Sous le vent de la Perestroïka, en 1990, le maréchal Mobutu a sillonné tout le Zaïre pour écouter chaque citoyen sur le devenir du pays. Il en a conclu au besoin de la démocratisation, à la surprise des mobutistes.
Aujourd’hui, Joseph Kabila, passant outre sa majorité présidentielle, est en consultation direct avec les forces vives de la nation, sans doute pour entrevoir un bon atterrissage de son deuxième et dernier quinquennat. Comme Mobutu en 1990, Joseph Kabila va-t-il surprendre l’aile dure de sa majorité à l’issue de ces consultations ?
« Le Congo de demain, je le vois porter l'espérance d'une Afrique renaissante. (...) Nous reconstruirons les conditions d'une société de tolérance où l'amour de l'excellence sera une conviction partagée ».
Cet extrait du discours d’investiture de Joseph Kabila à la présidence de la République, prononcé le 6 décembre 2006 au Palais de la Nation devant des milliers des Congolais venus pour la circonstance, peut être replacé aussi bien dans la bouche de Patrice Emery Lumumba en 1960 et de Joseph Kasavubu, dans celle du Maréchal Mobutu en 1965 ou encore dans celle de M’zee Laurent Désiré Kabila en 1997.
Ce discours de Joseph Kabila est historique. Ici, il vient de remporter, pour la première fois, la présidentielle au suffrage universel direct, après la proclamation de la démocratisation par le maréchal Mobutu le 24 avril 1990.
Tous les dirigeants congolais, à la prise de pouvoir, ne manquent pas de vœux d’espérance et de grandeur d’une RDC porteuse de renaissance non seulement au plan national mais aussi africain. Seulement, le constat est que cela ne s’est pas encore réalisé.
Le rêve de Lumumba a été cassé avec son assassinat le 17 janvier 1961, soit 7 mois après l’indépendance. Joseph Kasavubu a laissé le pays en 1965 en proie à la division et aux rebellions. Mobutu, en 32 ans de pouvoir, a non seulement ruiné le Zaïre mais aussi lui a laissé une dette de 14 milliards USD.
Mzee Laurent Désiré Kabila, son rêve d’un grand Congo a volé avec son assassiné le 16 janvier 2001, laissant la moitié de la RDC sous le contrôlé des rebellions à la solde des étrangers.
Les yeux sont désormais braqués sur Joseph Kabila qui est à son deuxième et dernier mandat présidentiel selon la constitution. L’actuel président a hérité d’un pays au bord de l'éclatement, miné par une agression rwando-ougando-burundaise et confronté à une guerre qui continuait à décimer les populations congolaises.
L'économie était en pleine régression, le tissu économique totalement détruit, la coopération bilatérale et multilatérale rompue non sans compter l'isolement diplomatique.
Après 15 ans, la RDC a un autre visage même si la pauvreté ronge encore la majorité des Congolais. Le pays a retrouvé l’intégrité territoriale. Joseph Kabila a donc pu réunifier la RDC, relancer l'économie, briser l'isolement diplomatique, poursuivre le processus de démocratisation et amener le peuple aux élections démocratiques, par deux fois.
Kabila doit réussir là où Mobutu a échoué
L’enjeu aujourd’hui est de capitaliser tous ces acquis à la fin du processus électoral en 2016 alors qu’il est confronté, dès le départ, à des sérieuses contestations des acteurs politiques de l’opposition, de la société civile et même de la majorité présidentielle.
« J'ai pensé qu'il était temps de recueillir les avis du peuple zaïrois, afin de dégager les lignes directrices susceptibles d'orienter nos choix politiques », avait déclaré Mobutu le 24 avril 1990 à N’sele dans son discours de démocratisation.
Même s’il a effectivement proclamé la démocratie ce jour là même, après 25 ans d’un pouvoir totalitaire, le fondateur du MPR a tout fait, par la suite, pour bloquer son effectivité. La suite de l’histoire est qu’il a été balayé par la révolution du 17 mai 1997 conduite par Mzee L. D. Kabila et l’AFDL (Alliance des forces démocratiques de libération).
Cependant, là où Mobutu a échoué Kabila a réussi à bien d’égards dans la démocratisation. En initiant les consultations, le président de la République voudrait recueillir une fois de plus les avis et considérations des forces vives pour décider en connaissance de causes de l’avenir de la RDC.
Sachant que les partis politiques qui le soutiennent, la MP, ont accumulé revers sur revers aussi bien dans la modification de la constitution pour lever le verrou de la limitation des mandats que sur les tentatives de glissement pour aller au-delà de 20 décembre 2016, fin du mandat actuel, Joseph Kabila va-t-il surprendre l’aile dur de sa majorité comme Mobutu l’a fait le 24 avril 1990 ?
On le saura après ces consultations et la tenue éventuellement du dialogue que le Chef de l’Etat mène seul sans ses conseillers de la MP. Sans doute, tirant les leçons des échecs consécutifs de la MP, Joseph Kabila s’en est dispensée pour confier la mission de contacts à son homme de confiance, le patron de renseignement en RDC.
C’est ce dernier qui a pris tous les contacts en vue des consultations en cours qui doivent déboucher à un dialogue afin de parvenir à un climat apaisé avant, pendant et après les élections.
Joseph Kabila a un avantage comparatif au maréchal Mobutu. Il peut éviter les erreurs et même les fautes qui ont conduit l’aigle de Kawele à sa chute et son bannissement par les Congolais.
« L’histoire étant un meilleur raccourci pour l’approfondissement du présent en vue d’un meilleur avenir », soutenait Aimé Césaire.
Déjouer l’histoire pour le fils à M’zee sera de s’investir à capitaliser tous les acquis de ses 15 ans de présidence et dans l’atterrissage en douceur en 2016 avec des élections crédibles et dans un climat apaisé.