A Paris, une délégation restreinte de la MP a pris langue avec des mandataires de Tshisekedi. Une énième rencontre qui prouve que celle-ci continue de croire que le lider maximo est ce précieux sésame à même de faire sauter le verrou qui bloque la tenue du dialogue politique préconisé par le chef de l’Etat. Cependant, à l’UDPS, les instances officielles du parti ne reconnaissent pas ces échanges de la capitale française. D’où, la Majorité est tournée en bourrique. Sans cesse.
Le Potentiel
Qui a dit qu’Etienne Tshisekedi, président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) était un produit politique périmé qui n’avait plus d’influence sur la scène politique congolaise ? Erreur. Des observateurs qui se sont risqués à cet exercice se sont trompés sur toute la ligne. Car, malgré son long séjour à Bruxelles où il est en convalescence, Tshisekedi continue à peser. C’est la Majorité présidentielle (MP), famille du chef de l’Etat, qui en donne la preuve.
Accrochée à la tenue du dialogue politique pour des raisons évidentes éclatées depuis au grand jour, la Majorité au pouvoir a fait de l’UDPS son principal allié. Aussi conçoit-elle mal un dialogue politique sans Etienne Tshisekedi.
L’on se rappelle encore les nombreux périples entrepris entre Kinshasa – Bruxelles – Rome et Ibiza par des émissaires de Joseph Kabila pour rencontrer ceux de Tshisekedi. Malheureusement, les échanges entre les deux parties n’ont pas pu vider les profondes contradictions. Jugées cruciales au sein de la MP, ces pré-négociations ont fini par capoter, amenant l’UDPS à durcir sa position. Evidemment, à ce stade des négociations, les délégués de la Majorité traitaient directement avec des délégués dûment revêtus du sceau officiel du parti, notamment Bruno Mavungu, secrétaire général du parti, Félix Tshisekedi, secrétaire exécutif national chargé des relations extérieures et Bruno Tshibala, porte-parole du parti.
En multipliant des exceptions, les positions tranchées des délégués de l’UDPS ont fini par lasser la Majorité présidentielle. Pendant ce temps à Kinshasa, le dialogue s’enlisait. C’est le moment qu’a choisi la MP pour rebondir.
Les rencontres secrètes de Paris
Selon les informations relayées par le magazine Jeune Afrique et confirmées par diverses sources, des rencontres secrètes ont eu lieu, fin mars à Bruxelles, entre des émissaires de Joseph Kabila et des personnalités présentées comme délégués d’Etienne Tshisekedi.
Dans le camp de la MP, Jeune Afrique cite notamment le directeur de cabinet du chef de l’Etat, Néhémie Mwilanya, le sénateur She Okitundu et le président de la FEC, également président du Conseil d’administration de la FEC (Fédération des entreprises du Congo), Albert Yuma. Côté UDPS, Jeune Afrique rend compte de la présence des personnalités presque inconnues du grand public. Le magazine cite, entre autres, Papy Tshimpangila, Floribert Tendayi et deux proches parents de l’opposant, dont Christian, l’un des fils Tshisekedi, et Bona Kabongo, son neveu qui est chargé de sa sécurité et du protocole.
Si rien n’a filtré de ces échanges, Félix Tshisekedi, l’un des cadres de l’UDPS, non présent aux dernières rencontres de la capitale française, n’est pas allé dans la dentelle pour dénoncer l’imposture de ses « frères ». Repris par Jeune Afrique, Félix Tshisekedi s’est voulu plutôt tranchant : « Ils sont tombés dans un piège ». Le secrétaire exécutif national de l’UDPS chargé des relations extérieures a déploré la situation dans laquelle ont été entraînés les mandataires de Tshisekedi. « Ils devaient rencontrer Edem Kodjo (le facilitateur de l’Union africaine qui se trouvait à Paris) et seulement lui. Ils n’avaient pas pour mandat de rencontrer les émissaires de Kabila, encore moins de négocier quoi que ce soit avec eux », a dit Félix Tshisekedi, recadrant la mission des mandataires de Tshisekedi à Paris.
La MP dans un cul-de-sac
A Kinshasa, les choses ont été perçues autrement. Joint au téléphone, Bruno Mavungu, secrétaire général de l’UDPS, a renié la qualité de membres de l’UDPS aux quatre personnes qui ont engagé le parti, fin mars, à Paris. « Personne de l’UDPS n’a été cité », a-t-il déclaré, faisant certainement mention de Papy Tshimpangila, Floribert Tendayi et deux proches parents de l’opposant, à savoir Christian Tshisekedi et Bona Kabongo. Autrement dit, Pour Bruno Mavungu, les quatre personnes précitées ont usurpé la qualité de membres de l’UDPS. Aussi, à ce titre, l’UDPS ne se reconnaît pas dans les conclusions des rencontres secrètes de Paris. Qu’est-ce à dire ?
Au-delà de la confusion qui règne à l’UDPS, il y a évidemment la Majorité qui sort totalement affaiblie dans cette affaire. En vérité, elle a été menée en bateau, aussi bien par les uns (le camp Papy Tshimpangila) que les autres (le camp Bruno Mavungu et Félix Tshisekedi). Car, lorsque Bruno Mavungu nie toute qualité de membres aux quatre délégués de Paris, Félix Tshisekedi note que ces derniers n’avaient reçu mandat que de rencontrer à Paris le facilitateur de l’UA, le Togolais Edem Kodjo.
A tout prendre, la Majorité doit se ressaisir. Le pacte qu’elle compte signer avec l’UDPS est contre nature. L’opposition des idéologies et de la ligne politique sont telles qu’on voit mal l’UDPS céder une quelconque parcelle à la MP.
A force de tenir à un compromis difficilement réalisable, sans impliquer véritablement Etienne Tshisekedi, la MP s’offre finalement à tout maître enchanteur, fût-il membre de la famille du sphinx de Limete. Tout compte fait, la MP est tournée en bourrique. Il n’est pas trop tard pour revenir à la raison et se recentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire l’organisation des élections dans les délais constitutionnels.