Quand la fraude passe par la facture

Lundi 17 novembre 2014 - 14:26

Une des subtilités utilisées par certains commerçants pour échapper au contrôle de l’administration fiscale est la non-facturation après la vente de leurs articles. C’est l’une des causes de la faible mobilisation des recettes de la TVA.
Sur les factures délivrées aux clients dans un magasin chinois au marché central de Kinshasa, le coût de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est bien mentionné. Ce qui n’est pas le cas, par exemple, dans un autre magasin chinois dans la commune de Kintambo, où les clients ne reçoivent aucune facture. Quand, par miracle, ces derniers l’exigent, la réponse du vendeur est sans équivoque : « Il n’y pas de facture ! » Pire, il se montre disposé à annuler la transaction en rendant au client son argent pour récupérer sa marchandise. Ne pas donner de facture est l’exercice favori d’un grand nombre de commerçants. Ceux qui veulent bien le faire « oublient » la rubrique TVA. Ces commerçants sont-ils assujettis à ce système fiscal ou non ? C’est la grande question à laquelle il est difficile de répondre si, au préalable, on n’a pas consulté le chiffre d’affaires de ces unités économiques. Selon la législation, toute personne morale ou physique est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elle réalise un chiffre d’affaires annuel égal ou supérieur à 50 millions de francs. La déclaration de ce chiffre d’affaires est faite sous le contrôle de la Direction générale des impôts (DGI).
Dissimulation
Au terme d’un séminaire organisé en octobre, à Kinshasa, les directeurs généraux et provinciaux de la DGI ont cité, entre autres causes de la contreperformance réalisée par cette structure dans la perception de la taxe sur la consommation au premier trimestre 2014, la non-facturation par certains assujettis. La régie financière n’a, ainsi, mobilisé que près de 341 milliards de francs par rapport à des assignations de 425 milliards de francs, soit un écart négatif de 20 %. Déjà, en 2013, les recettes de la TVA se sont situées à 583, 6 milliards de francs sur des prévisions de 663, 9 milliards de francs. Pour lutter contre la fraude fiscale, les participants au séminaire ont pris notamment la résolution de concevoir et de renforcer la sécurité du système informatique par l’acquisition d’un logiciel intégré de gestion de l’impôt, de diriger des missions de contrôle mixte en matière de suivi de la TVA ; d’intensifier des missions pédagogiques et de sensibilisation en faveur des opérateurs économiques et des agents ; d’élargir le répertoire des contribuables avec l’appui de l’Institut national des statistiques (INS) et de suivre les cas de défaillance en déclaration et en paiement. Collectée par les assujettis au profit de l’état, la TVA occasionne d’importantes fuites de revenus au moment de sa collecte, surtout face à l’absence d’un contrôle rigoureux de l’administration fiscale. La Fédération des entreprises du Congo (FEC), qui évoquait l’inopportunité de la mise en place de cette taxe en 2012, justifiait notamment sa position par « l’absence de prise en compte de la culture de facture dans une économie largement informelle et peu structurée ». La fraude commence généralement lors de la déclaration de l’assujetti. Ceci se passe à travers une dissimulation comptable. Cet élément qui sert fréquemment de base aux vérifications du fisc est cité comme la fraude la plus élaborée pour les impôts établis sur la déclaration. C’est ainsi que le législateur congolais oblige les assujettis à tenir une comptabilité régulière. « Nous allons renforcer le contrôle et poursuivre la sensibilisation des opérateurs économiques et de la population », affirme un agent de la DGI. « La délivrance de la facture est une obligation incombant à l’assujetti parce qu’elle permet à l’administration fiscale de suivre les traces d’une opération imposable. Ce suivi n’est pas assuré lorsque l’assujetti n’a pas délivré de factures. Etant donné que la TVA repose sur une déclaration, les principales formes de fraude fiscale consistent en une déclaration mensongère ou en l’absence de déclaration », ajoute-t-il.

Des sanctions

La loi de 2010 instituant la taxe sur la valeur ajoutée prévoit un certain nombre de sanctions en cas de fraude fiscale. L’absence de déclaration d’assujettissement auprès de l’administration des impôts dans les délais est sanctionnée par une amende de 500 000 francs pour les personnes morales et de 250 000 francs pour les personnes physiques. Selon la même loi, « toute mention abusive de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur une facture ou un document en tenant lieu est sanctionnée par une amende fiscale égale au triple du montant de la taxe illégalement facturée ». Quant au contribuable « qui émet une fausse facture comprenant la taxe sur la valeur ajoutée ou qui falsifie une facture présentée en justification d’une déduction », il est soumis au paiement d’une amende fiscale égale au triple de la taxe ainsi facturée. Par ailleurs, l’absence de facture ou de document en tenant lieu, en cas de livraison de biens et de prestations de services effectués par un redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, est sanctionnée par une amende fiscale égale au double du montant des droits compromis. En cas de récidive, cette amende est triplée. Tout remboursement de crédits de la TVA obtenu sur la base de fausses factures donne lieu à la restitution immédiate des sommes indûment perçues, assorties d’une amende égale au même montant. A propos d’opérateurs économiques qui auraient été frappés par l’une ou l’autre sanction, la DGI ne fournit jusque-là aucune information.

 

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