Décidément en RD-Congo c’est la course aux scandales qui les uns après les autres jettent l’effroi dans l’opinion nationale et internationale! Ces scandales à répétition constituent de véritables pièges pour le
régime qui risque, avec l’affaire « fosse commune de Maluku », vu sa gravité, d’hypothéquer toutes ses chances de négocier une sortie honorable du pouvoir à l’issue des élections générales de 2016 qui consacreront l’alternance au pouvoir.
Il y a en effet, un seuil de violations des droits humains que la Communauté internationale considère comme une ligne rouge à ne pas franchir au risque pour les violeurs de s’exposer à un isolément diplomatique total assorti de sanctions sévères. Alors que l’affaire « Y en a marre » est encore brûlante d’actualité,
voici qu’un autre scandale, plus grave et plus macabre, vient lui disputer la « vedette » : L’affaire de la fosse commune de Maluku où 421 cadavres ont été enterrés nuitamment entre 2 heures et 4 heures du matin voilà
plus de semaines. C’est à croire que Zeus a rendu fou les autorités rd-congolaises afin de bien les perdre. La gravité de cette affaire est telle que la communauté internationale s’est tout de suite mobilisée pour demander des comptes à un régime déjà honni pour ses flagrantes et massives violations des droits humains.
Dans cette horreur de Maluku, de forts soupçons pèsent sur le gouvernement qui, selon les activistes de droits de l’homme, y aurait enterré notamment les victimes de la répression sanglantes des émeutes de
janvier dernier. Ces suspicions sont renforcées par le fait que depuis la crise électorale de 2011, le régime a militarisé les hôpitaux, surtout les morgues pour une gestion politique des bilans en cas notamment de répression sanglante d’une manifestation. C’est le cas à Mama Yemo où l’on signale la présence des agents de
sécurité et de la garde républicaine. L’affaire du charnier de Maluku n’est pas sans rappeler l’affaire Lititi Mboka début des années 1990 qui avait conduit à la chute de Mobutu en 1997.
C’était le commencement de son déclin car la coopération structurelle avec les bailleurs de fonds fut
rompue à cause de ce qu’on appelait à cette époque « le massacre des étudiants de Lubumbashi ». Dans le cas
présent, il y a un charnier sans « massacre » et dans le premier un « massacre » sans charnier. Mais le discrédit sur le régime est tel que la communauté internationale ne croit pas en la version officielle des faits qui soutient que sur les 421 macchabées de Maluku, il y aurait 300 mort-nés, 64 corps non identifiés, 34 indigents et 23 corps abandonnés. La communauté internationale a exigé, après avoir saisi via la Monusco le procureur général de la République, qu’une enquête indépendante soit ouverte. Didier Reynders, vice-pre-
mier ministre belge chargé des affaires étrangères a même demandé que le périmètre du cimetière de Maluku soit sécurisé. Son gouvernement a débloqué une somme de 1.5 million d’euros pour mener à bien les enquêtes. La célérité avec laquelle cette somme a été déboursée en dit long sur l’importance qu’accorde la communauté internationale à cette affaire. La délégation des parlementaires en séjour en RD-Congo y est allée de sa pression aussi en exigeant une enquête indépendante. Cette affaire est suivie heure par heure par la communauté internationale. Une source diplomatique a dit à C-NEWS que le président Barack Obama attend un rapport circonstancié là-dessus. D’ailleurs la pression n’est pas qu’externe, elle est aussi interne avec plusieurs
initiatives des députés de l’opposition qui ont demandé et obtenu que le vice-premier ministre chargé de
l’Intérieur et de la sécurité vienne à l’assemblée nationale faire toute la lumière sur cette affaire. Boshab
s’apprête à vivre le plus long jour de sa carrière politique car les députés ne l’épargneront pas. Il aura
besoin de la leçon d’humilité que lui avaient donnée les sénateurs lors de la défense de sa loi électorale immorale en janvier.
Les questions qui fâchentLes députés nationaux portés par une opinion interne suspicieuse envers le gouvernement seront aidés aussi par les contradictions que les membres du gouvernement ont laissé transparaître. Entre un Mende (ministre de la communication) qui dit qu’il n’y aura pas exhumation des
corps et un Boshab (ministre de l’Intérieur) ainsi qu’un Tshibanda (ministre des affaires étrangères) qui disent qu’il y aura exhumation, qui croire ? Le refus de procéder à l’extraction des corps pour expertise, renforce l’opinion selon laquelle, le gouvernement, réputé pour le peu de cas dont il fait montre en matière de respect des droits humains, a des choses à cacher. Le document-bilan sur cette fosse commune de Maluku produit par l’hôtel de ville, intitulé « statistiques des inhumations effectuées depuis juin 2014 », car pressé à son tour pressé par le gouvernement, laisse tout de même perplexe toute bonne conscience. D’abord le document n’est signé que par un directeur a.i de l’hôpital de Mama Yemo dont le nom n’apparait pas.
Ensuite, l’autre question que les gens se posent : y-a-t-il effectivement 421 corps comme le dit le gouvernement ? Qu’est-ce qui prouve que cette fosse commune n’en contiendrait pas plus ? L’autre question qui revient c’est celle de la provenance des victimes ? Une autre interrogation c’est, si réellement le gouvernement n’avait rien à cacher pourquoi procéder à l’inhumation de 421 macchabées la nuit ? Tout aussi louche, le document produit par l’Hôtel de Ville de Kinshasa. Il est tantôt rempli à la machine tantôt à la main avec un stylo à bille. Certaines cases du tableau laissent entrevoir des biffures ? Plus encore, le document parle de statistiques de la morgue à partir de juin 2014 jusqu’au mois de mars. Mais curieusement, les statistiques remontent au mois d’avril 2014. Tout aussi curieux, il n’y a pas le mois de mai de 2014. Doit-on comprendre qu’au mois de mai il n’y avait aucun mort-né, aucun corps abandonné, aucune mort d’un indigent, aucune mort d’une personne non identifiée ? Faut souligner aussi que le bilan doit être annuel, chaque mois doit figurer dans le document qui doit être rempli au fur et à mesure que les mois s’écoulent. Il fallait donc
que l’hôtel de ville produise les statistiques annuelles des morgues concernées de l’année passée, puis un rapport trimestriel de l’année en cours. Un autre fait intriguant est le fait qu’en décembre, aucun mort-né
n’a été enregistré. Il faudrait quand même que le ministre de l’intérieur nous explique par quelle magie
cela est arrivée. Le document a été émis dans un temps suspect. C’est aussi un élément à considérer. On
apprend aussi dans ce doc qu’il y a trois autres fosses communes à Mikonga. En tous les cas, cette affaire
interroge les procédures d’inhumations en RD-Congo et comment si elles ne sont pas encadrées, les cimetières peuvent devenir des lieux où l’on cacherait les crimes les plus odieux. Tout aussi dubitatifs, les rd-congolais le sont au sujet de la conservation des mort-nés qui d’habitude ne font l’objet d’aucune conservation mais plutôt d’un enterrement presque immédiat. Cette affaire que le vice-gouverneur de la ville a présentée comme une affaire routinière est gravissime car elle interroge sur l’humanité des autorités actuelles.
Car même si une proportion importante de ces cadavres seraient constitués des indigents, est-ce pour autant
qu’ils n’ont pas droit à une sépulture digne ? C’est-à-dire que l’Etat est incapable de procurer à chacun de
ceux qui étaient il y a peu comme nous, un cercueil et une tombe? Même un cercueil avec du bois de coffrage. C’est affaire doit donc être traitée avec la plus grande rigueur. Les yeux de rd-congolais sont rivés sur
l’Assemblée nationale où Boshab doit s’expliquer. La communauté internationale elle et les Ongs des droits
de l’homme, congolaises et internationales, veulent la constitution d’une commission d’enquête. Avec cette affaire, le gouvernement prête le flanc à ses détracteurs ? C’est aussi un test pour les nouveaux membres de la CNDH. Chebeya, Armand Tungulu, Opération Likofi, affaires des généraux dans l’affaire réédition Morgan, répression sanglante de janvier, « Y en a marre » et maintenant Maluku, etc ; la coupe des violations des droits humains est plus que pleine en RD-Congo? Sans compter les prisonniers politiques et d’opinions ainsi que les journalistes qui végètent en prison. Faudra que le régime se réajuste au risque de n’offrir aucune solution acceptable à la communauté internationale pour sa quiétude ultérieure en cas d’alternance. La façon dont un régime traite ses membres les plus faibles est révélatrice de sa vraie nature. Ci-dessous le document de l’hôtel de ville de Kinshasa.
PAUL MULAND