Dimanche 18 janvier dernier, les députés ont voté la nouvelle loi électorale, en retirant la disposition litigieuse qui avait provoqué quatre jours de violentes manifestations. Cela suffira-t-il à éteindre la fronde anti-Kabila qui s’est exprimée dans la rue ? Pas si sûr.
Après une semaine agitée à Kinshasa et des manifestations réprimées dans une extrême violence, la majorité présidentielle a dû faire marche arrière sur le très controversé article 8 alinéa 3 du projet de loi électorale. Cette disposition conditionnait la prochaine élection présidentielle au recensement général de la population. Une ”manœuvre” pour l’opposition qui craignait de voir le mandat de Joseph Kabila se prolonger après 2016.
La peur du “syndrome burkinabé”
Contre toute attente, samedi dernier, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, avait annoncé le retrait du fameux alinéa. Dimanche, le texte amendé a donc été voté” pour répondre à la demande des protestataires “. Les faucons du PPRD, le parti au pouvoir n’ont, pour une fois, pas eu gain de cause. Il faut dire que les manifestations ont rapidement dégénéré, provoquant des émeutes d’une rare violence inédites à Kinshasa depuis les élections contestées de 2011. Le bilan oscille entre 13 morts annoncés par le gouvernement et 42, un chiffre avancé par la FIDH. Les étudiants se sont fortement mobilisés, bloquant le campus universitaire, faisant craindre le pire au ré9ime en place, à l’image de la chute de BIaise Compaoré au Burkina-Faso. Le” syndrome de Ouagadougou “ a donc eu raison du camp présidentiel, qui cherche à maintenir Joseph Kabila au pouvoir.
Les élections de 2016 peuvent encore glisser
Si le retrait de l’alinéa 3 de l’article 8 pourra sans doute permettre de faire retomber la tension dans les rues, la crise politique ‘est pas terminée en République démocratique du Congo (RDC). Les proches du président rdcongolais viennent sans doute de voir s’écrouler une stratégie qui leur permettait de rester au pouvoir au-delà des délais constitutionnels; mais la tenue des élections en 2016 est encore loin d’être acquise.
Devant l’impossibilité de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat interdit par la Loi fondamentale, le président rd-congolais peut continuer à jouer la montre. Le calendrier électoral global n’a toujours pas été publié par la Commission nationale électorale indépendante (CENI)(ndlr) et le financement nécessaire à l’organisation des élections générales de 2016 n’est pas encore trouvé… sans parler du fichier électoral qui n’a pas été “ nettoyé “après les irrégularités de 2011. Les élections de 2016 peuvent donc encore être retardées.
Un mouvement anti-Kabila
Les quatre jours d’émeutes à Kinshasa, Goma et Bukavu, ont pourtant fortement fragilisé la majorité présidentielle. Si le gouvernement de cohésion nationale, nommé fin 2014, devait ressouder la majorité autour du président, le passage en force de la nouvelle loi électorale, l’a fait exploser. Des proches, comme Pierre Lumbi, se sont clairement opposés à toute modification des règles du jeu, rejoints par Olivier Kamitatu, Moïse Katumbi ou Gabriel Kyungu.
Tout est donc à recommencer pour Joseph Kabila. Le chef de l’Etat a déjà raté le rendez-vous des Concertations nationales, censées apporter un minimum de consensus entre majorité et opposition. Joseph Kabila vient d’anéantir en quelques semaines, l’effet (en trompe l’œil) du nouveau gouvernement de cohésion nationale. La marge de manœuvre pour rester dans son fauteuil se restreint pour le président rd-congolais. Les prochains jours seront cruciaux, car le mouvement populaire contre la loi électorale s’est rapidement transformé en manifestation anti-Kabila : “ Kabila dégage”,” Kabila doit partir “, “ deux mandats ça suffit” pouvait-on lire sur les pancartes des contestataires.
Un mouvement dangereux pour le président rd-congolais, d’autant qu’il n’est pas vraiment contrôlé par l’opposition, qui se cherche toujours un leader. Les manifestants étaient souvent des jeunes et des étudiants, qui ne répondaient pas à des mots d’ordre précis.
Pour rompre le cycle de la contestation, le président Joseph Kabila pourrait choisir de s’exprimer sur son avenir politique. Il ne l’a pas fait en plusieurs mois de crise... Sera-t-il tenté de le faire en début de semaine pour clore cette séquence? Beaucoup le souhaitent dans son entourage, mais le président n’a pas encore pris sa décision.
Africarabia/LRP