Gilbert Kiakwama : « Je ne veux pas d’un autre Chebeya »

Jeudi 26 mars 2015 - 08:46

L’opposant chrétien démocrate Gilbert Kiakwama.Kia Kiziki, député national en République démocratique du Congo (RDC) a dit craindre que son fils, « arrêté » avec d’autres jeunes activistes le 15 mars 2015 à Kinshasa, « ne se retrouve être un autre Chebeya ».

« Je crains que mon fils ne se retrouve être un autre Chebeya (défenseur des droits de l'homme assassiné en juin 2010 dans des conditions pas encore élucidées, ndlr). Ils ont été arrêtés ou raflés. Je demande qu’on les libère parce qu’ils n’ont pas commis de fautes, parce qu’ils parlent pour leur pays. Ils réfléchissent publiquement. Il n’y a vraiment rien à leur reprocher », a-t-il déclaré lundi 23 mars 2015 dans une motion incidentielle en plénière de l’Assemblée nationale au Palais du peuple.

Avec des accents d’autorité, le président de la Convention des démocrates chrétiens (CDC) a appelé à la libération des activistes congolais arrêtés avec les leaders des mouvements citoyens « Y’en a marre » du Sénégal et du « Balai citoyen » du Burkina Faso et martelé : « Je ne veux pas d’un autre Chebeya».

Dans sa motion incidentielle à l’Assemblée nationale, cet élu dont le fils fait partie des jeunes arrêtés a dénoncé une arrestation arbitraire. Il a invité la Chambre basse du Parlement à s’impliquer dans ce dossier.

Gilbert Kiakwama a fait savoir que « les jeunes arrêtés sont membres ou sympathisants du mouvement citoyen Filimbi (sifflet en swahili) qui regroupe plusieurs organisations de jeunes » et « ont le droit de réfléchir sur leur pays ».

Pour sa part, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a annoncé la mise sur pied d’une mission d’informations qui devra mettre à la disposition des députés des informations sur ce sujet. Elle devra « vérifier ce qu'on reproche à ces militants et où ils sont détenus ».

Ces jeunes arrêtés le 15 mars dernier n’ont pas encore été formellement inculpés. Cependant, le porte-parole du gouvernement les avait accusés de « faire la promotion de la violence » avec leurs camarades de Y’en a marre et du Balai citoyen.

Motion incidentielle du député Kiakwama

C'est avec une double casquette que Gilbert Kiakwama a choisi de déposer une motion devant l'Assemblée nationale lundi 23 janvier 2015. Celle d'« un père inquiet pour son fils détenu depuis plus d'une semaine sans accès à un avocat et victime d'une perquisition arbitraire » et la casquette du « député parlant au nom de tous les autres ».
Car, pour le président du groupe parlementaire des chrétiens démocrates, « les autorités commettent une erreur en maintenant ces militants pro-démocratie derrière les barreaux ».

« Les services de renseignements se sont fourvoyés. Qu'ils arrêtent : où allons-nous ? C’est ça l’Etat de droit qu’on est en train de faire ? C’est inacceptable. Qu’on les libère immédiatement. Ils n’ont commis aucun délit. Parler de son pays, se réunir, la liberté d’expression, c’est un droit constitutionnel. On ne peut pas continuer comme ça. On ne peut pas créer une telle tension pour aller aux élections. C’est inacceptable », a plaidé Gilbert Kiakwama, l’un des brillants ministres des Finances sous l’ancien régime du maréchal Mobutu Sese Seko.

« Nos jeunes ne sont pas informés. Voilà que d’autres jeunes s’organisent dans tout le pays pour informer nos enfants et on les arrête arbitrairement. Voilà pourquoi je dis, quand on arrête les gens, dans les 48 heures on doit les présenter à la justice. J’ai fait une motion pour que ça soit clair », a-t-il indiqué.

Réactions

Le PPRD réaffirme sa confiance en la justice congolaise

De son côté, le président du groupe parlementaire du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti du président Kabila, a appelé à « faire confiance aux autorités », considérant que « cette affaire est strictement judiciaire et n'a pas à être discutée dans les médias ».

« La question que vous posez sur les personnes qui sont interpellées par nos services, c’est une question qui préoccupe tout le monde et tous les Congolais », a déclaré sur RFI Emmanuel Ramazani Shadari, le président du groupe PPRD à l'Assemblée.

« Ces personnes étaient accompagnées par des expatriés - il y en a quatre - que le gouvernement congolais a proclamés personae non gratae. L’affaire est au niveau de la justice, l’affaire est traitée au niveau de nos services. Nous, nous savons que même au niveau de nos services, l’ANR notamment, il y a des OPJ (officiers de police judiciaire) assermentés », a-t-il soutenu.

« L’Etat congolais sanctionne normalement. S’il y a des problèmes à leur niveau, ils seront sanctionnés. Mais nous, nous avons confiance en nos services», a insisté Emmanuel Ramazani Shadari.

« L’Etat congolais sanctionne normalement. S’il y a des problèmes à leur niveau, ils seront sanctionnés. Mais nous, nous avons confiance en nos services. Nous avons confiance en notre justice. Et ici, on ne peut pas accepter de venir exposer les procédures de la justice et de nos services de sécurité dans les médias. Qui vous dit qu’ils (les activistes emprisonnés, ndlr) ne sont pas visités? Qui vous dit que leurs avocats n’arrivent pas là-bas ? », a-t-il interrogé.

Réagissant à la réponse selon laquelle « pourtant, ce sont bien leurs avocats et les familles qui ont affirmé cela », Emmanuel Ramazani Shadari a rétorqué : « A RFI, vous biaisez votre information. Cette affaire-là, elle est judiciaire. Nous faisons donc confiance pleinement à la justice et à nos services ».

« C’est la justice qui doit se prononcer. Et moi, en tant que député, je ne fais que de l’observation participante active. Donc, je laisse la justice et je ne tiens vraiment pas à m’immiscer là-dedans », a réagi le député Didas Pembe, président du Parti écologiste congolais (Majorité présidentielle).

Disparition d'un membre de Lucha

Un autre militant est porté disparu depuis samedi. Il s'agit de Serge Sivya, étudiant en médecine et membre de l'organisation la Lutte pour le changement (Lucha) à Goma. Une organisation très engagée depuis une semaine pour obtenir la libération de la dizaine de militants pro-démocratie toujours détenus à Kinshasa, dont l'un de ses membres.

En RDC, les initiatives se multiplient pour obtenir la libération d'une dizaine de militants pro-démocratie détenus depuis une semaine. Lundi 23 mars, l'avocat de certains de ces militants, Sylvain Lumu, a déposé plainte contre X pour «arrestation arbitraire » de ses clients, sachant qu'aucun d'entre eux n'a encore été présenté au parquet.

 

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