Congo-Brazzaville: deux ans de débat autour de la Constitution

Lundi 6 avril 2015 - 09:41

Le Congo-Brazzaville est de plus en plus sur la voie d'un référendum constitutionnel. Le chef de l'Etat Denis Sassou-Nguesso était invité jeudi sur la BBC. Il a déclaré qu'il fallait un dialogue politique entre les partis et qu'après ce dialogue, il fallait un référendum sur l'avenir de la Constitution. Or, dans son discours de Nouvel An, le président avait précisé que la consultation du peuple n’aurait lieu que si - et seulement si - le dialogue échouait. Une position qu'il avait rappelée début mars à Bruxelles. Ce glissement sémantique rapproche donc le pays d'une réforme constitutionnelle. Projet que l'opposition voit comme une tentative de M. Sassou-Nguesso de se maintenir au pouvoir, alors qu'avec les textes en vigueur, il n'a pas le droit de se présenter à la présidentielle de 2016, à cause de la limite d’âge et du nombre de mandats. Le chef de l'Etat semble ainsi avancer ses pions depuis que le débat a émergé il y a plusieurs années.

Tout est parti de l'émergence du fils du président, lorsque Christel Sassou-Nguesso fut élu député, puis a lancé une série d'opérations humanitaires. Craignant une succession dynastique, l'opposition s'interpose en 2013. C'est alors que l'idée d'une réforme constitutionnelle émerge, notamment en mars 2014, par la voix du ministre des Affaires foncières Pierre Mabiala, lors d'une rencontre entre des Sages et Denis Sassou-Nguesso à Dolisie.

Le Parti congolais du travail (PCT) prend ensuite le relais et commence à militer en faveur du projet. « Le président n'aime pas prendre les devants. Il envoie souvent des éclaireurs. Il a donc laissé son parti en première ligne pour prendre la température », explique un bon connaisseur de la politique congolaise.

En août 2014, le chef de l'Etat sort du bois, notamment à Washington, où il parle d'un référendum. Dès lors, une bataille juridique s’engage avec l'opposition. « Les articles sur la limitation des mandats et de l'âge des candidats sont intouchables. On peut réformer le texte fondateur, mais changer ces deux articles serait un coup d'Etat constitutionnel », explique Maître Malonga, de la Convention des républicains.

Une majorité divisée

En fin d'année, le PCT, réuni en Comité central, se prononce officiellement pour la rédaction d'une nouvelle Constitution. Dès lors, partis et organismes politiques de tous bords prennent position un à un. La majorité se divise sur la question. Certains mouvements et non des moindres, comme le MCDDI, le RDPS ou encore le RDD s'opposent au projet.

Des personnalités du PCT lui-même, comme l'ex-ministre de la Défense Charles Zacharie Bowao, prennent position contre. « Nous ne sommes pas affaiblis. On tronque les faits. Notre alliance regroupe plus de 40 partis. La plupart ont signé notre demande. Certains consultent encore leurs bases. Donc c'est un processus », s'insurge Pierre Ngolo, secrétaire général du PCT.

L'opposition, elle, se renforce et crée une coalition d'au moins 45 personnalités, avec les leaders de l'UPADS, l'UPRN, ou le PSDC. « Une illusion de cohésion », juge Pierre Ngolo. Il n'empêche, l'idée d'un dialogue national fait son chemin, mais l'opposition craint un piège et veut des garanties. « Nous ne sommes pas contre le dialogue, mais uniquement sur la gouvernance électorale, les questions de commission et de fichier, la préparation du scrutin de 2016. Pas question de parler d'une réforme constitutionnelle ou de référendum», explique le député Guillaume Foutou de l'UPADS.

Le silence du président

Tout le monde est désormais pendu aux paroles de Denis Sassou-Nguesso. Le chef de l'Etat est muet sur un quelconque calendrier du dialogue, tout comme sur son éventuelle candidature en 2016. « Un dialogue, ça se prépare. L'opposition ne peut pas imposer un calendrier. Mais le président est dans la constance. Il a toujours privilégié la concertation », indique Pierre Ngolo.

« Le président reste prudent, mais il devra bien prendre position. Car le temps passe et on se rapproche des élections. Il ne s'exprime pas dans les médias suivis par les Congolais. Il les évite car il sait que son projet crée la défiance », déclare l'opposant Clément Mierassa, du PSDC. « Rester dans le flou est un choix. Sa stratégie, c'est de retarder le plus possible et de nous prendre de court, en mettant toute le monde au pied du mur », ajoute Omer Defoundoux, vice-président de l'Union pour le Progrès.

Selon ce dernier, Denis Sassou-Nguesso est pour l'instant coincé à cause des Jeux africains organisés au Congo en septembre prochain. « Il fera le gros dos et annoncera le référendum après », croit savoir l'homme politique, alors que d'autres personnalités avancent le même argument, mais avec l'organisation du Festival panafricain de musique en août à Brazzaville.

La peur des troubles

En cas d'annonce d'un référendum, des soubresauts ne sont pas à exclure. Et des débordements à l'approche ou en marge d'un rendez-vous continental nuiraient à l'image du pays. « Après les pillages et les violences durant la dernière CAN de football, les autorités ont vu qu'une frange de la population était vraiment excédée », confie une bonne source.

Cela n'a pas empêché le chef de l'Etat d'évoquer encore le référendum jeudi dernier. Est-ce à nouveau un test, pour à nouveau évaluer les réactions ? « Pour moi, c'est surtout un message direct à l'opposition. Soit elle vient dialoguer sur la réforme constitutionnelle et chacun négocie, soit elle refuse, et le référendum sera de toutes façons organisé », ajoute la même source.

Selon un spécialiste du Congo, le président Sassou craindrait toutefois la pression internationale, notamment celle de la France. Le président Hollande a d'ailleurs plusieurs fois appelé au respect des constitutions, faisant allusion plus ou moins directement au Congo, comme au sommet de la Francophonie de novembre. « Comme pour son fils, si Sassou voit que la pression est trop forte, il reculera. Il n'aime pas être dos au mur », croit savoir ce spécialiste.

 

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