Code congolais de la famille : lorsque le pire survient dans le mariage

Mercredi 11 mars 2015 - 08:53

Dans quasi toutes les cérémonies de mariage des Congolais, ceux de la diaspora comme ceux de la mère patrie, il est souvent rappelé aux « jeunes » mariés qu’ils s’unissent pour « le meilleur et pour le pire ».

A partir du moment où cet engagement est pris devant Dieu et devant les hommes, les jeunes mariés, les membres de leurs familles respectives ainsi que les amis et connaissances n’ont qu’un seul souhait : « Voir ce mariage être heureux et durer le plus longtemps possible jusqu’à ce que Dieu seul en décide autrement. »

Si, à cause de son imprévisibilité, la mort d’un des conjoints est le pire auquel tout humain ne saurait résister, il y a des faits et des circonstances qui contraignent également les conjoints, expérimentés ou non, au pire : le divorce.

Qu’il s’agisse du décès d’un des conjoints ou de leur séparation par le divorce, chacune des situations entraîne des conséquences qu’on a soit tendance à négliger ou qu’on essaie souvent de résoudre en ayant recours aux coutumes et pratiques surannées plutôt qu’aux lois régissant la matière.
Et dans ce domaine, l’expérience judiciaire nous a malheureusement montré qu’illettrés et personnes instruites sont souvent logés à la même enseigne et par conséquent, ce sont presque toujours les droits de la femme divorcée ou de la veuve qui sont bafoués soit par ignorance soit par mauvaise foi.

C’est pourquoi, nous avons trouvé utile de faire un bref aperçu de la situation qui prévalait avant la promulgation du code de la famille pour ensuite examiner un peu plus en détails les écueils à l’application de ce précieux instrument juridique qui existe mais dont la majorité ignore l’importance.

1. La dissolution du mariage avant le Code de la famille

Ce qui est important à retenir, c’est que durant la période de la colonisation et avant la promulgation et la mise en vigueur de l’actuel code de la famille, deux types de mariage ont coexisté dans notre pays, selon qu’on était marié selon la coutume ou devant l’officier de l’état civil.

a) Le mariage simplement célébré en famille ou selon la coutume

C’est le type de mariage le plus courant, qui pouvait être monogamique ou polygamique, selon la volonté du mari. Dans l’un comme dans l’autre type de ce mariage coutumier, les effets étaient presque les mêmes étant donné que l’épouse était plus considérée comme objet que sujet de droit.

Lorsqu’elle était répudiée, elle rentrait dans sa famille mains vides, peu importe ce qu’elle avait pu être capable de procurer au patrimoine familial grâce aux travaux de champs et autres. Personne ne trouvait cela anormal.

La veuve, quant à elle, était assimilée aux biens laissés en héritage par son défunt mari et pouvait, compte tenu de son jeune âge ou de sa capacité à séduire encore et à procréer, rester dans le clan pour être héritée elle-même par un de ses beaux-frères.

C’est ce que les sociologues appellent le lévirat. Dans le cas contraire, elle rentrait dans sa famille, toujours mains vides, ou était récupérée chez un de ses fils majeurs ou chez un de ses frères pour y passer le reste de ses jours. C’était déjà un privilège.

b) Le mariage régi par le droit écrit

Du fait de la politique d’assimilation, un décret colonial du 17 mai 1952 avait créé deux catégories de Congolais : « les évolués et les indigènes ». Les premiers, ceux qui avaient un certain niveau d’instruction et qui devaient remplir certaines conditions, étaient régis par le droit écrit.

Le Code civil leur était alors appliqué comme privilège et, en conséquence, leur mariage était constaté par l’extrait d’acte de mariage coutumier monogamique, qui signifie, comme les termes l’indiquent, que l’homme ne pouvait se marier qu’à une seule femme et choisir un des régimes matrimoniaux proposés, à savoir : la séparation des biens, la communauté réduite aux acquêts et la communauté universelle, que nous reprendrons plus loin en détails.

Les seconds (indigènes), se mariaient et réglaient tous les problèmes liés à la famille et aux successions selon les diverses coutumes rencontrées dans la multiplicité des tribus et ethnies du pays.

Cette diversité des règles juridiques (droit écrit colonial et coutumes multiples) étant devenue incompatible avec la constitution révolutionnaire du MPR d’une part, et d’autre part, avec les exigences de la société moderne, le pouvoir de l’époque décida de doter le pays d’un instrument unique dénommé « Code de la famille ».

Dans ce nouvel instrument un statut plus respectueux et plus digne était désormais reconnu à la femme. Non seulement que tout mariage (même celui célébré coutumièrement en famille), pouvait être constaté par un acte authentique délivré par un officier de l’état civil mais aussi toute autre relation à caractère conjugal devenait adultérine, la polygamie constituant une infraction au code pénal.

Du coup, le sort matrimonial de la femme veuve ou divorcée était placé sous la protection de la loi.

2. L’avènement du Code de la famille en RDC

Dans l’histoire juridique de notre pays, le code de la famille est parmi les rares, sinon la seule loi dont la mise en vigueur a été la plus tardive possible, compte tenu de son importance pour la famille, considérée comme cellule de base de la société.

Promulguée le 1er août 1987, la Loi nº 87/010 du 1er août 1987 portant Code de la famille ne fut mise ne vigueur qu’une année plus tard, le 1er août 1988.

Ce long et justifiable délai fut accordé par le législateur à toutes les parties prenantes (commission nationale de réforme du droit, département de la justice, condition féminine et famille) pour sillonner le pays afin de vulgariser la nouvelle loi dans toutes les langues nationales en utilisant tous les supports de communication disponibles : radio, télévision, presse écrite, etc.

Malheureusement, comme toutes les lois qu’on se presse de mettre en vigueur à dater de leur promulgation ou de leur signature, parfois même avant leur publication au Journal officiel, l’existence du code de la famille est jusqu’à ce jour ignorée par la grande majorité de la population congolaise parce qu’en réalité sa vulgarisation fut un fiasco total.

Si déjà mêmes certains magistrats (nous sommes sûr de nos propos) ne se sont jamais donné la peine de le lire jusqu’au bout, eux qui ont la charge de l’appliquer, comment veut-on que les profanes et le commun des mortels en saisissent la portée?

Or justement, dès qu’une loi est mise en vigueur, elle produit tous ses effets et à ce moment-là « nul n’est censé l’ignorer ». D’où la coexistence de la loi et des coutumes dans les rapports familiaux ainsi que des difficultés que continue de rencontrer la femme congolaise divorcée ou veuve pour faire prévaloir ses droits.

Coexistence de la loi et de la coutume dans les rapports familiaux

Du fait de l’ignorance de la loi et, dans une certaine mesure, à cause de l’égoïsme et de la mauvaise volonté des hommes, tout se passe comme si le code de la famille n’avait jamais été promulgué ou mis en vigueur en République Démocratique du Congo.

Quelques exemples illustrent parfaitement cette allégation :

-Il est courant d’entendre de nos jours encore une femme régulièrement mariée, en voie d’être répudiée par son mari, exiger que ce dernier lui remette une lettre à présenter à ses parents comme preuve du divorce alors que seul un jugement régulièrement rendu par le tribunal constitue la preuve du divorce;

-Très nombreux sont encore des Congolais, même parmi les « intellectuels », qui se limitent à célébrer leur mariage en famille (coutumièrement) sans se préoccuper de se présenter devant l’officier de l’état civil en vue d’en obtenir le constat et la protection juridique;

-Malgré leur mariage célébré en bonne et due forme devant l’officier de l’état civil, certains compatriotes se croient ou se considèrent comme très généreux lorsqu’en cas de rupture (sans jugement) de leur mariage, ils proposent à leurs conjointes de choisir ou d’amener tout ce qui leur semble bon parmi les biens du foyer comme si, lors de leur mariage, les deux époux n’avaient pas choisi un régime matrimonial parmi les trois proposés par le code de la famille;

-Aux funérailles de beaucoup de compatriotes on entend souvent dire que le défunt a légué tous ses biens ou sa maison à ses enfants, comme si la veuve n’avait rien produit ni contribué de quelle que manière que ce soit à l’acquisition, à la sauvegarde ou à l’accroissement du patrimoine familial;

-La pire des situations est celle dans laquelle, dès l’annonce de la mort du mari, sa famille biologique confisque les clés de la chambre à coucher du défunt et même ses effets personnels jusqu’à la clôture du deuil. Lorsque toutes les cérémonies de deuil se terminent, elle est renvoyée chez elle mains vides ou juste avec quelques biens qu’on lui remet comme simple cadeau, si elle a été une bonne femme;

- Il est arrivé aussi, on l’a vécu à Montréal, que la veuve, avant d’annoncer le décès de son mari à sa famille biologique, déménage nuitamment tous leurs biens en un autre endroit non connu des membres de la famille du défunt afin d’échapper au traitement dénoncé ci-dessus.

Tous ces cas et tant d’autres imaginables ne sont malheureusement jamais judiciarisés à cause de plusieurs difficultés que rencontrent les femmes.

Difficultés rencontrées par la femme divorcée ou veuve pour faire prévaloir ses droits

Ces difficultés se situent à plusieurs niveaux et sont relatives soit au degré d’instruction, à l’ignorance de la loi, à l’état de pauvreté de la famille de la femme ou à la peur qui résulte de la superstition.

-Difficultés relatives au niveau d’instruction et à l’ignorance de la loi

Même sans disposer des statistiques actualisées, il est aisé d’affirmer qu’en RDC, le taux d’analphabétisme demeure encore très élevé et touche singulièrement les femmes.

Voici la situation en 2013 « Alors que le monde s'apprête à célébrer, le dimanche 8 septembre prochain la journée internationale de l'alphabétisation, avec pour thème : "Alphabétisations pour le 21e siècle " la situation de la République Démocratique du Congo devrait interpeler. Ainsi le pays compte quelques 33% d'analphabètes, gens ne sachant ni lire ni écrire, les plus touchés étant les femmes ainsi que les jeunes de 15 à 25 ans (selon The World Factbook, CIA) soient quelques 23 millions de personnes ».

Les femmes instruites, quant à elles, sont indifférentes comme leurs homologues masculins vis-à-vis de la loi, qu’elles ne s’intéressent jamais à lire et dont elles ignorent l’utilité et les conséquences pour elles-mêmes lorsque survient le pire dans leur mariage : le divorce ou le décès du mari. Dans bien des cas, c’est la coutume qui a primauté sur la loi, parce qu’on ne la connaît pas.

-Difficultés liées à l’état de pauvreté de la famille de la femme

L’amour étant aveugle par essence, il lui arrive souvent et logiquement de franchir les frontières sociales et d’amener l’homme d’une famille nantie à choisir sa compagne dans une famille roturière, l’inverse étant aussi rarement possible.

Quel que soit le niveau d’instruction de cette femme et le régime matrimonial choisi par les époux, c’est dans ce type d’union qu’en cas de rupture, la femme se contente de ramasser ce qui lui est « gracieusement offert », parce qu’elle était venue mains vides et/ou parce que sa famille en a déjà beaucoup bénéficié.

Il y a quelques années, un riche homme congolais en instance de divorce devant un tribunal de Kinshasa et qui craignait « d’enrichir gratuitement » sa conjointe par la dissolution de leur mariage, avait convaincu celle-ci de mettre fin à la procédure en cours pour accepter la part des biens qu’il lui avait unilatéralement proposée après d’âpres négociations faites par leurs avocats respectifs.

À cause de l’imprévisibilité de beaucoup de juges, enclins à rendre leurs verdicts en faveur du plus offrant, il arrive aussi à beaucoup de femmes se trouvant dans de situations de rupture, de se résigner carrément à saisir les tribunaux, convaincues que le procès sera d’avance perdu.

-Difficultés liées à la superstition

Johmo Kenyatta, premier Président du Kenya, avait raison de dire : « Il est difficile d’être Africain et chrétien ».

C’est ainsi que malgré le taux très élevé d’évangélisation en RDC, où « tout le monde prie » et le fait ostensiblement savoir, la pesanteur vers la superstition et la crainte des sorciers sont toujours vivantes.
Raison pour laquelle plusieurs femmes veuves ayant connu le bonheur matériel dans leurs foyers, se retrouvent pratiquement dans la rue avec leurs enfants après le décès de leurs maris.

Croyant protéger leurs enfants orphelins des représailles occultes, elles renoncent à s’adresser aux tribunaux pour revendiquer ce qui leur revient légalement et laissent ainsi beaux-parents, beaux-frères et belles-sœurs se distribuer et gaspiller tout le patrimoine laissé par le défunt et auquel elles avaient pourtant efficacement contribué, sans aucun concours de ces derniers.

Certaines veuves, sous pression et menaces de leurs ex-belles familles, finissent par solliciter et obtenir la radiation de leurs affaires déjà inscrites au rôle du tribunal.

Comme si cela ne suffisait pas, il y a même des magistrats qui outrepassent leur pouvoir et qui se permettent d’organiser dans leurs cabinets des séances de conciliation tendant à dissuader les femmes veuves ou en instance de divorce d’ester en justice pour accepter ce que leur proposent injustement leurs ex-conjoints ou leurs belles familles.

Des cas comme ceux-ci, il en survient tous les jours par milliers à travers tout le pays sans que l’on sente le bien fondé du Ministère du Genre et Famille et des associations féminines et féministes, plus préoccupés à revendiquer une représentation équitable et significative des femmes dans les institutions (mangeoires) de la République ou d’exiger la révision du présent code de la famille.

Il y a pourtant dans cette loi plusieurs dispositions pertinentes et protectrices des droits de la femme, qui règlent efficacement le sort de ces millions de femmes divorcées ou veuves, victimes des pratiques rétrogrades.

3. Le sort matrimonial de la femme divorcée ou veuve selon le code de la famille

Pour être légalement considérée divorcée ou veuve et prétendre bénéficier des avantages qu’offre le code de la famille à ces deux statuts, il faut avant tout et absolument qu’une femme ait été légalement mariée.

Or c’est justement là que se pose tout le problème étant entendu que dans bon nombre de coutumes congolaises, même le début de versement de la pré-dot suffit pour conférer à la femme le statut de mariée et ce, d’autant plus que dans beaucoup d’autres coutumes l’on considère que la dot peut être versée aussi longtemps que dure le mariage.

A ce sujet la nouveauté introduite par le code de la famille consiste à aller au-delà de la célébration coutumière, de nature orale, pour lui donner une garantie légale ou juridique qui ne peut être obtenue que devant l’officier de l’état civil soit par l’enregistrement soit par la célébration, après avoir fourni la preuve du versement effectif de la dot.
Article368

« Le mariage peut être célébré en famille selon les formalités prescrites par les coutumes. Dans ce cas, l’officier de l’état civil enregistre le mariage et dresse un acte le constatant. Le mariage peut être également célébré par l’officier de l’état civil selon les formalités prescrites par la présente loi. En ce cas, l’officier de l’état civil dresse aussitôt un acte de mariage ».

Article 370 :
« Dans le mois qui suit la célébration du mariage en famille, les époux et éventuellement leurs mandataires doivent se présenter devant l’officier de l’état civil du lieu de la célébration en vue de faire constater le mariage et d’assurer sa publicité et son enregistrement.

Chacun des époux doit être accompagné d’un témoin ainsi que des personnes qui, le cas échéant, doivent consentir au mariage.

A défaut, de celles-ci, la preuve de leur consentement sera établie conformément à l’article 358.

Les époux peuvent se faire représenter par un mandataire porteur d’une procuration écrite; celui-ci sera un proche parent, sauf empêchement valable dûment constaté par l’officier de l’état civil.

Les témoins doivent être majeurs et capables ou émancipés. Ils seront pris dans la lignée paternelle ou maternelle de chacun des époux, sauf empêchement valable dûment constaté par l’officier de l’état civil.

Dans les quinze jours qui suivent, l’officier de l’état civil porte à la connaissance du public par voie de proclamation faite au moins deux fois et ou par affichage apposé à la porte du bureau de l’état civil, l’acte constatant la célébration du mariage.

Le délai de quinze jours écoulé, l’officier de l’état civil assure l’enregistrement du mariage par la constatation de la formalité de la publication ».

L’enregistrement du mariage célébré coutumièrement en famille constitue d’ailleurs un meilleur moyen pour les familles financièrement faibles d’échapper aux appétits prédateurs des officiers de l’état civil qui, profitant de la solennité du mariage célébré, exigent de nos jours des frais exorbitants allant de 100$ à 500$ ou plus ainsi que des biens en nature (bouteille de Whisky ou de vin, chaises en plastic) ne figurant nulle part dans la nomenclature des tarifs administratifs.

Le mariage enregistré permet surtout aux fiancés très éloignés, résidant parfois sur deux continents différents, d’épargner les frais de voyages coûteux en se faisant représenter.

Qu’il soit célébré devant l’officier de l’état civil ou simplement enregistré, chaque type de mariage est constaté par un même document appelé « Acte de mariage », document pouvant ultérieurement servir de preuve et de base à la dissolution du régime matrimonial, elle-même consécutive à la dissolution du mariage.

Article 539 :

« Le mariage se dissout :
1.-par la mort de l’un des époux;
2.-par le divorce ;
3.-par le nouveau mariage du conjoint de l’absent, contracté après jugement déclarant le décès de l’absent. »

Il est donc nécessaire de mieux comprendre dès le départ ce que signifie chacun des trois régimes matrimoniaux retenus et proposés par le législateur que sont : le régime de la séparation des biens, le régime de la communauté réduite aux acquêts et le régime de la communauté universelle.

Article 505 :

« Le régime de la séparation des biens consacre l’existence de deux patrimoines propres formés par les biens acquis à titre onéreux ou à titre gratuit par chacun des époux ainsi que par leurs dettes. »

Article 516 :

« Le régime de la communauté réduite aux acquêts est composé d’une part des biens propres de chacun des époux et d’autre part des biens communs.

Sont propres, les biens que chacun des époux possède au moment de la célébration ou de l’enregistrement du mariage ou qu’il acquiert postérieurement au mariage par donations, successions ou testaments.

Sont communs et comme tels qualifiés acquêts, les biens que les époux acquièrent pendant le mariage par leur activité commune ou séparée ainsi que les biens conjointement acquis par les deux époux par donations, successions ou testaments. »

Article 533 :

« Le régime de la communauté universelle consacre entre les époux la communauté de tous les biens, tant meubles qu’immeubles ainsi que de leurs dettes présentes et à venir.

Resteront cependant propres aux époux, les biens mobiliers et immobiliers qu’ils recueilleront à titre gratuit avec exclusion de communauté et les biens qui leur sont strictement personnels ainsi que le capital d’assurance-vie, les indemnités compensatoire d’un préjudice physique ou moral, les rentes alimentaires, pension de retraite et d’invalidité. »

Etant donné que tout régime matrimonial trouve sa raison d’être dans le mariage, il est tout à fait logique qu’il disparaisse ou se dissolve aussi avec lui, comme l’a si bien dit le législateur à travers les dispositions si pertinentes des articles 502 et 503 ci-après, applicables à tous les régimes matrimoniaux :

Article 502 :
« Les causes de dissolution du mariage et les effets de celles-ci sont les mêmes quant au partage des biens. »

Article 503 :

« Le partage du passif et de l’actif se réalisera quant aux biens communs ou présumés indivis par moitié. »
Pour plus de clarté, le législateur a donné des pistes de solution spécifiques et non équivoques, propres à la dissolution de chaque régime matrimonial. Nous en reproduisons ci-dessous les plus explicites.

1) Dissolution du régime de séparation des biens :

Article 513 :

« Les dettes des époux contractées avant ou pendant le mariage restent propres.
E cas de dissolution, l’époux qui aura payé sur ses biens une dette de l’autre a droit au remboursement. »
Article 514 :
« Si, à la dissolution du mariage, il existe des biens indivis, les règlements des dettes et les enrichissements dus par les biens propres d’un époux à l’autre seront opérés par préférence sur cette masse. »

2) Dissolution du régime de la communauté réduite aux acquêts

Article 523

« Les dettes dont l’un des époux est tenu grèvent ses biens propres ainsi que les biens communs.

Les dettes contractées par les époux en vue de la contribution aux charges du ménage sont des dettes solidaires qui engagent tant les biens communs que les biens propres de chacun des époux. »

Article 524 :

« En cas de dissolution du mariage, s’il y a eu gestion du mari, chacun des époux reprend en nature les biens qui lui sont propres. »

Article 530 :

« Après règlement du passif, le surplus du patrimoine commun est partagé par moitié entre les époux ou leurs héritiers.

Les dispositions relatives aux successions et concernant les modalités de partage, les rapports entre cohéritiers après le partage et les droits des créanciers sont applicables par analogie au partage du patrimoine commun. Si le passif est supérieur à l'actif, les époux ou leurs héritiers répondent des dettes sur leurs biens, conformément à l'article qui suit. »

3) Dissolution du régime de la communauté universelle

Article 535

« A la dissolution du mariage, l'actif et le passif de la communauté sont partagés par moitié entre les anciens époux ou entre le conjoint survivant et les héritiers de l'autre époux.

Les créances acquises avant la dissolution du mariage mais réglées par la suite sont dues par moitié par les débiteurs aux anciens époux ou au conjoint survivant et aux héritiers de l'autre époux.

Les dettes contractées avant la dissolution du mariage pourront être poursuivies par les tiers solidairement, sur les patrimoines des anciens époux ou sur ceux du conjoint survivant et des héritiers de l'autre époux.

Celui qui a réglé la dette dispose d'un droit de recours contre le ou les titulaires des autres patrimoines, en proportion de leur part, dans le partage de la communauté.

Les dispositions relatives aux successions et concernant les modalités de partage, les rapports entre cohéritiers après le partage et les droits des créanciers non réglés par le présent article, sont applicables par analogie au partage du patrimoine commun. »

Article 536 :

« A la dissolution du mariage, les biens propres restent dans le patrimoine de l'époux auquel ils appartiennent, si ceux-ci sont retrouvés en nature ou s'il en est établi un compte distinct. »

Sans qu’il soit besoin d’entraîner nos lecteurs dans l’interprétation approfondie de chacune de ces dispositions ni encore moins dans l’énumération de toutes les autres qui s’y rapportent ou les complètent, nous voulons simplement éclairer l’opinion en général et les femmes divorcées ou veuves en particulier sur le fait que contrairement à ce qui continue de se faire, elles ont des droits suffisamment bien protégés dans le code de la famille, il ne suffit que de les connaître et de s’en prévaloir.

Concrètement, l’utilité des régimes matrimoniaux est d’établir que les biens d’un couple, peu importe le régime matrimonial choisi, sont avant tout une affaire des époux et non des leurs héritiers respectifs, les conséquences étant que :

En cas de dissolution du mariage par le divorce :

La femme, instruite ou illettrée, chômeuse ou salariée, ne rentre pas dans sa famille mains bredouilles car le régime matrimonial doit, lui aussi, être dissous tel que nous venons de le voir selon les règles déjà fixées par le législateur et non par la coutume.

En cas de dissolution du mariage par le décès :

-Si c’est le mari qui meurt le premier, le régime matrimonial doit préalablement être dissous avant même d’envisager un quelconque partage des biens. C’est seulement lorsque la veuve aura récupéré entièrement ce qui lui revient selon le régime matrimonial que la part du défunt sera alors distribuée aux héritiers, dont la veuve elle-même fait partie en tant qu’héritière de la deuxième catégorie.

-Si c’est la femme qui meurt la première, il sera également et préalablement procédé à la dissolution du régime matrimonial dans le but de dégager la part qui lui revient, laquelle constituera la masse successorale à partager entre ses héritiers, dont le veuf fait aussi partie en tant qu’héritier de la deuxième catégorie. Dans le jargon juridique, le terme « de cujus » repris dans la disposition légale ci-dessous signifie tout simplement défunt.

Article 758 :

« a) Les enfants du de cujus nés dans le mariage et ceux nés hors mariage mais affiliés de son vivant, ainsi que les enfants qu'il a adoptés, forment la première catégorie des héritiers de la succession.

Si les enfants ou l'un des enfants du de cujus sont morts avant lui et qu'ils ont laissé des descendants, ils sont représentés par ces derniers dans la succession.

b) Le conjoint survivant, les père et mère, les frères et sœurs germains ou consanguins ou utérins forment la deuxième catégorie des héritiers de la succession et constituent trois groupes distincts.

Lorsque les père et mère du de cujus ou l'un d'eux sont décédés avant lui mais que leurs père et mère ou l'un d'eux sont encore en vie, ceux-ci viennent à la succession en leurs lieu et place.

Lorsque les frères et sœurs du de cujus ou l'un d'eux sont décédés avant lui mais qu'ils ont laissé des descendants, ils sont représentés par ceux-ci dans la succession.

c) Les ondes et les tantes paternels ou maternels constituent la troisième catégorie des héritiers de la succession. Lorsque les ondes et tantes paternels ou maternels du de cujus ou l'un d'eux sont décédés avant lui mais qu'ils ont laissé des descendants, ils sont représentés par ceux-ci dans la succession. »

Conclusion

En publiant son code de la famille, le Congo avait réalisé une véritable révolution en matière du statut de la femme dans la société et était même en avance sur bon nombre de pays dans le monde.

Cet instrument, malgré sa haute portée sociale et politique, est malheureusement peu ou pas connu par les intéressés, peu ou très mal appliqué quand arrive le moment de l’utiliser pour apporter des solutions en cas de divorce et/ou du décès de l’un des époux. Les quelques exemples que nous avons donnés ci-dessus le confirment.

Le centre d’intérêt d’une grande majorité de Congolaises instruites semble être ailleurs. En effet, à la faveur de la mondialisation et depuis quelques années, on entend plus souvent une certaine catégorie de femmes congolaises tenir un discours tendant à revendiquer une représentativité plus significative de la femme dans les institutions politiques.

Depuis l’invasion de l’Est du pays par des forces négatives nationales et étrangères, l’attention est aussi focalisée sur les crimes sexuels, utilisés comme armes de guerre, rien sur le sort matrimonial de ces femmes abandonnées à elles-mêmes.

C’est comme s’il suffirait que la femme congolaise soit bien représentée dans les mangeoires politiques ou que la paix soit restaurée sur toute l’étendue de la République pour que nos mères, nos filles et nos sœurs se sentent protégées dans leurs droits fondamentaux.
On pourrait s’en douter, dans certaines vieilles démocraties occidentales les femmes continuent de se battre jusqu’à ce jour pour obtenir l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes de même qualification, débat déjà oublié au Congo depuis plusieurs années.
En politique, par exemple, dès 1966, la femme congolaise faisait déjà son entrée dans le gouvernement, bien longtemps avant ses semblables de la plupart des pays africains, asiatiques ou sud-américains. En occident où nous vivons, les femmes ne se précipitent pas aux portes des institutions et celles qui y sont, ne représentent pas toujours 30% de leurs collègues masculins.

L’intérêt des femmes congolaises devrait être prioritairement recentré sur la meilleure connaissance du code de la famille, précieux instrument juridique qui permet de sauvegarder les droits et les intérêts de la majorité ignorante, peu ou pas du tout instruite.

Les femmes et tous les hommes de bonne volonté devraient s’approprier ce précieux instrument, perfectible certes, pour reprendre et achever sa promotion et sa vulgarisation.

Car c’est tous les jours et dans toutes les couches de la population que nos mamans, nos tantes, nos sœurs, nos cousines et nos filles deviennent divorcées ou veuves sans que le code de la famille ne soit d’aucun concours pour elles-mêmes et pour leurs enfants, qui vont gonfler les rues en exacerbant l’insécurité et en troublant davantage l’ordre public.

Ce ne sont donc pas des lois qui manquent, mais leur vulgarisation et leur application, le code de la famille en est une parfaite illustration. Pour une meilleure protection des droits de la femme, nous suggérons que désormais l’officier de l’état civil délivre deux originaux de l’acte de mariage; un pour le couple et l’autre à remettre à la famille de la femme pour prévenir des cas de rétention de la part des maris mal intentionnés, comme c’est souvent le cas.

À l’occasion de la célébration de la Journée internationale de la Femme le 8 mars de chaque année, nous disons à toutes les mamans Congolaises instruites de se lever et de s’approprier, diffuser et vulgariser dans nos langues le Code de la Famille et d’en faire leur arme afin de faire respecter leurs droits dans les situations décrites ci-dessus.

Vive la femme congolaise! Vive la Journée internationale de la Femme.

 

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