« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Cette assertion se place en porte à faux avec le dialogue en préparation au pays depuis juin 2015. Ce dialogue traîne justement parce qu’il renferme des agendas cachés que toutes les parties prenantes ne maîtrisent pas forcément.
A scruter de près le dossier relatif au dialogue politique au pays, plus le temps passe, plus l’espoir s’envole. Décidément, la mayonnaise risque de ne jamais prendre avec le dialogue initié par le chef de l’Etat, il y a de cela dix mois. En effet, le président de la République a lancé les consultations nationales, en vue du dialogue dès le 1er juin 2015. Le 28 novembre de la même année, le chef de l’Etat va convoquer officiellement le dialogue avec promesse de mettre sur pied un comité préparatoire dans les dix jours. La suite, on la connaît.
L’ambassadeur Saïd Djinnit, envoyé spécial des Nations unies pour la région des Grands Lacs, a été dépêché pour explorer les forces en présence en vue de la préparation de ces pourparlers. Son initiative a tourné court. Le Togolais Edem Kodjo sera, à son tour, dépêché par l’Union africaine depuis janvier 2016. Trois mois après ses consultations, rien de concret n’est toujours fait sur le dialogue.
Cependant, avec le passage en février dernier du secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, et de plusieurs envoyés spéciaux des pays occidentaux à Kinshasa, à l’occasion de la conférence internationale sur les investissements privés dans la sous- région des Grands Lacs, le dialogue a connu un autre tournant. Certes, tous les diplomates ont encouragé l’initiative du dialogue, mais tous, unanimement, ont souligné qu’il n’est pas le passage obligé avant la tenue des élections.
Depuis cette prise de position, toute la communauté internationale exige de Kinshasa non seulement le respect de la Constitution, mais aussi l’impérieuse nécessité de la tenue des élections dans le délai et la publication du calendrier complet des élections. Bien plus, les partenaires du gouvernement, le Parlement européen et, tout récemment, le Conseil de sécurité, ont demandé au gouvernement de débloquer le financement nécessaire pour les élections.
Toutes ces prises de positions illustrent à suffisance que la Majorité présidentielle prêche dans le désert quand elle veut conditionner J’évolution du processus électoral par la tenue d’un dialogue qui ne convainc personne parmi les acteurs politiques sérieux. A ceci s’ajoute l’absence de stratégie dans le chef de la MP pour faire adhérer à ce projet tous les acteurs majeurs de la scène politique congolaise.
LES CRITÈRES OBJECTIFS D’UN DIALOGUE
Tout le monde convient que e dialogue reste la voie royale pour résorber une crise. L’histoire des dialogues en RDC révèle une vingtaine de’ conférences à portée nationale depuis 1960 jusqu’à la Conférence nationale souveraine, selon une étude faite par le professeur Mutamba Makombo. D’après ce scientifique, cette histoire renseigne que les pourparlers entre Congolais se sont soldés globalement par un échec, chaque fois que les conditions concourant à l’inclusivité, à l’objet, à la qualité et à la sécurité dès participants, au lieu et à la durée de la rencontre, n’étaient pas réunies.
Tirant les leçons de l’histoire de dialogue en RDC, Mutamba Makombo alerte l’opinion nationale en ce sens que la réussite du dialogue national politique convoqué par le chef de l’Etat dépendra de son caractère inclusif, de la composition de ses participants, du cadre (selon qu’ii est rassurant pour tous les participants), des garanties de sécurité à offrir aux participants, de la clarté de l’ordre du jour, de la durée qui doit être optimale, du rôle du médiateur, de l’application des résolutions arrêtées à ces assises et même du front commun auquel les Congolais feraient face aux intérêts supérieurs de la nation.
Pour le professeur Mutamba Makombo, le dialogue ne doit aucunement être question « d’un unanimisme moutonnier ».
Cependant, il estime que les personnes appelées au dialogue doivent penser à la «restauration de la dignité bafouée» des Congolais. «Elles doivent être soucieuses de l‘intérêt général et de notre souveraineté. Elles ne doivent pas trahir le Congo. Je formule le vœu que ce dialogue nous aide à bâtir un pays plus beau qu’avant; et assurer sa grandeur», disait le professeur Mutamba Makombo, au cours d’une conférence-débat organisé par le quotidien Le Potentiel et la Radio Télé 7.
En somme, il y a lieu de se de- mander si la MP veut réellement du dialogue. Ces faits et gestes sur le terrain ne peuvent inciter les acteurs politiques majeurs à rejoindre la table du dialogue. Toutefois, rien n’empêche le président de la République de convoquer le dialogue et mettre tout le monde devant un fait accompli. Puisque les autres partenaires politiques ne peuvent jamais venir tant que le cadre n’existe pas et surtout s’il n’est pas bien défini.
Par AMEDEE MK