Dialogue : Kabila dit non à l’ingérence étrangère !

Mercredi 1 juillet 2015 - 10:31

On s’attendait à ce que le Chef de l’Etat, Joseph Kabila, puisse fixer solennellement le peuple congolais, dans son message du 30 juin 2015, sur la tenue ou non du Dialogue inclusif, actuellement au centre du débat au sein de la classe politique congolaise. Cela paraissait comme une certitude, après que les gouverneurs de provinces lui ont déposé, le jeudi 25 juin dernier, les conclusions de leurs échanges avec les compatriotes du Congo profond.

Mais, contrairement aux attentes, il a prolongé le suspense en soulignant qu’il n’avait toujours pas bouclé les « Consultations » qu’il a initiées il y a un mois avec tous les segments de la vie nationale : confessions religieuses, partis politiques, autorités coutumières, groupes parlementaires provinciaux, institutions publiques, société civile, délégués des jeunes de toutes les provinces.

Aussi a-t-il lancé un nouvel appel aux « absents » à ses invitations, singulièrement aux tenants de l’Opposition radicale, les exhortant à rejoindre le camp des partisans du Dialogue, voie obligée pour faire tomber les barrières qui bloquent le processus électoral. Le Président de la République a réitéré, dans son message à la Nation, son souci de voir la Majorité au pouvoir, l’Opposition et la Société Civile, dans leur diversité, se mettre autour d’une même table, en vue de dégager un consensus autour du calendrier électoral, du financement des élections, de la sécurisation des élections et de nouveaux majeurs.

A ces quatre thèmes principaux pourrait s’ajouter celui de la mise en place et du fonctionnement de nouvelles provinces issues du découpage territorial, lequel tient à cœur de nombreux compatriotes.

S’agissant de l’exigence de l’aile radicale de l’Opposition relative à l’impératif d’une médiation internationale, il a été catégorique : pas d’ingérences étrangères dans les affaires congolaises. A son avis, les Congolais sont suffisamment mûrs et responsables pour se parler sans témoins et laver leurs linges sales en famille.

C’est ainsi qu’il a recommandé à tous les patriotes de privilégier l’intérêt du Congo, le patrimoine commun le plus cher aux Congolais, lequel exige d’être développé et protégé. Son vœu est que le troisième cycle électoral devant permettre au peuple congolais de marquer de nouveaux points au tableau de la démocratie puisse se dérouler dans la paix et la transparence. Ce nouveau rendez-vous avec l’histoire, a-t-il conseillé, ne devrait être manqué à aucun prix.

Les observateurs notent que l’ombre d’un nouveau bras de fer entre la Majorité et l’Opposition, à l’image de celui connu en janvier 2015, se profile à l’horizon. Il est difficile de savoir si les deux camps vont mettre de l’eau dans leur vin et parvenir, dans les jours à venir, à un compromis. En cas de désaccord persistant, un scénario « catastrophe » est à craindre pour un processus électoral qui ne fait qu’accumuler des semaines et des mois de retard, au risque de rendre incontournable, le fameux glissement tant redouté par la communauté nationale.

Discours prononcé à l’occasion du 55ème anniversaire de l’indépendance

Mes chers compatriotes,

30 juin 1960, 30 juin 2015, cela fait exactement 55 ans que notre beau pays a accédé à la souveraineté nationale et internationale en s’émancipant du joug colonial.

Il y a cinq ans, à l’occasion du cinquantenaire de cette accession à l’indépendance, nous avons célébré cette date avec une fierté d’autant plus légitime pour notre pays, d’un demi-siècle de liberté retrouvée et d’autodétermination dont les limites des frontières héritées de la colonisation n’étaient pas acquises d’avance.

En effet, la République démocratique du Congo, ce précieux héritage de nos aïeux, était un sujet à convoitise et objet de machinations de toutes sortes de la part de ceux qui pensent que ce territoire est trop grand et trop riche pour revenir aux Congolais, et à eux seuls. Evoquer ce défi permanent à notre souveraineté, à notre intégrité territoriale, c’est donner un sens et un contenu à la date du 30 juin et, partant, à la célébration de la fête nationale. Et cette année, elle le sera de manière solennelle au Kongo central.

Par-delà la stabilité macro-économique retrouvée et les perspectives de croissance à deux chiffres qui rassurent, quant à notre détermination à hisser le Congo au rang des pays émergeants d’ici à l’horizon 2030, la célébration de cette date est d’abord et avant tout le renouvellement tant par notre génération et par celle d’avenir de l’engagement individuel et collectif à préserver l’unité nationale, à garantir l’indépendance nationale et à sauvegarder l’intégrité territoriale de notre beau et grand pays.

Un engagement aussi à protéger nos éco- systèmes, gage de l’avenir de nos enfants et petits enfants et à œuvrer sans nous lasser à la moralisation de la vie publique et à l’éradication de la corruption et de toutes formes d’antivaleurs. Condition sine qua non pour l’amélioration des conditions de vie de nos populations.

Mes Chers Compatriotes,

Pour nous Congolais, la République démocratique du Congo est le bien le plus précieux au monde, nous devons l’aimer, la chérir et la protéger. Quoi qu’il en soit, quoi qu’il en coûte. Dans cette optique, la paix, la sécurité et la stabilité s’imposent à nous comme un impératif non négociable.

Notre destin commun en dépend. Nous nous devons, dès lors, d’apprécier à sa juste valeur le don de soi allant souvent jusqu’ aux sacrifices suprêmes que font nos filles et fils qui servent sous le drapeau, acceptent privations diverses, nuits et jours, et bravent des dangers de toutes sortes sur différents théâtres d’opérations afin que la sécurité de chacun soit de nous soit assurée et qu’aucun mètre carré de notre territoire n’échappe au contrôle du pouvoir central.

Aujourd’hui, avec persévérance, ils mènent ce combat contre les groupes terroristes à Béni, dans toutes les zones opérationnelles du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ainsi qu’en Ituri, en Province Orientale, offrant ainsi à nos populations de ces contrées, longtemps meurtris, la perspective d’une aire de paix et de sécurité véritable et durable.

De la Nation, ces vaillants éléments de nos forces armées, de Police et de sécurité, méritent reconnaissance, respect et soutien.

Mes Chers compatriotes,

Conscient de cette exigence de paix et de stabilité, si vitale pour notre pays, et dans le souci de mieux faire aboutir le processus électoral, j’ai depuis trois semaines entrepris les consultations avec les représentants des forces politiques et sociales de notre pays.

Ces consultations, élargies au Congo profond, à travers les entretiens entre les gouverneurs de province et les forces vives de leurs juridictions respectives, font suite à la demande pressante et insistante d’un dialogue politique par certains membres de l’opposition congolaise.

Le nouveau cycle électoral ayant été lancé dans notre pays, cette demande ne pouvait me laisser indifférent, d’autant plus que la mise en place des animateurs de la CENI, le vote et la promulgation de la nouvelle loi électorale et de la loi des finances 2015, ont généré des défis qui naturellement n’avaient pas été pris en compte lors des concertations nationales.

Vu qu’ils sont nés postérieurement à ce forum, j’ai donc engagé la Nation sur la voie des consultations et, éventuellement, du dialogue afin qu’ensemble, Majorité, Opposition et Société civile, puissent convenir des voies et moyens permettant de surmonter des obstacles qui jonchent la marche vers la troisième série d’élections générales, voulues libres, transparentes et crédibles et aussi apaisées par notre peuple qui avait été privé d’élections démocratiques pendant les 45 premières années de notre indépendance.

Ces obstacles sont liés :

1) au calendrier électoral global. Exigé à cor et à cri par l’opposition, il a été contesté par la même opposition sitôt publié.

2) Au financement du processus électoral. Evalués bien après l’adoption du budget 2015 , à eux seuls, les besoins pour l’organisation réussie des élections s’élèvent à plus d’un milliard de dollars américains ; alors que ledit budget, pour l’ensemble des besoins de l’Etat, était arrêté à l’équivalent, en Francs congolais, de neuf milliards de dollars américains.

3) A la participation aux scrutins de 2015 d’anciens mineurs devenus majeurs, en cours du cycle électoral qui du fait de la loi électorale en sont exclus, et donc injustement privés d’un droit que j’estime légitime. Cette loi prévoit, en effet, que cette frange importante de notre population ne pourrait être prise en compte que lors des scrutins à venir, après le renouvellement du fichier électoral.

4) A l’impératif de la sécurisation du processus électoral, les expériences malheureuses du passé, notamment l’intolérance politique et la non acceptation des résultats des élections par les perdants ayant conduit à des violences meurtrières avant, pendant et après les scrutins de 2006 et 2011.

Mes Chers compatriotes,

Ne pas régler ces questions tant voulues et de manière consensuelle pourrait plonger le processus électoral dans une impasse et engendrer des conflits de tous ordres. C’est pourquoi j’engage ce jour toutes les Congolaises et tous les Congolais à s’inscrire dans la voie du règlement pacifique de toute divergence politique, conformément à la tradition congolaise de prévention, de gestion et de résolution des conflits.

Je remercie très sincèrement tous ceux et toutes celles issus de toutes les couches de la population qui lors des consultations entamées ont répondu sans hésitation à cet appel, qui à mes yeux, est celui de la sagesse.

Leurs propositions sur la meilleure manière d’organiser le dialogue seront, autant que faire se peut, prises en compte. A cet égard, même si les consultations se poursuivent encore, j’ai retenu avec intérêt que l’écrasante majorité de délégations qui se sont déjà exprimées, tant à Kinshasa que dans l’arrière-pays souhaite que dans l’éventualité du dialogue, celui-ci soit mené sans ingérence étrangère, à travers un nombre limité des participants et pour une durée relativement courte.

Et je note également que quoique non inscrit dans l’ordre du jour de mes consultations, la question de la réforme territoriale, de l’installation de nouvelles provinces, a été spontanément abordée par plusieurs de mes interlocuteurs et a reçu une large adhésion. Bientôt je mettrai fin aux consultations entamées et prendrai une disposition pertinente et qui s’impose en vue de matérialiser notre vision commune et sauvegarder ce qui nous est cher : la paix, la stabilité et l’unité de notre pays.

J’espère qu’interpelées par ces nobles objectifs, quand viendra ce moment historique, les forces politiques et sociales de notre pays, dans leurs diversités, y compris ceux qui hésitent encore, répondront présentes, afin que tous ensemble, dans la paix, nous puissions donner à notre jeune démocratie la chance de se consolider davantage à travers cette troisième expérience électorale.

Quant aux amis de notre pays, je formule le vœu de les voir jouer, comme dans le passé, un rôle positif en vue de l’aboutissement heureux de cette démarche. Heureux anniversaire de l’indépendance de notre pays à chacun et à tous et que Dieu bénisse la République démocratique du Congo.

Je vous remercie.