, il faut une forte cohésion interne dont il ne peut se prévaloir. Et quand bien même, la présence d’une armée de la communauté internationale ( M o n u s c o ) , r é d u i t considérablement ses marges de manœuvre face
à ses anciens partenaires qui ne s’en cachent plus, veulent le voir partir. Ils ont commencé par faire fuiter
dans la presse américaine (Forbes) une information sur sa fortune. Ensuite l’opération de démolition médiatique s’est poursuivie dans la presse britannique avec l’affaire uranium. Tout cela n’est pas le fruit du hasard. L’instruction de l’affaire Chebeya au Sénégal l’a été sur demande de la France. Les rapports de force ne sont
pas à l’avantage de Kabila. Hostilité de la communauté internationale et absence de la cohésion nationale
le rende particulièrement vulnérable. A lui de bien interpréter les signes du temps. Son ministre de la Communication et des Médias a dit que « la RDC n’est pas une sous-préfecture des USA ». (Encore que parler de sous-préfecture aux USA n’est pas heureux car c’est une subdivision française. Aux USA on parle plutôt de
comté). Le dire déjà est un aveu d’impuissance. Car jamais les USA ne diront qu’ils ne sont pas une sous-
préfecture du Congo. Entre temps la communauté nationale et la communauté internationale restent mobilisées autour des activistes congolais arrêtés et sur qui pèsent de fortes charges.
MATTHIEU KEPA