La barbarie de Lodja : l’une des victimes acheminée à Kinshasa

Lundi 20 octobre 2014 - 11:37

C’est une barbarie digne de l’époque de la pierre taillée qui a été perpétrée il y a huit jours à Lodja, dans le district du Sankuru, province du Kasaï Oriental.  Des individus se présentant comme des sociétaires de la Majorité présidentielle ont agressé des prêtres et sœurs religieuses en utilisant des armes blanches, des coups de poings et autres instruments susceptibles de faire mal.

L’une des victimes de la  barbarie, la sœur Hélène Komba du couvent des sœurs de Saint François d’Assise de Lodja, a pu être évacuée dans la journée de vendredi  17 octobre 2014 sur Kinshasa pour des soins appropriés.  C’est par un vol Monusco que la révérende sœur a quitté le chef-lieu du district du Sankuru où des fidèles consternés n’acceptent pas du tout qu’on attaque leurs pasteurs pendant que sur le même sujet de la révision constitutionnelle, des pasteurs des églises dites  du réveil ne sont pas inquiétés. Et pourtant, ils mènent ouvertement campagne en faveur de la révision des articles verrouillés de la Constitution.  Une fidèle catholique, Mme Omeonga, qui nous a joint depuis Lodja, pose la question de savoir à qui il faut attribuer la faute si la population refuse de suivre les révisionnistes et s’affiche très nombreuse pour écouter religieusement les anti-révisionnistes ? Et d’ajouter : ceux qui parlent de s’en remettre au souverain primaire devraient faire l’effort de savoir ce que celui-ci pense réellement. Sinon ils auront un réveil douloureux. Les actes comme ceux posés à Lodja ont pour effet de radicaliser les positions, de convaincre la population qu’elle a en face d’elle des champions de la pensée unique et de l’exploitation du peuple.

La victime raconte son calvaire

Arrivée le vendredi après-midi à Kinshasa, la révérende sœur Hélène Komba a  raconté elle-même son calvaire.

            «Au cours de la messe dominicale célébrée en date du 12 octobre, le curé de la paroisse Sainte Thérèse de l’enfant Jésus, située à 6 kilomètres de la cité de Lodja, a lu la lettre des Evêques Catholiques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo(Cenco) qui s’adressaient non seulement aux fidèles de l’église Catholique mais aussi aux hommes et aux femmes de bonne volonté au sujet de toute tentative visant à réviser les articles verrouillés de la constitution du 18 février 2006 ».

             « Alors que j’étais en train de vendre de la friperie, j’ai aperçu soudain trois motos transportant 3 personnes qui se sont arrêtées devant moi. Visiblement en colère, ces hommes m’ont ordonnée d’ouvrir le portail. Face à mon refus d’obtempérer à leur ordre, ils se sont introduits brutalement dans l’enceinte de la concession et se sont dirigés vers le couvent où ils ont commencé à tout casser. Revenant ensuite vers moi, ils m’ont tabassée copieusement avant de repartir non sans avoir emporté la friperie que je vendais, mon téléphone portable ainsi qu’une somme de cinq mille cinq cents francs congolais ».

            Profondément traumatisée, s’attendant à tout moment au retour des « barbares » pour l’achever, la révérende sœur n’a pu souffler qu’à l’arrivée des chrétiens  alertés par l’agression  de l’abbé Pascal Djongelo dont une jambe a été brisée, et qui étaient descendus en catastrophe au couvent pour s’assurer que les sœurs étaient en sécurité. Ils sont bien sûr arrivés en retard,  mais cette arrivée a eu le mérite de sonner l’alerte générale à travers la cité de Lodja pour tous les chrétiens catholiques qui savent désormais que leur Eglise est l’objet d’un complot et qu’il va leur falloir s’unir plus que jamais pour la protéger. Cette protection concerne aussi les droits fondamentaux des citoyens dont les droits à l’intégrité physique, à la liberté de pensée et de parole.

            Comment peut-on convaincre les citoyens que la République se portera mieux avec la révision de la Constitution quand aujourd’hui, on menace et on blesse grièvement des compatriotes au simple motif qu’ils ont émis un point de vue différent ?  De tels comportements n’annoncent-ils pas l’avènement du goulag dans le pays à la faveur de la révision constitutionnelle ? Désormais, il ne suffira pas de répondre non pour convaincre. Car ce sont les actes posés sur le terrain qui parlent, qui envoient des signaux significatifs au peuple.

            En attendant, il y a lieu de rappeler que l’organisation « La Voix des Sans Voix » a mené sur les incidents de Lodja une enquête fouillée dont le contenu a été rendu public la semaine dernière. Dans le cadre de cette enquête, la VSV a retracé le film de l’horreur qui a failli endeuiller la famille chrétienne catholique de Lodja. Les noms des auteurs des forfaits commis contre les prêtres et les religieuses ont été cités.  Logiquement, le Parquet devrait déjà être sur le terrain pour mener des investigations et  établir les responsabilités.  Les échos en provenance de Lodja ne permettent pas de croire que le dossier ait pris cette direction. Jusques à quand faudra-t-il attendre

Yves Kadima

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