En 2008, l’Association des Anciens Etudiants de l’Université Lovanium-Unaza-Unikin, en abrégé ALMA, a publié chez l’Harmattan un ouvrage intitulé : « POUR UN CHANGEMENT DE LEADERSHIP EN RDCONGO. Stratégie et mode opératoire de la nouvelle gouvernance ». Quelques années plus tard, elle est revenue à la charge à travers une nouvelle réflexion (actuellement sous presse), qui est en fait un approfondissement de la précédente, dont le titre est : « RDCONGO : OBJECTIF 2035 ! Préalables pour une véritable émergence en…20 ans ! ». Dans cet article, Modeste MBONIGABA, Président Exécutif de l’ALMA, livre ce qu’il considère comme un condensé de ces deux réflexions avec un titre qui est en soi tout un programme : « CHANGER LE CONGOLAIS POUR CHANGER LE CONGO » Cet article est précédé du célèbre poème de l’Allemand Berthold BRECHT relatif à l’analphabétisme en politique que ce dernier considère, à juste titre, comme le mal absolu.
La figure 1 ci-dessus met en évidence une mauvaise répartition des responsabilités citoyennes qui «encouragerait», entre autres, l’achat des consciences lors des consultations électorales ou référendaires.
D’après plusieurs recoupements, ils sont en effet 18 millions d’électeurs (soit 50 % du total) au niveau provincial et …27 millions (soit…75 % du total !) au niveau national ceux qui, ignorant totalement la valeur de leur voix, pourraient facilement la brader contre une bouteille de bière, un teeshirt, une casquette ou un petit billet !!! Disons tout de suite que ces derniers ne sont pas les seuls à se prêter à ce jeu malsain, mais leur poids démographique est tel qu’ils ne peuvent que tirer vers le bas le reste de l’électorat.
Afin de mettre définitivement fin à cette vilaine pratique, nous croyons avoir trouvé la «formule magique» (?) pour créer, à partir de ce qui existe, une nouvelle réalité politique susceptible de secréter un nouveau type de Congolais ! Il s’agit en fait d’appliquer à un domaine nouveau une «vieille» formule qui est à la base de la prospérité économique et sociale de l’Occident depuis plusieurs générations. La division du travail, principe cher à Frederick W. Taylor (père de l’organisation scientifique du travail), est en effet ce «sésame» qui ouvrirait sur un monde complétement nouveau s’il était appliqué, chez nous, dans le domaine politique ! Car, autant la division du travail (et la spécialisation qui en découle) est en effet, au cœur de la prospérité économique et sociale de l’Occident depuis plus d’un siècle, autant la «division-du-travail-citoyen» est cette innovation politique qui déclencherait, en Afrique et ailleurs, une véritable révolution de gouvernance et d’éthique dans la sphère étatique.
Comme l’illustre la figure 2 ci-dessous, le principal mérite de cette formule réside dans le fait que, tout en prenant en compte la capacité réelle de chaque citoyen-électeur, elle n’exclut personne de l’échiquier politique, bien au contraire ! Tous les 36 millions d’électeurs (estimation de 2013) sont toujours des acteurs à part entière. Seulement, cette formule prend soin de placer l’«électeur qu’il faut à l’élection qu’il faut».
C’est le célèbre futurologue nord-américain Alvin TOFFLER qui, (dans « Les nouveaux pouvoirs », Fayard, Paris, 1991), donne un schéma correspondant à cette nouvelle vision du monde bâtie sur la division du travail, même en politique ! A la base de la pyramide il y aurait, selon lui, les «Localistes» (ou ceux qui, compte tenu de leur conscience politique du moment, ne pourraient donner le meilleur de leur citoyenneté qu’au niveau local) ; au deuxième étage il y aurait les «Provincialistes» (ou ceux qui ne peuvent être performants que jusqu’au niveau de la Province ou de l’Etat fédéré) et, au troisième étage, il y aurait les «Nationalistes» (ou ceux dont la conscience politique permet d’avoir une parfaite maîtrise des enjeux nationaux et internationaux). Il prévoit même la place des «Continentalistes» et des «Mondialistes».
Selon cette logique, la situation idéale est celle où, dans un pays donné, tous les citoyens seraient à la fois «Localistes», «Provincialistes», «Nationalistes», «Continentalistes» et «Mondialistes» !
C’est ici l’occasion de dire un mot sur l’état de ce que nous appelons la «démocratie participative» dans deux pays emblématiques (la France et les Etats Unis d’Amérique) considérés par la plupart d’entre nous, à tort ou à raison, comme des modèles à copier en matière de démocratie. D’abord la France, grande puissance et grande démocratie dont l’influence dans le monde est indéniable mais où, lors des dernières élections européennes, par exemple, 60 % des électeurs ont préféré… rester à la maison ! Or, la construction de l’Europe est un enjeu tellement important qu’il devrait mobiliser tout le monde et pas seulement ceux qui (comme l’extrême droite en France et au Royaume Uni) veulent plutôt, pour une large part, le démantèlement de l’Union Européenne !
D’après nous, même un pays comme la France devrait s’appliquer cette formule de la «division-du-travail-citoyen» ! Ainsi, pour les élections «législatives, présidentielles et européennes», seuls ceux des Français capables de saisir le véritable rôle d’une «France-actrice-de-premier-plan» tant dans la construction européenne que dans la conduite des affaires du monde d’aujourd’hui, seraient appelés à choisir les politiques et les dirigeants ayant effectivement une perception claire des enjeux nationaux, européens et mondiaux.
Pour les Etats Unis d’Amérique, première puissance mondiale dans de nombreux domaines et porte étendard de la démocratie dans le monde occidental, la proportion des citoyens appelés à se prononcer sur les politiques et les dirigeants au niveau national serait forcément encore plus réduite du fait que, non seulement le Président des Etats Unis mais aussi chaque membre du Congrès (Sénateur et Député) devrait être un homme ou une femme capable de répondre certes aux attentes de ses électeurs du Nebraska, du Mississipi ou du Texas mais aussi (du moins pour le Député ou le Sénateur) à même de comprendre parfaitement le rôle central de son pays dans le monde d’aujourd’hui ! Du coup, le profil du citoyen-électeur (homme ou femme) appelé à faire son choix à ce niveau de responsabilité devrait être plus relevé.
Traduite en chiffres, cette nouvelle réalité politique donnerait les configurations suivantes au plan électoral en RD Congo, en France et aux Etats Unis d’Amérique. Mais, d’abord, ce constat intéressant : dans tous les pays du monde, quel que soit le niveau de développement ou d’instruction des uns et des autres, il y a comme une parfaite égalité en ce qui concerne l’aptitude à bien élire au niveau local. En France, en Belgique, aux Etats Unis d’Amérique, en RD Congo ou partout ailleurs en effet, tous les Citoyens-électeurs sont pour ainsi dire les «bienvenus» au niveau local. Aucun citoyen, dans l’hémisphère Nord comme dans l’hémisphère Sud, à l’Est comme à l’Ouest, ne peut être incapable de saisir les réalités de sa Commune, de sa Collectivité ou de son Canton pour ne pas pouvoir choisir avec toute la rigueur nécessaire les hommes et les femmes à la hauteur du mandat à accomplir. C’est à partir du niveau «provincial» ou de l’Etat fédéré, que les écarts apparaissent comme l’illustrent les trois cas suivants :
1) pour la RD Congo : 100% du corps électoral voteraient avec toute la rigueur nécessaire au niveau local ; à peine 50 % au niveau provincial et seulement 25 % au niveau national !
2) pour la France : 100 % du corps électoral seraient présents au niveau local (là où il est actuellement question de faire voter les immigrés !) ; 85 à 90 % au niveau des Régions et seulement 65 à 75 % au niveau national et européen !
3) pour les Etats Unis d’Amérique : 100 % au niveau local ; 90 à 95 % au niveau des Etats fédérés et seulement 50 à 60 % au niveau national (c’est-à-dire pour la présidentielle et les législatives nationales) !
Avant de nous étendre sur les innombrables avantages offerts par ce système «révolutionnaire», un petit détour par l’organisation politique de la Chine continentale s’impose.
Voilà en effet un pays (la Chine) qui refuse obstinément de s’inscrire dans la logique de la démocratie «à l’occidentale» mais dont l’organisation politique, sous de nombreux aspects, suscite beaucoup d’envieux, surtout en Afrique : changement des équipes dirigeantes au sommet de l’Etat réglé comme une horloge (tous les dix ans !), combat implacable contre la corruption et l’impunité, organisation étatique aussi performante que celle des «grandes démocraties occidentales»… On est tenté de se poser la question suivante : comment font-ils pour être aussi performants alors qu’ils refusent la démocratie «à l’occidentale» qu’on nous présente pourtant, nous Africains, comme une panacée ? D’après R. LEVY (dans Trois Chinois, Centre d’Etudes de Politique Etrangère, Caen, 1961), la réponse est probablement dans cette conception en trois paliers de la société chinoise décrite déjà par… Sun Yat-sen, premier Président de la première République de Chine qui, en 1911, disait que les hommes peuvent, selon leur intelligence et leurs connaissances, être répartis en trois catégories : les prévoyants (ou ceux qui créent, ceux qui conçoivent, ceux qui inventent), les post-voyants (ou ceux qui comprennent tout de suite le bien-fondé des orientations et décisions arrêtées en haut lieu et qui aident ainsi à les faire exécuter) et les «non-voyants» (ou ceux à qui il ne faut pas demander de saisir la portée générale des grandes orientations mais qui, moyennant une pédagogie appropriée, arrivent à percevoir la portée pratique de celles-ci). Au-delà de toute connotation péjorative que pourrait revêtir l’un ou l’autre mot, le choix des dirigeants chinois au plus haut niveau par un très petit nombre de personnes semble obéir à cette vision de la société chinoise telle qu’elle est aujourd’hui.
La voie que nous proposons ici se situerait ainsi à mi-chemin entre la démocratie «à l’occidentale», dite démocratie de masse, et cette autre forme d’organisation politique, pratiquée par la Chine, qui s’appuie, elle, sur les réalités concrètes de la société chinoise.
On voit tout de suite l’énorme intérêt qu’une telle approche susciterait par rapport au débat, actuellement en cours ici en RD Congo, sur le mode de scrutin le mieux adapté aux exigences d’une véritable démocratie participative.
C’est après avoir opéré une telle division du travail entre les citoyens congolais que tous les défis – jusqu’ici, à première vue, hors de portée – deviendraient tout à coup parfaitement maitrisables.
En effet, avec des citoyens on ne peut plus exigeants – tant au niveau local, provincial que national – ce serait la fin de l’analphabétisme politique à tous les niveaux de gouvernance et dans tous les domaines de la vie nationale. Il deviendrait, pour ainsi dire, quasiment impossible de tolérer la moindre complaisance dans aucun des domaines de la vie publique. A commencer par notre résignation actuelle face à la survivance de cette monstruosité – dont même Karl Marx n’avait pu prévoir l’apparition – qu’est la bourgeoisie de la Fonction Publique, appelée par certains : «bourgeoisie compradore» ! A partir du moment où le sommet et certains segments de la Fonction Publique cesseraient d’être une source d’enrichissement rapide et indue, tout redeviendrait pour ainsi dire…«normal», c’est-à-dire pareil qu’en Suède, au Royaume Uni, au Pays Bas ou partout ailleurs dans le monde où l’argent public est… «sacré»!
Le nouvel Etat voulu et recherché par cette nouvelle «race» de Citoyens serait désormais un «Etat-savant» (c’est-à-dire détenteur d’une connaissance et d’une intelligence supérieures non seulement aux niveaux local, provincial et national mais aussi dans tous les secteurs de la vie nationale) ; un «Etat-stratège» (c’est-à-dire capable de prévoir et souvent d’anticiper sur des évolutions probables et vraisemblables)…bref, un «Etat-manager-du-destin-collectif» (c’est-à-dire à même de créer les conditions optimales pour assurer le plein épanouissement de tous les citoyens).
Afin de mesurer l’efficacité des Etats africains subsahariens en matière de bonne gouvernance, la «Fondation Mo Ibrahim» a mis sur pied un «modèle sophistiqué» d’évaluation comprenant cinq grands domaines et cinquante-sept critères d’appréciation. Ces cinq domaines sont :1) la Sécurité, 2) la Transparence, 3) la gestion des opportunités, 4) les droits de l’homme et 5) le développement). Avec cette nouvelle race de Citoyens, la Fondation Mo Ibrahim risque de se retrouver au chômage dans les pays qui appliqueraient cette formule du fait que, dans ces cinq domaines d’évaluation, ces derniers se classeraient premiers quasi automatiquement !
Grâce à cette division du travail citoyen et la répartition proportionnelle des responsabilités qu’elle entraîne, le tribalisme, la préférence ethnique ou régionale cesserait de servir de tremplin pour la conquête, la consolidation ou la conservation du pouvoir suprême dès lors que, du niveau local au niveau national, les acteurs ne seraient plus que ces seuls citoyens jaloux de leur citoyenneté et donc prêts à sanctionner avec la plus extrême sévérité tout gouvernant (sans exception !) qui se rendrait coupable d’un quelconque manquement aux règles établies.
S’agissant de la gestion des finances publiques, le défi serait de tout mettre en œuvre pour que chaque centime revenant à l’Etat tombe effectivement dans ses caisses et n’en sorte que pour régler ses vraies créances.
En installant une organisation étatique aussi efficace, il apparaîtrait tout de suite comme une évidence la nécessité d’attirer ou de garder sur notre sol ceux et celles qui, d’une manière ou d’une autre, apportent un PLUS dans la réalisation de notre légitime ambition de grandeur. C’est dans cet esprit que la question de la nationalité pourrait, comme partout ailleurs dans le monde, être utilement abordée.
Demander à chaque citoyen de ne donner que ce que ses aptitudes citoyennes lui permettent d’offrir, c’est revenir véritablement aux fondamentaux de la démocratie qui sont synonymes de participation EFFECTIVE et non de simple figuration. Ainsi, les droits fondamentaux de la personne humaine cesseraient d’être perçus par beaucoup de gens comme juste une «belle abstraction» pour devenir enfin des «droits sacrés» et respectés comme tels parce qu’en fait, ils représenteraient la contrepartie d’un certain nombre de devoirs.
Le droit de vote, par exemple, serait désormais impérativement couplé avec le devoir de bien élire. Le voilà le cœur de tout le dispositif de démocratisation en Afrique : il faut coupler le droit de vote, reconnu à tous, au devoir de bien élire attendu de chacun. C’est là, à nos yeux, la seule manière de répondre adéquatement à ce que nous appelons la «médiocratie», c’est-à-dire ce curieux mélange de deux contraires : d’un côté, la démocratie pourtant, par essence, synonyme d’excellence et, de l’autre, la médiocrité ou le règne du peu, du minimum, de l’approximatif… du médiocre. C’est ce mélange contre-nature entre l’excellence et la médiocrité qui, aujourd’hui en Afrique, tient lieu de démocratie !
On imagine à peine les multiples gains non seulement politiques (possibilité d’organiser tous les scrutins en une seule journée !) mais aussi financiers (économies substantielles à tous les niveaux du processus électoral) que cette réforme permettrait de réaliser. Avoir en effet la possibilité de bien organiser tous les scrutins en une seule journée, c’est mettre définitivement fin au risque, souvent évoqué aujourd’hui, de ne pas réunir les fonds nécessaires pour ce faire. Quant à l’ajustement de l’électorat en fonction des aptitudes citoyennes des uns et des autres, il permettrait d’économiser, aux niveaux national et provincial, respectivement, 75% et 50% de bulletins de vote ! Bref, non seulement des économies colossales seraient réalisées en un tour de main, mais aussi et surtout, on s’engagerait enfin dans la voie royale de la véritable démocratie participative.
Les conditions seraient ainsi réunies pour que les jeunes prennent enfin toute leur place sur l’échiquier politique et pour que les femmes brillantes soient en situation de briller de leurs mille feux !
Cette nouvelle organisation permettrait de vite comprendre, comme l’a rappelé il y a quelques années Mgr Tharcisse TSHIBANGU dans l’une de ses lettres pastorales que, dans leur écrasante majorité, les Congolais sont (comme les Américains, les Allemands, les Brésiliens et tous ceux qui se trouvent dans la même situation) à la fois Unitaristes et Fédéralistes, mais pas du tout adeptes d’un centralisme suranné ! L’opposition n’est donc pas à placer entre Unitaristes et Fédéralistes mais plutôt entre Unitaristes/Fédéralistes, d’un côté et Centralistes, de l’autre ! Cette clarification rendrait encore plus évidente la nécessité de mettre immédiatement en place une organisation politique et spatiale de type fédéral car, c’est avec une telle organisation de l’espace territorial, qu’un développement fulgurant et centré sur l’homme pourrait enfin se réaliser sur le sol congolais.
En ce qui concerne le financement de ce développement, il se produirait un véritable renversement de tendance : au lieu d’aller quémander, à des conditions parfois humiliantes, des partenariats au développement, comme c’est le cas aujourd’hui, c’est nous qui serions désormais en position de trier entre les différentes offres de partenariat qui se bousculeraient au portillon de la «maison Congo».
Mais une telle évolution ne serait totalement réussie que si l’intégration régionale, s’inscrivant dans la perspective de constituer de grands blocs régionaux véritablement homogènes et consistants, devenait enfin une réalité. Or, à nos yeux, seule une telle organisation serait en mesure de pouvoir garantir, de façon heureuse, l’insertion à la fois sous régionale, régionale, continentale et mondiale de la RD Congo. D’aucuns ne disent-ils pas en effet que trente-cinq Etats du continent (sur les cinquante- quatre que compte l’Afrique) seraient directement affectés, en bien ou en mal, par ce qui se passe au Congo Kinshasa ?
PILIERS POUR BATIR UN NOUVEAU CONGO
C’est après s’être imposé cette discipline de fer au plan interne que notre pays n’aurait aucune peine à mobiliser, dans les conditions d’aujourd’hui, au minimum vingt milliards de dollars américains chaque année, au titre des ressources propres et de l’aide publique au développement, et au moins dix milliards de dollars USD – au titre des investissements privés – pour créer des richesses considérables et des centaines de milliers d’emplois.
Avec son énorme potentiel de croissance actuel, notre pays est en effet capable d’afficher pendant deux à trois décennies, un taux de croissance à deux chiffres, au point de pouvoir doubler son PIB (Produit Intérieur Brut) tous les cinq ans ! Concrètement, cela revient à dire que si notre PIB était officiellement de 18 milliards USD en 2013, il devrait passer, en valeur constante, à…288 milliards USD après vingt ans ! Voilà l’ambition que nous devons avoir pour le Congo de 2035 ! Et nous ne serions pas les premiers parce que, dans les années 80 et 90, les «quatre dragons» d’Asie (Hong Kong, Singapour, Taiwan et Corée du Sud) mais aussi la Chine des années 80, 90 et du début des années 2000, ont réalisé des taux de croissance de cet ordre.
Il va de soi que, dans le contexte actuel où les données statistiques officielles au Congo Kinshasa ne reflètent pas toujours la réalité économique exacte, on ne peut avancer que des ordres de grandeur en ce qui concerne «la budgétisation» des actions gouvernementales considérées comme prioritaires. La révolution de gouvernance et d’éthique dans la sphère étatique, provoquée par les réformes structurantes ci-dessus esquissées, nous ferait découvrir un Congo complètement nouveau, dont le redressement reposerait sur les seize piliers suivants :
1) Un système éducatif et de recherche entièrement repensé et doté d’au moins cinq milliards USD pour l’éducation et au moins un milliard USD pour «ressusciter la recherche scientifique» ; 2) un plan décennal de vingt milliards USD pour construire 3.000 km de routes bitumées par an ; 3) un plan décennal de vingt milliards USD pour mettre en place un réseau de centrales hydroélectriques couvrant l’ensemble du territoire national ; 4) un plan décennal de vingt milliards USD pour la mise sur pied d’un réseau de chemins de fer entièrement alimenté par l’énergie hydroélectrique ; 5) réhabiliter et moderniser l’infrastructure sanitaire avec un minimum annuel de un milliard USD ; 6) monter, en dix ans, l’Armée la plus intelligente et la plus professionnelle du continent avec au moins un budget annuel d’un milliard USD ; 7) asseoir une magistrature digne d’un Etat de droit coûtera annuellement pas moins de six cents (600) millions USD ; 8) une police performante dans ses différentes composantes et correctement équipée a besoin d’au moins six cents (600) millions USD par an ; 9) «une territoriale de développement» c’est une territoriale de proximité, (maitrisant effectivement l’espace national), qui a besoin d’au moins quatre cents (400) millions USD par an ; 10) de l’eau potable pour tous en moins de dix ans requiert un investissement annuel d’au moins quatre cents (400) millions USD ; 11) faire du Congo une véritable puissance agricole d’ici à dix ans est tout à fait possible pour peu que le gouvernement accompagne les investisseurs privés et les paysans avec un minimum annuel de quatre cents (400) millions USD ; 12) une politique de l’habitat fondée sur les technologies les plus performantes en la matière requiert chaque année au moins quatre cents (400) millions USD ; 13) une diplomatie de développement fondée sur le recrutement d’un personnel diplomatique à la hauteur de la nouvelle donne coûtera annuellement au moins trois cents (300) millions USD ; 14) destination touristique potentielle de premier choix, la RDC peut devenir une grande attraction pour le reste du monde en investissant annuellement au moins trois cents (300) millions USD ; 15) implanter des bibliothèques de proximité, promouvoir le cinéma et le théâtre, généraliser l’audio- visuel et banaliser l’internet sont autant de puissants moyens pour construire et consolider la cohésion nationale dont le coût annuel en investissement ne peut être inférieur à trois cents (300) millions USD ; 16) valoriser et développer le sport à l’ère du «sport business» est un investissement hautement rentable dont la mise minimum annuelle doit être de trois cents (300) millions USD.
Au total, sur un budget annuel de vingt milliards USD, il resterait encore, après cette répartition, une enveloppe de deux (2) milliards USD pour les autres actions non expressément reprises ici comme, par exemple, la «fédéralisation» progressive du pays.
UN NOUVEAU CONGO VOIT LE JOUR
Décider de réaliser ces réformes structurantes destinées à opérer une révolution de gouvernance et d’éthique dans la sphère étatique, c’est se donner les moyens d’atteindre, très rapidement, le seuil de la «bonne gouvernance globale» ; une bonne gouvernance qui toucherait enfin l’ensemble du pays, de la base au sommet et ce, dans tous les secteurs de la vie nationale. La clé qui ouvre sur un développement fulgurant est en effet là, c’est-à-dire dans la tête de chaque Congolais qui doit désormais abandonner la mentalité actuelle d’«Eternel Assisté» pour celle de véritable acteur de son propre développement. La mentalité du développement est ce que J.P. KAYA (dans la «Théorie de la révolution africaine») appelle la mentalité pharaonique : celle de bâtisseur, d’entrepreneur et de conquérant !
La mentalité de bâtisseur est celle qui, de tout temps, a servi de moteur aussi bien aux constructeurs des pyramides en Egypte qu’aux bâtisseurs de la Grande Muraille de Chine ; à ceux qui ont édifié des Cathédrales, des ponts et autres ouvrages grandioses en Europe de la renaissance sans oublier ces ouvriers, architectes et ingénieurs qui ont construit le «nouveau monde»… La mentalité d’entrepreneur est celle qui a toujours caractérisé par exemple le comportement de l’Américain avec le fameux «american way of life». Dans ce pays, l’’esprit d’entreprise est cet atout-maître qui permet à tout un chacun d’atteindre des sommets dans le domaine où il excelle, à partir de presque rien. C’est le cas de Bill GATES avec Microsoft, Steve JOBS avec Apple, Larry PAGE avec Google ou Mark ZUCKERBERG avec Facebook pour ne citer que les contemporains. Ils sont, pour ainsi dire, les portes étendards de cet esprit d’entreprise qui, de tout temps, a fait la force de l’Amérique. Quant à la mentalité de conquérant, elle est aujourd’hui incarnée par des peuples aussi divers que les Chinois, les Américains, les Japonais, les Indiens, les Allemands… mais partageant en commun la même conviction selon laquelle, dans ce monde en perpétuelle mutation, il n’y a point de « frontière» (physique ou scientifique) qui soit …infranchissable !
Avec, dans la tête de chaque Congolais, cette mentalité de bâtisseur, d’entrepreneur et de conquérant, le Congo changerait littéralement de visage. Il serait, dans un premier temps, (re) conquis par ses filles et fils (qui, depuis le 30 juin 1960, ne l’ont pas encore fait !) avant d’être (re) aménagé, (re) structuré et enfin bâti comme les autres peuples cités ci-haut l’ont fait avant lui. Ce faisant, le pays deviendrait véritablement un pôle de très forte croissance, capable d’attirer irrésistiblement non seulement les «meilleurs» partenaires bilatéraux et multilatéraux mais aussi les «meilleurs» investisseurs privés. Classé parmi les plus performants non seulement par «Doing business» pour le climat des affaires, «Transparency International» pour la lutte contre la corruption, le PNUD pour l’Indice du Développement Humain, la «Fondation Mo Ibrahim» pour la bonne gouvernance en général mais aussi par «Amnesty International» pour la protection des droits de l’homme, «Greenpeace» pour la protection de l’environnement, et toutes les autres «agences de notation» des performances dans différents domaines…,notre pays deviendrait un véritable Eldorado dans tous les sens du terme.
Ainsi donc, avec, sur dix ans, un minimum de deux cents (200) milliards USD de ressources publiques et au moins cent (100) milliards USD d’investissements privés, le Congo pourrait créer des richesses considérables et résorber, de façon substantielle, le chômage de masse qui sévit actuellement. C’est à ces conditions minimales que l’émergence pourrait, à notre humble avis, être au rendez-vous, peut- être même avant 2035 !
Car, en fin de compte, le seul «renforcement des capacités» susceptible de changer durablement la face du Congo est celui qui partirait de la base, du «petit peuple» aujourd’hui manipulé, trompé,…clochardisé. En changeant, de fond en comble, le comportement de chaque Citoyen à la base (c’est-à-dire celui qui est le moins bien outillé, le moins bien armé à ce jour) pour lui permettre d’exercer, avec le maximum de rigueur, son rôle de «Citoyen-Gendarme», la réforme proposée ici attaque à son cœur la problématique de l’auto-prise en charge du peuple, condition sans laquelle il n’y a pas d’AUTODETERMINATION digne de ce nom. Une autodétermination synonyme de combat permanent contre tous les «ennemis» internes et externes qui entretiennent et consolident le sous-développement. Situés en interne à trois niveaux (local, provincial et national), ces «ennemis» devraient être attaqués de façon méthodique en plaçant, au niveau national, l’«Armée des Citoyens» les mieux aguerris parce que c’est le front le plus difficile (le front où doivent être résolus les problèmes qui concernent le pays pris dans sa totalité mais aussi les questions relatives à notre insertion dans le monde d’aujourd’hui), tandis que le gros de la troupe se placerait, tel un rempart, en dernière ligne c’est-à-dire au niveau local.
C’est donc avec une « Armée de 36 millions de bâtisseurs, d’entrepreneurs et de conquérants» que les Communes rurales et urbaines seraient «prises d’assaut» pour être construites selon les normes modernes en matière d’habitat ; c’est à une « Armée de 18 millions de bâtisseurs, d’entrepreneurs et de conquérants» qu’incomberait la responsabilité première de déjouer tous les pièges qui se dressent actuellement sur leur parcours pour édifier les vingt-cinq futurs Etats fédérés et la Ville-Province de Kinshasa ; c’est avec une «Armée de 9 millions de bâtisseurs, d’entrepreneurs et de conquérants» au niveau national qu’il faudrait engager la bataille décisive pour construire une véritable nation et placer le Congo à la place qui est véritablement la sienne au niveau sous régional, continental et mondial.
La «division-du-travail-citoyen» est, d’après nous, la seule façon d’organiser efficacement les Citoyens en interne pour qu’ensuite le Congo puisse jouer pleinement son rôle dans ce monde de plus en plus impitoyable envers les Etats faibles.
CONCLUSION
Alors qu’au départ, il était seulement question de changer l’homme congolais pour changer le Congo, nous voici, à l’arrivée, en position de transformer non seulement notre pays et les trente-cinq autres Etats africains se trouvant sur «son orbite», mais aussi beaucoup d’autres nations de par le monde.
En effet, l’onde de choc positive provenant de Kinshasa pourrait atteindre à la fois toutes les «jeunes démocraties» actuellement piégées par la tribu ou l’ethnie (c’est le cas notamment du Rwanda, du Burundi…), par la géographie et/ou la religion (Nigéria, RCA…), par la géographie et la tribu (Côte d’Ivoire, Tchad, Congo Brazza, Togo… ), par la tribu, la langue et la géographie ( comme la RD Congo et quelques autres) mais aussi, au-delà de l’Afrique noire, des pays d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen Orient, actuellement en proie à des guerres non pas de religion (parce qu’ils appartiennent presque tous à la même religion !) mais de…confession ! Les guerres qui déchirent ces derniers pays opposent en effet ceux qui prônent un islamisme radical et intolérant à ceux qui acceptent que l’islam, comme les autres religions monothéistes, puisse pacifiquement cohabiter avec tous ceux qui se disent «enfants de Dieu».
En plaçant la citoyenneté au-dessus de toutes les autres appartenances, au-dessus de tous les «communautarismes», la «division-du-travail-citoyen» permet de mettre fin à toutes ces guerres ouvertes ou larvées auxquelles nous assistons aujourd’hui, presque impuissants, aux quatre coins du globe.
En appliquant cette formule, même ces grandes démocraties du monde que sont la France et les Etats Unis d’Amérique gagneraient énormément à réduire à sa plus simple expression un phénomène qui gangrène aujourd’hui les démocraties occidentales, à savoir : l’abstentionnisme.
Alors, sans prétention aucune mais aussi sans fausse modestie, changer le Congolais, serait-ce non seulement changer le Congo mais aussi changer l’Afrique et… le monde ? Serait-on tenté de s’interroger en guise de conclusion !
RECOMMANDATION
Pour mettre fin à l’exploitation politique de l’ignorance des enjeux, constatée depuis 1960 dans le chef des gouvernants et des gouvernés congolais, sommes-nous prêts, en tant que membres de l’ALMA, à opérer ou à faire opérer «la révolution de l’intelligence» (proposée depuis la CNS par un de nos membres fondateurs feu le Professeur Félix MALU Wa KALENGA) en adoptant le principe de «la-division-du-travail-citoyen» comme base de l’organisation politique, sociale et institutionnelle de notre pays ? Nous devons en effet, avant de nous tourner vers nos concitoyens « Anciens » de l’Université de LUBUMBASHI, de KISANGANI, de LOUVAIN ou d’ailleurs, chercher d’abord à obtenir l’adhésion de nos membres. Car, pour changer en profondeur la société congolaise, c’est toute l’intelligentsia congolaise qui est interpellée.
Kinshasa, le 28 février 2015
(Par Mbonigaba Modeste, chercheur et président de l’Association des anciens étudiants de l’ex-Lovanium)