" J’engage le Gouvernement et les partis d’opposition à entamer un dialogue constructif en vue d’établir un consensus sur les principales questions qui se posent … notamment sur le financement des élections et l’établissement des listes électorales ", indique le Secrétaire général de l’ONU
Le rapport du Secrétaire général des Nations Unies est au centre des analyses. Sur le plan politique, un rapport que l’envoyé spécial du SG de l’ONU dans la région des Grands Lacs, Said Djinnit, avait eu à partager, primeur oblige, avec le chef de l’Etat Joseph Kabila il y a peu. Dans ce document, Ban Ki-moon se prononce en faveur d’un débat politique ouvert en RDC. Il s’agit, pour le cas d’espèce, d’un dialogue sur des questions électorales. Son représentant spécial, poursuit le patron de l’ONU, est prêt à user de ses bons offices pour rapprocher les points de vue.
Ban Ki-Moon se félicite de la publication d’un calendrier électoral détaillé et soutient que cet outil facilitera considérablement le bon déroulement du processus électoral et la tenue d’élections crédibles dans les délais fixés par la Constitution. C’est pourquoi, il invite les institutions nationales, les acteurs concernés et les partenaires à s’employer à organiser des élections rapidement et suivant des modalités acceptées par tous.
" J’engage donc le Gouvernement et les partis d’opposition à entamer un dialogue constructif en vue d’établir un consensus sur les principales questions qui se posent à cet égard, et notamment sur le financement des élections et l’établissement des listes électorales ", a-t-il indiqué.
S’agissant du retrait de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation au Congo, le SG rappelle au Gouvernement qu’il devrait engager un dialogue avec l’ONU en vue d’établir une stratégie de retrait progressif de la MONUSCO qui sera subordonnée à la réalisation d’objectifs de consolidation des acquis des 10 dernières années et de stabilisation du pays à long terme définis conjointement. "Pareil dialogue devrait être considéré comme une occasion de redéfinir et d’améliorer le partenariat entre l’ONU et le Gouvernement et devrait contribuer à faciliter le transfert des tâches de la MONUSCO au Gouvernement et à accélérer le retrait de la Mission, compte tenu de la responsabilité qui incombe au Conseil de sécurité en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité et des droits souverains et des responsabilités du Gouvernement de la République démocratique du Congo ", recommande-t-il.
Le rapport de Ban Ki-moon contient aussi de larges extraits sur les manifestations enregistrées à Kinshasa et dans certaines provinces de la RDC en janvier dernier. " Le peuple congolais a le droit de manifester pacifiquement et la violence est inacceptable ", martèle le Secrétaire général de l’ONU. Mais, insiste-t-il, " il incombe au Gouvernement d’autoriser et de garantir la liberté d’expression pacifique, les manifestants et leurs dirigeants étant pour leur part tenus de poursuivre leurs objectifs politiques sans recourir à la violence. Toute intervention des forces de sécurité doit rester proportionnée à la situation ", soutient-il, tout en priant le Gouvernement d’enquêter sur les violences qui ont été commises et de prendre des mesures juridiques ou disciplinaires à l’encontre des responsables.
Ban Ki-moon a également fait un tour d’horizon de la situation sécuritaire et humanitaire en RDC, en passant au peigne fin tous les cas signalés à travers les provinces de la RD Congo. Il félicite les FARDC pour les opérations de traque contre les FDLR et les autres groupes armés. La situation économique du pays fait aussi partie du rapport du Secrétaire général des Nations unies qui félicite le Gouvernement congolais pour les efforts fournis, surtout dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires.
Les progrès réalisés par la RDC dans la tenue des engagements pris au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région n’ont pas échappé à la vigilance de Ban Ki-Moon.
Comme à l’accoutumée, le rapport du Secrétaire général de l’ONU fera l’objet de toutes sortes d’analyses et de réactions, surtout au sein de la classe politique congolaise où chaque camp tentera d’interpréter ce rapport à sa manière, en tenant de tirer la couverture de son côté. C’est de bonne guerre en politique. Mais, il faudra tirer des leçons qui s’imposent pour rectifier le tir en cas de nécessité et, bien entendu, corriger ce qu’il faut corriger. M. M.
RAPPORT DU SECRETAIRE GENERAL SUR LA MISSION DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION EN RDC
I. Introduction
1. Le présent rapport, soumis en application du paragraphe 39 de la résolution 2147 (2014) du Conseil de sécurité, porte sur les principaux faits nouveaux survenus depuis mes rapports du 30 décembre 2014 (S/2014/956 et S/2014/957), notamment en ce qui concerne la tenue des engagements pris par le République démocratique du Congo dans l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région et les progrès accomplis par la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) dans l’exécution de son mandat.
II. Principaux faits nouveaux
A. Évolution de la situation politique
2. Une controverse concernant la révision de la loi électorale a marqué la session extraordinaire du Parlement qui s’est achevée le 26 janvier. Le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi électorale subordonnant la tenue des élections présidentielle et législatives de 2016 à une mise à jour des données démographiques qui découleraient d’un recensement de la population. Le dernier recensement a eu lieu en 1984.
L’opposition politique a interprété cette disposition comme une tentative de retarder les élections de 2016 et de permettre au Président Joseph Kabila Kabange de rester au pouvoir au-delà du second et dernier mandat que lui autorise la Constitution. Malgré le boycott des partis d’opposition, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi le 17 janvier. L’opposition politique a appelé à manifester pour protester contre l’adoption du texte.
3. Le 19 janvier, des protestations estudiantines et manifestations de rue ont éclaté dans plusieurs quartiers de Kinshasa et dans d’autres villes, notamment à Bukavu, Goma, Lubumbashi, Mbandaka et Mbuji-Mayi. Les manifestations ont continué les jours qui ont suivi, devenant un vaste mouvement de protestation menés par les jeunes contre la disposition controversée de la loi électorale.
4. À Kinshasa, des postes de police, des mairies et des entreprises chinoises ont été pillés et des véhicules brûlés ; à Goma, des bâtiments administratifs ont été incendiés. En réponse aux protestations, le Gouvernement a rapidement déployé la police antiémeute et des troupes, dont la Garde républicaine. Il a été fait un usage disproportionné de la force dans certains cas et selon certaines informations, les forces de sécurité nationales auraient commis des violations des droits de l’homme.
Selon la MONUSCO, au moins 20 civils auraient été tués et 64 blessés à Kinshasa et à Goma du 19 au 23 janvier par la police et la Garde républicaine. Les autorités et diverses organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme avançaient un chiffre plus élevé, respectivement 27 et 42 décès. Au moins 480 personnes, dont beaucoup font partie de l’opposition politique, ont été arrêtées dans l’ensemble du pays. La police aurait empêché plusieurs dirigeants de l’opposition de quitter le siège de leur parti pour se rendre aux manifestations.
À Goma, les manifestations ont provoqué des affrontements entre la police et les manifestants, entraînant la mort de quatre civils. À Bukavu (Sud-Kivu), la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour empêcher les manifestants d’avancer.
À Lubumbashi (Katanga), la police aurait arrêté 13 membres de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) au siège local du parti.
5. Le 20 janvier, le cardinal Laurent Monsengwo, archevêque catholique de Kinshasa, a prié instamment le Gouvernement de mettre fin à l’usage disproportionné de la force contre les manifestants et demandé à la population de continuer de s’opposer à la modification de la loi électorale par des moyens pacifiques. Le même jour, le Gouvernement a suspendu l’accès à Internet, aux médias sociaux et aux services de messagerie par téléphone pour tenter d’empêcher l’organisation d’autres manifestations. L’accès à Internet et les services de messagerie par téléphone ont été rétablis le 8 février mais celui aux principaux médias sociaux était toujours suspendu. Le Gouvernement a également ordonné la fermeture temporaire de deux chaînes de télévision privées à Kinshasa et suspendu la diffusion des émissions de Radio France internationale.
6. D’emblée, les dirigeants de la MONUSCO se sont employés activement à restaurer le calme avec les principaux dirigeants politiques et partenaires de la société civile, en coordination étroite avec d’autres partenaires internationaux. Dans une déclaration publiée le 21 janvier, la MONUSCO a demandé à tous les acteurs politiques à s’abstenir de toute violence et aux forces nationales de sécurité de respecter le principe de proportionnalité du recours à la force. Le 22 janvier, j’ai demandé à toutes les parties de reprendre le dialogue politique sur les questions électorales dans un esprit d’ouverture, pacifiquement et dans les instances appropriées. Le même jour, le Conseil de sécurité et l’équipe des envoyés et représentants spéciaux se sont fait l’écho de cet appel.
7. Le 22 janvier, le Sénat a adopté le projet de loi sans la disposition sur le recensement de la population. Les protestations ont diminué dans l’ensemble du pays après que le Président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a annoncé le 24 janvier qu’il avait été convenu de supprimer la disposition controversée. Le texte révisé de la loi électorale a été adopté par les deux chambres du Parlement le 25 janvier et promulgué par le Président de la République démocratique du Congo le 12 février.
8. Le débat sur la loi électorale et la décision prise finalement par le Parlement d’adopter la loi sans la disposition controversée ont accentué les divisions au sein de la coalition de la majorité présidentielle. Le 9 février, après plusieurs prises de parole de certains acteurs clefs de la coalition au pouvoir contre une révision de la constitution, l’ex-Premier Ministre Antoine Gizenga, du Parti lumumbiste unifié (PALU), a condamné les violences et les meurtres survenus lors des manifestations de janvier et demandé que les élections se tiennent dans les délais prévus par la Constitution. Dans le même temps, certains partis de la coalition au pouvoir ont organisé à Beni (Nord-Kivu), Bukavu et Uvira (Sud-Kivu) des manifestations pacifiques en faveur du Président.
9. Des représentants de l’opposition politique et la société civile ont continué d’exprimer leur préoccupation face au manque d’espace politique et aux arrestations et détentions arbitraires. Au moins 300 personnes sont toujours en détention après les arrestations en masse effectuées lors des protestations de janvier. Au moins 11 d’entre eux seraient détenus au secret. Un des principaux représentants de la société civile, Christopher Ngoyi Mutamba, a été arrêté le 21 janvier à Kinshasa. Le 11 février, il a été accusé de dix infractions pénales, notamment de menace contre la sécurité intérieure de l’État. Le 28 janvier, la Cour suprême de justice de Kinshasa s’est déclarée compétente pour se prononcer sur le bien-fondé d’une plainte en diffamation contre le Président du parti d’opposition Union pour la nation congolaise, Vital Kamerhe. La décision de le juger, vue par ses partisans comme une tentative délibérée de l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2016, a provoqué plusieurs manifestations spontanées à Bukavu (Sud-Kivu).
10. Le 12 février, la Commission nationale électorale indépendante a publié un calendrier électoral général selon lequel les élections locales et provinciales se tiendront le 25 octobre 2015 et les élections présidentielle et législatives le 27 novembre 2016. Cette mesure a été bien accueillie par les parties prenantes nationales et les partenaires internationaux, qui y ont vu un pas important vers la tenue d’élections en temps voulu, mais certains partis d’opposition ont mis en doute sa faisabilité.
B. Progrès dans la tenue des engagements pris par la République démocratique du Congo au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région
Décentralisation
11. Les progrès les plus notables dans la mise en œuvre des engagements pris par la République démocratique du Congo au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération ont été réalisés dans le domaine de la décentralisation. En décembre 2014, un ministre chargé de la décentralisation a été nommé, et le 25 janvier, le Parlement a adopté deux lois essentielles : une délimitant les frontières des 25 nouvelles provinces et une portant création de ces provinces.
Conformément à la Constitution, les provinces de Bandundu, de l’Équateur, du Kasaï occidental, du Kasaï oriental, du Katanga et la province Orient ale seront scindées, les autres conservant leurs limites actuelles.
12. La loi prévoit la mise en place dans chacune de ces nouvelles provinces d’une commission spéciale chargée d’établir les nouvelles entités. Ces commissions auront environ 120 jours pour mener le processus à bien, et le Gouvernement cinq ans pour procéder à la réhabilitation et aux travaux d’infrastructure nécessaires pour que les nouvelles administrations provinciales deviennent opérationnelles. Au niveau provincial, l’adoption de la législation a attisé les tensions politiques, en particulier au Katanga, où la délimitation des nouvelles provinces est contestée par certains acteurs politiques de premier plan et certaines communautés locales et farouchement appuyée par d’autres.
Consolidation de l’autorité de l’État et stabilisation
13. Certains progrès ont été accomplis dans l’élaboration de stratégies de stabilisation provinciale et de plans d’action pour le Nord-Kivu, la province
Orientale et le Sud-Kivu, dans le cadre de la Stratégie internationale d’appui en matière de sécurité et de stabilisation. Dans les trois provinces, un consensus fondé sur une vision commune s’est dégagé sur les mesures concrètes que le Gouvernement et les partenaires internationaux doivent prendre pour assurer l’efficacité et la viabilité des activités de stabilisation dans l’est de la République démocratique du Congo.
À Mambasa (province Orientale), le deuxième projet pilote de la Stratégie, financé par le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix, a été lancé par le Gouverneur le 10 février dernier.
Réformes de gouvernance
14. La promotion des réformes financières et du développement économique s’est poursuivie avec l’adoption de textes législatifs importants. Le 14 janvier, le Parlement a adopté le projet de loi sur la libéralisation du secteur des assurances, ce qui devrait y améliorer le climat d’affaires. Il a également adopté d’autres textes législatifs, notamment la loi sur les hydrocarbures, la loi sur le crédit-bail et un ensemble de cinq lois portant ratification de traités bilatéraux sur le barrage du Grand Inga et la protection des investissements.
C. Situation sur le plan de la sécurité
15. Dans le Nord-Kivu, les Forces démocratiques alliées (FDA) et d’autres éléments armés non identifiés continuent de faire peser une menace non négligeable sur les civils dans la région de Beni. En dépit des progrès enregistrés par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) dans les opérations qu’elles mènent contre les FDA dans le territoire de Beni, qui ont permis de chasser ce groupe de la plupart des positions qu’il occupait, la structure de commandement des FDA demeura apparemment intacte. Les FDA se sont dispersées en petits groupes de combattants qui pratiquent une guerre de guérilla. Le 3 février, 24 civils ont été sauvagement tués à coups de machette par des éléments dont on soupçonne qu’ils appartiennent aux FDA. Le 16 février, un civil a été tué et un autre enlevé au nord-est de Butembo par des membres présumés des FDA. Depuis octobre 2014, la MONUSCO a attesté le massacre d’au moins 269 civils par des éléments dont on soupçonne qu’ils appartiennent aux FDA et d’autres éléments non identifiés dans le territoire de Beni. En réponse à ces tout derniers meurtres, le Gouverneur du NordKivu s’est provisoirement installé à Beni pour coordonner la riposte du Gouvernement à cette poursuite des attaques contre la population civile.
16. Anticipant les opérations des FARDC, une recrudescence des mouvements d’éléments des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) a été observée dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Ces éléments continueraient de commettre des violations des droits de l’homme, notamment des pillages, des enlèvements et le recrutement forcé d’enfants. Le 11 février, des éléments des FDLR ont tendu une embuscade à une patrouille des FARDC près de Nyamilima, faisant deux morts et trois blessés parmi les soldats des FARDC. Le redéploiement d’unités des FARDC en prélude aux opérations contre les FDLR a créé certaines zones de vide sécuritaire dans les territoires de Masisi et de Walikale. Cette situation a été exploitée par d’autres groupes armés et a suscité certains déplacements de civils.
17. Dans le Sud-Kivu, au cours de la période couverte par le présent rapport, des factions Mayi-Mayi Raia Mutomboki ont continué d’opérer à proximité des sites d’extraction minière dans le territoire de Shabunda, causant le déplacement de la population civile. Dans la partie méridionale de la province, les FARDC, avec le soutien de la MONUSCO, ont continué de mener des opérations contre les Forces nationales de libération du Burundi (FNL) et d’autres groupes armés.
18. Dans la province Orientale, un regain d’activité d’éléments de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) a été signalé dans le territoire de Dungu, dans le district du Haut-Uélé. À la date du 15 février, six personnes, dont deux soldats des FARDC, auraient été tuées au cours de dix opérations distinctes et des dizaines de civils auraient été enlevées. Dans la plupart des cas, il s’agissait d’embuscades tendues au bord des routes par de petits groupes d’éléments armés très mobiles de la LRA qui se déplacent avec les femmes et les enfants qu’ils ont enlevés. L’on pense que le plus gros des éléments de la LRA se trouvent dans de vastes zones des districts du Haut-Uélé et du Bas-Uélé depuis le milieu de 2014. La LRA a continué de se livrer à des activités de braconnage et de trafic d’ivoire à l’intérieur et aux alentours du Parc de Garamba National.
19. Le 2 janvier, les autorités congolaises ont arrêté le chef des Forces de résistance patriotiques de l’Ituri (FRPI), Justin Banaloki, dit Cobra Matata, qui tentait de s’enfuir de la maison où il était assigné à résidence à Bunia, dans le district d’Ituri de la province Orientale. Le 5 janvier, Cobra Matata a été transféré de Bunia à Kinshasa avec le concours de la MONUSCO et est actuellement détenu dans la prison militaire de N’dolo. Il est accusé de désertion, de constitution d’un mouvement rebelle, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de recrutement d’enfants et de tentative d’évasion.
Les négociations avec le Gouvernement en vue de sa reddition, en même temps que 812 combattants, n’ont pas abouti, du fait que Cobra Matata voulait absolument une amnistie générale pour lui-même et pour ses hommes ainsi que l’intégration des FRPI dans les FARDC avec reconnaissance des grades. Deux semaines après l’expiration du délai fixé par le Gouvernement pour la reddition des FRPI, les combats ont repris le 15 janvier entre les FARDC et près de 900 éléments armés des FRPI. L’affrontement a causé la mort de sept soldats des FARDC et de 24 éléments des FRPI. Un civil a été tué et quatre autres, dont trois femmes, ont été gravement blessés. Environ 15 000 personnes ont été déplacées de leur domicile. Les FRPI ont ensuite abandonné leurs positions à Aveba, se sont séparés en plusieurs groupes et ont repris leurs attaques surprises sur les villages, faisant de nouveau peser une menace sur les vies et les biens des civils dans cette zone. Entre le 16 et le 17 février, les FRPI ont lancé plusieurs attaques contre un certain nombre de villages. Trois personnes ont été blessées dans le village de Rwampara-Manje, et deux femmes ont été tuées à Mbetsi. Les FRPI auraient également enlevé et violé dix femmes à Walendu.
20. À Katanga, la situation sécuritaire et humanitaire a continué de se détériorer en raison de la poursuite des activités de la milice Kata Katanga, nonobstant la poursuite des opérations des FARDC contre ce groupe, et par suite des affrontements opposant dans plusieurs territoires du district de Tanganyika les communautés Twa et Luba. Le 13 février, au cours des attaques intercommunautaires à Manono, neuf civils ont été tués et plusieurs femmes ont été enlevées. Au Katanga, il subsiste près de 560 000 personnes déplacées.
21. Dans la province de l’Équateur, la situation sur le plan de la sécurité dans la zone frontalière est demeurée tendue du fait des retombées du conflit de la République centrafricaine. Une dizaine d’éléments anti-Balaka et ex-Séléka ont été arrêtés par la Police nationale congolaise et renvoyés en République centrafricaine.
D. Situation humanitaire
22. En République démocratique du Congo, 7 millions de personnes, parmi lesquelles 2,8 millions de personnes déplacées, ont besoin d’une assistance humanitaire pour pourvoir à leurs besoins fondamentaux. Près de 85 % des personnes déplacées sont accueillis par des familles, tandis que les autres vivent dans des camps. Le 5 février, le Plan d’action humanitaire a été lancé à Kinshasa et nécessitera 692 millions de dollars pour pourvoir aux besoins jugés prioritaires de 5,2 millions de personnes qui vivent quatre types de crise : conflit ; malnutrition ; épidémies ; et catastrophes naturelles.
La communauté des organisations humanitaires continue de venir en aide aux populations dans le besoin. Dans la zone de Beni, dans le Nord-Kivu, sur les 17 700 familles déplacées par suite des atrocités commises par les FDA, 8 000 ont bénéficié d’une assistance humanitaire.
23. Au 31 décembre 2014, la République démocratique du Congo comptait environ 6,5 millions de personnes vivant en situation de crise aiguë en matière de sécurité alimentaire et de moyens de subsistance. En outre, 43 % des enfants de moins de 5 ans souffraient d’un retard de développement dû à une malnutrition chronique.
24. Près de 443 000 Congolais continuent de vivre le sort des réfugiés et des demandeurs d’asile dans les pays voisins, tandis que la République démocratique du Congo accueillait quelque 122 000 réfugiés, dont 68 000 venus de République centrafricaine, 40 000 du Rwanda, 9000 du Burundi et 4 000 d’autres pays. Au 5 février, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) avait enregistré 19 289 réfugiés supplémentaires venus de République centrafricaine dans la province de l’Équateur. Des efforts sont faits actuellement pour identifier et enregistrer des réfugiés rwandais dont on estime le nombre à 245 000 dans la partie orientale de la République démocratique du Congo. Le travail d’identification mené par la Commission nationale pour les réfugiés (CNR) entre novembre 2013 et janvier 2014 a permis d’enregistrer 245 298 réfugiés rwandais. La Commission et le HCR planifient actuellement une opération d’enregistrement biométrique qui permettra d’améliorer les activités de protection et d’assistance. Le coût de l’enregistrement est estimé à 2,4 millions de dollars. Le Bureau de la population, des réfugiés et des migrations des États-Unis a promis de verser 1 million de dollars
E. Évolution de la situation économique
25. Les résultats macroéconomiques du pays sont demeurés stables et l’inflation inférieure à 2 %. Les moteurs de la croissance demeurent essentiellement l’accroissement de la production minéralière et, dans une certaine mesure, des gains de productivité dans le secteur agricole. Le principal risque de détérioration de la situation économique réside dans la diminution des entrées d’investissements directs étrangers, pour cause d’instabilité politique, et la baisse des cours du cuivre et du cobalt, qui représentent environ 98 % des exportations de marchandises et 44 % du produit intérieur brut nominal. Le 31 décembre 2014, le Président de la République démocratique du Congo a promulgué la loi de finances pour 2015 établissant un budget de 9,07 milliards de dollars, soit une augmentation de 2 % par rapport au budget de 2014.
F. Évolution de la situation régionale
26. Les relations entre pays de la région demeurent tendues à propos de la question des FDLR et de l’application des Déclarations de Nairobi du 12 décembre 2013. Le délai fixé par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et approuvé par le Conseil de sécurité pour le désarmement volontaire des FDLR est venu à expiration le 2 janvier. Dans une déclaration publiée le 2 janvier, le Gouvernement de la République démocratique du Congo a noté que puisque 26 % seulement des quelque 1 400 éléments des FDLR dans le pays se sont rendus, les opérations militaires devenaient inévitables. La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, la SADC et les partenaires internationaux sont parvenus à la même conclusion.
L’Afrique du Sud et la République-Unie de Tanzanie ont confirmé leur soutien entier aux opérations militaires contre les FDLR dans des déclarations séparées publiées les 9 et 13 janvier, respectivement.
27. Des progrès limités ont été enregistrés en ce qui concerne l’application des Déclarations de Nairobi. Le Coordonnateur du Mouvement du 23 mars (M23), René Abandi, a démissionné le 12 janvier en accusant le Gouvernement de la République démocratique du Congo d’avoir violé l’accord. À la fin de la période considérée, 182 des quelque 1 678 ex-éléments du M23 ont été rapatriés de leur plein gré en République démocratique du Congo. Comme suite au rapatriement d’un premier groupe de 120 de ces éléments le 16 décembre 2014, il subsiste quelque 1 100 anciens éléments du M23 dans le camp de cantonnement de Bihanga, en Ouganda, dont la majorité hésiterait à envisager leur rapatriement. Dans le cadre des efforts faits pour accélérer le rapatriement du Rwanda des 453 anciens éléments du M23 enregistrés et leurs armes, le Gouvernement de la République démocratique du Congo a dépêché à Kigali une équipe technique chargée d’examiner, du 2 au 4 février, les modalités de cette opération. Dans un communiqué commun publié le 3 février, les deux Gouvernements ont réaffirmé leur volonté d’honorer leurs obligations internationales inscrites dans l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération et les Déclarations de Nairobi.
28. La troisième réunion d’évaluation de l’application des Déclarations de Nairobi s’est tenue à Kinshasa le 11 février, sous la présidence du Coordonnateur exécutif du Mécanisme national de surveillance du plan-cadre. Il a été convenu à cette occasion de dépêcher en Ouganda une équipe pluridisciplinaire à direction gouvernementale en vue d’accélérer et de coordonner le rapatriement des anciens éléments du M23 et de leurs armes. Les participants à la réunion ont également réitéré la nécessité de prendre les mesures envisagées dans les Déclarations pour renforcer la confiance entre les parties, y compris par la création de commissions sur les expropriations et la réconciliation nationale et la libération de s anciens éléments du M23 détenus par le Gouvernement de la République démocratique du Congo.
III. Mise en œuvre du mandat
A. Processus nationaux et bons offices de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo
29. La MONUSCO a continué d’aider le Gouvernement à honorer ses engagements nationaux en vertu du Plan-cadre. La controverse suscitée par la loi électorale et les violentes manifestations qui ont eu lieu à Kinshasa et ailleurs dans le pays ont montré toute l’importance du rôle de la Mission en matière de bons offices et de diplomatie discrète dans le cadre du processus électoral. Les partis politiques, ceux de l’opposition comme ceux de la coalition au pouvoir, ainsi que les acteurs de la société civile, ont demandé à la MONUSCO de faciliter le dialogue politique en vue d’enclencher une désescalade des tensions et de créer des conditions propices à la tenue d’élections crédibles en temps voulu. À cette fin, la MONUSCO a intensifié ses contacts et ses échanges avec les parties prenantes sur tout l’éventail des forces politiques.
30. La MONUSCO a continué d’aider le Mécanisme national de surveillance à assurer le suivi, l’application et l’évaluation des engagements nationaux.
31. La MONUSCO a renforcé ses capacités en matière de conseil et de soutien au Gouvernement sur la réforme du secteur de la sécurité et de la justice, par des compétences spécialisées dans les domaines de la gouvernance du secteur de la sécurité intérieure, des sociétés de sécurité privées, de la responsabilisation interne et de la réforme de la police, de la supervision parlementaire et de la réforme du secteur de la défense. Des réunions sont organisées régulièrement avec les principaux partenaires internationaux afin de renforcer la cohérence aussi bien de l’assistance que des conseils fournis au Gouvernement.
32. S’agissant de la réforme de la police nationale, une stratégie nationale de formation de la Police nationale congolaise a été formulée et soumise à l’approbation du Commissaire général. Soixante officiers de la police nationale déployés dans la partie orientale de la République démocratique du Congo ont achevé un programme de formation en vue de prévenir les violences sexuelles, avec le soutien de la MONUSCO et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). La Mission a continué d’apporter un soutien à l’Inspection générale de la police afin d’améliorer les capacités de celle-ci à traiter les plaintes.
La MONUSCO et le PNUD ont également continué d’aider à la mise en œuvre du Programme conjoint d’appui à la justice, dont les principaux objectifs consistent à élaborer un plan national d’action pour la réforme du système de justice congolais et d’aider à la mise en place d’une Cour constitutionnelle efficace qui sera chargée de régler les différends découlant des élections générales prévues pour 2016. Les fonds nécessaires pour soutenir la mise en œuvre de ce programme seront mobilisés dans le cadre des arrangements relatifs à la Cellule mondiale de coordination des activités policières, judiciaires et pénitentiaires.
33. Un travail continu de plaidoyer a abouti à ce que les autorités nationales acceptent de réviser le plan de réforme des prisons et de mettre au point un programme national d’enseignement à l’intention des agents pénitentiaires. Un plan trimestriel a été établi qui met l’accent sur le renforcement des capacités du personnel pénitentiaire après validation, le 12 février, de 11 modules de formation.
Des efforts sont en cours pour constituer un comité directeur sur les questions relatives aux prisons et la MONUSCO continue de fournir des conseils et une assistance techniques sur la gestion et le fonctionnement d’ensemble des prisons dans les zones exemptes de groupes armés. Le manque de ressources et de capacités suffisantes au sein des organismes gouvernementaux et de l’équipe de pays des Nations Unies demeure un sujet de préoccupation. À cet égard, compte tenu du rôle capital de la Mission dans la transmission des missions pénitentiaires, la MONUSCO a continué d’aider les autorités congolaises à se doter d’institutions en bon état de fonctionnement, professionnelles et responsables dans les domaines judiciaire et sécuritaire, y compris des prisons sûres, paisibles et humaines.
34. La MONUSCO a poursuivi dans la partie orientale de la République démocratique du Congo ses efforts visant à aider à l’extension de l’autorité de l’État aux zones reconquises sur les groupes armés, en fournissant une assistance aux autorités provinciales. Ces premiers efforts de stabilisation sont soutenus par 72 projets à effet rapide d’une valeur de 4,2 millions de dollars environ, axés sur le rétablissement de l’autorité de l’État.
B. Neutralisation des groupes armés
35. En appui aux autorités nationales, la MONUSCO a mené des opérations offensives conjointes afin d’empêcher les groupes armés d’étendre leur champ d’action et pour les neutraliser et les désarmer. Elle a privilégié les opérations contre les FDA, les FDLR, les FNL, les FRPI et les groupes maï-maï.
36. Dans la région de Beni (Nord-Kivu), la MONUSCO a soutenu les opérations des FARDC menées contre des éléments des FDA, dont cinq se sont rendus et trois ont été arrêtés entre le 5 et le 16 janvier. Entre le 1er et le 12 janvier, la MONUSCO et les forces des FARDC ont lancé l’Opération Umoja II, qui a fait sept morts parmi les éléments des FDA et a permis de saisir cinq armes et plusieurs documents contenant des informations sur le groupe. L’Opération a également permis de déloger les FDA de cinq camps différents autour de Medina, ancien quartier général du groupe armé. L’Opération Umoja III a été lancée par la MONUSCO et les FARDC le 25 janvier et se poursuit. Les brigades-cadres de la MONUSCO et la Brigade d’intervention de la Force participent à ces opérations.
37. Le 29 janvier, le Gouvernement de la République démocratique du Congo a annoncé le lancement d’opérations militaires contre les FDLR. La Mission a aidé les FARDC à planifier des opérations contre les FDLR et a pré-positionné ses troupes et la Brigade d’intervention de la Force de manière à mieux appuyer les opérations des FARDC. La planification de la mission commune incluait les activités militaires, policières et civiles, menées en coordination avec la planification des mesures humanitaire d’urgence, compte tenu des enseignements tirés des opérations précédentes. Les 11 et 13 février, la MONUSCO a avisé le Gouvernement qu’étant donné les allégations de violations des droits de l’homme formulées à l’encontre de généraux récemment nommés à la tête des opérations, elle ne se rait pas en mesure de les appuyer, eu égard à la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme dans le contexte d’un appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes. Le 15 février, le Président de la République démocratique du Congo a déclaré que les FARDC conduiraient des opérations militaires contre les FDLR sans l’appui de la MONUSCO. Vers la fin février, les FARDC ont lancé des opérations contre les FDLR dans diverses régions du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Le Ministre de l’information et porte-parole du Gouvernement, Lambert Mende, a annoncé le 1er mars que les FARDC avaient capturé plusieurs combattants des FDLR, dont deux commandants. Plusieurs combattants des FDLR auraient par ailleurs été tués.
38. Une opération menée contre les FNL dans le Sud-Kivu a été organisée et exécutée conjointement par les FARDC et la MONUSCO en janvier, préalablement au lancement d’opérations contre les FDLR. Ces opérations ont contraint les FNL et les groupes maï-maï du Sud Kivu à quitter leur fief dans la plaine de la Ruzizi et se sont soldées par la reddition de 64 éléments des Maï-Maï Raya Mutomboki et de 7 éléments des FNL. Le 24 février, les FARDC ont lancé, des opérations contre les FDLR en territoire Uvira (Sud-Kivu). Trois éléments des FDLR auraient été capturés.
39. Dans le district d’Ituri district (province Orientale), la MONUSCO a organisé et mené conjointement avec les FARDC des opérations visant les FRPI après l’arrestation de Cobra Matata le 2 janvier. Dans la province Orientale, elle a continué de fournir un appui logistique, opérationnel et en matière d’échange d’information aux soldats des FARC participant à la Force régionale d’intervention de l’Union africaine pour l’élimination de l’Armée de résistance du Seigneur. La MONUSCO a mené des opérations conjointes avec les FARDC et la Force régionale d’intervention - appuyée par le Commandement des États-Unis pour l’Afrique - dans la zone occidentale du Parc national de Garamba et a fourni un soutien en termes de logistique et de collecte d’informations. Après ces opérations, 15 proches de la LRA se sont échappés et cinq de ses commandants négocient actuellement leur reddition.
C. Protection des civils
40. La MONUSCO continue de s’employer à assurer la protection des civils dans l’est de la République démocratique du Congo là où elle est le plus inquiète, y compris en menant des patrouilles de jour et de nuit et en fournissant des escortes au personnel humanitaire et à ceux des organismes, fonds et programmes des Nations Unies et des organisations non-gouvernementales.
41. La MONUSCO a également intensifié ses efforts pour protéger les civils en multipliant les contacts avec la population locale et les initiatives de sensibilisation des autorités locales et nationales. Le système des Nations Unies a revu sa stratégie de protection des civils en décembre 2014, l’objectif étant de mieux coordonner les activités de la MONUSCO et de l’équipe de pays des Nations Unies, à l’appui des efforts déployés par le Gouvernement pour s’acquitter de ses obligations en termes de protection des civils.
42. Plus de 50 comités locaux de protection dans cinq provinces ont reçu environ 270 messages d’alerte rapide. La MONUSCO est intervenue dans 21 % des cas ; 46 % des messages ont été transmis aux forces de sécurité nationales et 14 % aux autorités civiles locales. Dans les 19 % de cas restant, soit les alertes se sont avérées fausses, soit les messages ont été reçus après coup. Dans environ 40 % des cas, des violations contre des civils ont été évitées.
43. Dans le Nord-Kivu, la MONUSCO a créé une cellule provinciale d’analyse de la situation et d’intervention rapide en cas d’alerte pour mieux assurer la protection des civils, et ses équipes d’enquête sur les violations des droits de l’homme sont en attente et prêtes à être déployées dans un délai de 48 heures. Les alertes émanant de la cellule ont facilité le redéploiement de soldats des FARDC dans certaines zones sensibles des territoires de Walikale et de Masisi, et ont motivé l’intensification des activités de surveillance et de patrouille de la MONUSCO. La Mission a mené des activités de sensibilisation aux réseaux d’alerte rapide dans les zones susceptibles d’être touchées par les opérations militaires menées contre les FDLR et a travaillé aux côtés de quelque 90 communautés du Nord-Kivu à l’amélioration des systèmes d’alerte rapide. Deux missions d’évaluation conjointes, dont faisaient notamment partie des représentants des composantes civile et de police de la Mission et des représentants du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), ont été menées sur les axes Kiwanja-Nyamilima et Nyanzale-Kibirizi axes (territoire de Rutshuru), afin d’évaluer les besoins en matière de protection liés à l’Opération Sukola II et de suivre les progrès réalisés dans l’exécution des plans d’urgence connexes. Les conclusions de ces missions ont été communiquées au commandement des FARDC.
44. À Beni (Nord-Kivu), la MONUSCO a intensifié ses activités de patrouille le long de l’axe Beni-Boikene-Mavivi-Oicha et de la route menant à Eringeti, qui sont éprouvés par les menées des FDA, tout en réorganisant le redéploiement de ses forces dans la région, l’accent étant mis en particulier sur les endroits stratégiques
tels que Butembo, Eringeti, Kamango, Lubero et le pont de Similiki.
D. Sûreté et sécurité du personnel des Nations Unies dans le cadre des opérations de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo
45. Le 16 février, à Beni, une unité de police constituée des Nations Unies a été la cible de jets de pierre lors d’une patrouille nocturne ; un officier a été gravement blessé. Dans d’autres régions du pays, les opérations militaires de la MONUSCO n’ont pas sensiblement fait s’accroître les menaces contre le personnel des Nations Unies.
E. Surveillance de la mise en œuvre de l’embargo sur les armes
46. Les FARDC et la MONUSCO ont récupéré 487 armes automatiques et 1 251 cartouches de munitions de 7,62 mm, qui leur ont été remises par des éléments de divers groupes armés ou ont été abandonné s par ceux-ci, y compris des éléments des Maï-Maï Nyatura, des Forces de défense des droits humains, de l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain et des Maï-Maï Lafontaine. La plupart des armes utilisées par les groupes armés en République démocratique du Congo auraient été acquises à l’intérieur du pays, et grâce à la contrebande provenant du Burundi, de l’Ouganda et de la République-Unie de Tanzanie. Le 25 février, la Brigade d’intervention de la Force de la MONUSCO a effectué une mission de vérification concernant 190 armes reprises à des groupes armés afin d’en déterminer l’origine, les numéros de série et l’état de fonctionnement. Les informations ayant trait à l’identification des armes et munitions récupérées ont été communiquées systématiquement au Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo à des fins de traçabilité.
F. Désarmement, démobilisation, réintégration, rapatriement et réinstallation
47. Au 19 février, 98 membres de groupes armés congolais et 102 membres de groupes armés étrangers ont participé au programme de désarmement, démobilisation, réintégration, rapatriement et réinstallation. Quatre-vingts d’entre eux étaient des combattants, dont 70 membres des FDLR, 70 étaient des enfants associés aux groupes armés, 40 étaient des personnes à charge et 10 étaient des civils. Les enfants associés aux groupes armés ont été libérés et places dans des centres de transit en attendant de pouvoir retrouver leur famille et d’être réinsérés par l’UNICEF et ses partenaires. Au 19 février, 339 combattants appartenant aux FDLR, dont 17 officiers, et 1 119 de leurs personnes à charge, avaient volontairement déposé les armes. La MONUSCO continue de procurer des vivres, de l’eau et des médicaments aux combattants et aux personnes à leur charge dans les camps de regroupement de Kanyabayonga (Nord-Kivu) et Walungu (Sud-Kivu), le Gouvernement étant responsable de l’administration du camp de transit de Kisangani (province Orientale).
48. Le financement du troisième Plan national de désarmement, démobilisation et réintégration reste une source de préoccupation. Le Gouvernement n’a toujours pas débloqué la totalité des 10 millions de dollars qu’il s’est engagé à verser. Il a fait savoir le 27 janvier qu’il effectuerait un premier versement de 1,5 million de dollars, annonce qui ne s’est toutefois pas encore concrétisée. Le versement des contributions de la Banque mondiale et celles d’autres donateurs est conditionné par la contribution du Gouvernement. La MONUSCO prévoit de verser 6 millions de dollars. Le retard pris dans le lancement du programme a prolongé le cantonnement à long terme des anciens combattants dans les camps de Kamina, Kitona et Kotakoli, où ils vivent en attendant d’être désarmés, démobilisés et réintégrés, retardant d’autant leur démobilisation et leur réintégration et empêchant d’autres éléments armés de déposer eux aussi les armes.
G. Lutte antimines
49. Le Service de la lutte antimines de l’ONU a effectué 376 opérations dans le Nord-Kivu, la province Orientale et le Sud-Kivu. Au total, 1 500 restes explosifs de guerre ont été détruits ainsi que 30 armes et 80 cartouches de munitions pour armes de petit calibre, qui avaient été récupérées auprès d’anciens combattants des FDLR à Walungu (Sud-Kivu). Eu égard à la stratégie révisée de protection des civils contre les risques liés aux restes explosifs de guerre, le Service de la lutte antimines a prêté son concours à la Brigade d’intervention de la Force de la MONUSCO dans le cadre de son soutien aux opérations menées par les FARDC.
H. Promotion et défense des droits de l’homme et lutte contre l’impunité
50. Au cours de la période considérée, la MONUSCO a facilité le transfèrement de 29 détenus pour lesquels il existait un risque d’évasion important, dont le lieutenant-colonel Bedi Engangela, alias Colonel 106 (condamné le 15 décembre 2014 par le tribunal militaire du Sud-Kivu à une peine d’emprisonnement à perpétuité pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité), dans des locaux plus sécurisés, l’objectif étant de remédier à l’insécurité qui continue de régner dans les prisons.
51. Conformément à la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme dans le contexte d’un appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes, la MONUSCO a vérifié les antécédents en matière de droits de l’homme de 124 commandants et commandants adjoints des FARDC et de la police nationale, (116 des FARDC et 8 de la police), lorsqu’il lui a été demandé d’appuyer les unités auxquelles ceux-ci appartenaient. Elle a estimé que sept officiers, et par extension toutes unités placées sous leur commandement, ne remplissaient pas les conditions voulues pour bénéficier d’un appui parce qu’il existait de bonnes raisons de croire qu’ils risquaient de commettre des violations graves des droits de l’homme. Douze demandes d’appui concernaient l’exécution d’opérations militaires conjointes dans l’est de la République démocratique du Congo, et 26 d’autres domaines (utilisation de moyens de transport appartenant à l’ONU, fourniture de carburant et de rations, formation). À compter du 13 février, la MONUSCO a suspendu l’aide qu’elle apportait aux unités des FARDC participant à l’Opération Sukola II, dirigée contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda, au motif que les antécédents en matière de respect des droits de l’homme de deux généraux chargés depuis le 24 janvier de conduire les opérations menées dans le Nord-Kivu, notamment celles visant les FDLR, suscitaient des préoccupations. Si les FARDC ont pour l’instant interrompu leur coopération avec la MONUSCO pour ce qui est des opérations dirigées contre les FDLR, elles ont néanmoins continué de collaborer à celles menées contre d’autres groupes armés, notamment les ADF. La coopération avec la police nationale s’est également poursuivie.
52. Par l’intermédiaire de ses cellules d’appui aux poursuites judiciaires, la MONUSCO a continué de fournir un appui technique et logistique aux tribunaux militaires pour les aider à enquêter sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les autres crimes graves qui auraient été commis par des groupes rebelles et des éléments des FARDC, dont des commandants, au Katanga, au Nord -Kivu, au Sud-Kivu et dans la province Orientale, et à en juger les responsables. La MONUSCO a facilité l’exécution de missions d’enquête et la tenue d’audiences foraines dans plusieurs localités et régions (Beni, Butembo, Bunia, Eringenti, Gety, Kasenyi, Kitchanga, Kolwezi, Likasi, Lubero, Mambasa, Mbau, Oicha et Uvira, ainsi que dans le sud du territoire d’Irumu). Elle a également suivi le déroulement des poursuites pénales engagées au Katanga contre 67 partisans de Pasteur Mukungubila, opposant politique et chef religieux, arrêtés à la suite des attaques commises le 30 décembre 2013 contre des bâtiments publics de Kinshasa, Kindu et Lubumbashi.
I. Violence sexuelle
53. En janvier, la MONUSCO a recensé 15 cas de violences sexuelles commises en période de conflit, dont huit dans la seule province du Nord-Kivu. Ces violences sont principalement le fait de groupes armés, qui s’en seraient pris à 10 des 15 victimes. Trois cas seraient attribuables aux FDLR, quatre aux FRPI et cinq aux FARDC.
54. La MONUSCO a appuyé la création du comité chargé de superviser l’exécution du plan d’action des FARDC contre la violence sexuelle. Dans le cadre du projet de prévention et de répression de la violence sexuelle qu’ils ont mené ensemble au Nord-Kivu, dans la province Orientale et au Sud-Kivu, la MONUSCO et le PNUD ont financé et organisé, à l’intention de 60 membres des forces de police judiciaire spéciales chargées de la protection des femmes et des enfants, une formation de trois mois consacrée aux techniques d’enquête et d’instruction applicables dans les affaires de violence sexuelle. Les 18 et 19 février, avec l’appui de l’Équipe d’experts de l’état de droit et des questions touchant les violences sexuelles commises en période de conflit, du PNUD et de la MONUSCO, la commission des FARDC chargée des questions liées à la violence sexuelle a tenu à Kinshasa une réunion technique consacrée à l’examen et à l’adoption du plan d’action des FARDC contre la violence sexuelle liée aux conflits.
J. Protection de l’enfance
55. La MONUSCO a établi qu’au 13 février, 298 enfants (18 filles et 280 garçons), dont un Rwandais, avaient fui les rangs de groupes armés ou en avaient été libérés. Soixante-neuf avaient été démobilisés par les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda-Forces combattantes Abacunguzi, 43 par les Maï-Maï Raia Mutomboki et 30 par les Maï-Maï Nyatura. Cinq enfants précédemment associés à des groupes armés et qui étaient détenus par les FARDC avaient également été libérés. Dans le cadre du plan d’action conjoint adopté par le Gouvernement et l’ONU en vue de faire cesser et de prévenir le recrutement d’enfants par des groupes armés, la Mission a vérifié l’âge de 154 soldats des FARDC et a constaté qu’aucun enfant ne se trouvait parmi ceux-ci. Au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et dans la province Orientale, quatre enfants ont été tués et quatre autres ont été grièvement blessés par des parties au conflit.
56. Ayant reçu des rapports indiquant que les enfants représentaient au moins 35 % des effectifs des FPRI, la MONUSCO a effectué des visites à Aveba, dans la province Orientale, du 7 au 14 janvier, pour mettre fin à cette situation. Les négociations n’ont pas abouti, les dirigeants ayant nié la présence d’enfants dans les rangs des FRPI.
IV. Observations
57. Les violentes manifestations qui ont secoué Kinshasa, Goma et plusieurs autres villes de la République démocratique du Congo du 17 au 23 janvier sont venues brutalement rappeler que le processus électoral se déroulait dans un contexte tendu. Je déplore qu’elles aient fait des victimes, dont certaines ont perdu la vie, et qu’elles aient entraîné la destruction de biens. Le peuple congolais a le droit de manifester pacifiquement et la violence est inacceptable. Il incombe au Gouvernement d’autoriser et de garantir la liberté d’expression pacifique, les manifestants et leurs dirigeants étant pour leur part tenus de poursuivre leurs objectifs politiques sans recourir à la violence. Toute intervention des forces de sécurité doit rester proportionnée à la situation. Je prie instamment le Gouvernement d’enquêter sur les violences qui ont été commises et de prendre des mesures juridiques ou disciplinaires à l’encontre des responsables.
58. La restriction de la liberté d’expression, d’association et de réunion et le recours excessif à la force risquent de saper la confiance de la population et la crédibilité du processus électoral. Partant, j’engage le Gouvernement à créer les conditions nécessaires à la tenue d’un débat politique ouvert et j’invite instamment toutes les parties à reprendre le dialogue consacré aux questions électorales dans un cadre non exclusif et de manière pacifique. Mon Représentant spécial est prêt à user de ses bons offices pour rapprocher les points de vue. Je me félicite qu’un calendrier électoral détaillé ait été publié dans la mesure où cet outil facilitera grandement le bon déroulement du processus électoral et la tenue d’élections crédibles dans les délais fixés, comme prévu par la Constitution. Les institutions nationales, ainsi que tous les acteurs concernés et les partenaires, doivent désormais impérativement s’employer à organiser des élections rapidement et suivant des modalités acceptées par tous. J’engage donc le Gouvernement et les partis d’opposition à entamer un dialogue constructif en vue d’établir un consensus sur les principales questions qui se posent à cet égard, et notamment sur le financement des élections et l’établissement des listes électorales.
59. On ne saurait régler la situation dans l’est de la République démocratique du Congo sans tenir compte de leur dimension régionale. Je crains que l’absence de progrès en ce qui concerne tant le règlement du problème des FDLR que l’application intégrale de la Déclaration des engagements pris par le Mouvement du 23 mars à la conclusion du Dialogue de Kampala ne fragilise encore davantage les relations régionales et ne décourage les signataires d’honorer les engagements qu’ils ont pris au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région. J’invite instamment toutes les parties prenantes à coopérer avec mon Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, Said Djinnit, en vue de relancer le processus entamé et à s’engager de nouveau à mettre définitivement fin au conflit déstabilisateur dont la région est le théâtre.
60. Les FDLR continuent de compromettre la stabilité dans l’est de la République démocratique du Congo et le reste de la région. Je me félicite que le Gouvernement, les organisations sous-régionales et les principaux pays fournisseurs de contingents se soient engagés à prendre des mesures décisives à leur encontre, et en particulier que les FARDC aient lancé des opérations militaires pour entraver leurs activités, et je salue la détermination du Gouvernement à prendre la tête des efforts visant à les neutraliser. La MONUSCO continuera de travailler en étroite collaboration avec le Gouvernement aux fins de l’exécution du mandat que lui a confié le Conseil de sécurité et est prête à appuyer toutes opérations menées dans le cadre de la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme. Le respect du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés est une des valeurs fondamentales de l’Organisation et également un des principes qui sous-tend toutes les activités menées par les organismes du système. La neutralisation des FDLR est un objectif partagé par le vernement, les pays de la région et l’ONU. S’il n’existe pas de solution purement militaire au problème qu’elles posent, celui-ci ne saurait néanmoins être réglé sans l’exercice d’une véritable pression militaire. Le succès des opérations menées contre les FDLR nécessitera des efforts de longue haleine et un engagement sans relâche de la part de toutes les parties prenantes, au premier rang desquelles le Gouvernement et les acteurs régionaux.
61. Je suis consterné par les atrocités que les ADF et d’autres éléments armés continuent de commettre dans la région de Beni, dans le Nord-Kivu. Je me félicite que, malgré des conditions difficiles, les FARDC soient déterminées à neutraliser ce groupe armé et coopèrent aux opérations menées par la MONUSCO en ce sens.
Comme je l’ai indiqué dans mon précédent rapport au Conseil (S/2014/957), la Mission prend des mesures pour renforcer l’efficacité de sa brigade d’intervention de la Force, ainsi que celle des brigades-cadre, afin de s’acquitter du mandat qui lui incombe de neutraliser les groupes armés et de protéger les civils. Pour neutraliser les groupes armés, il faudra cependant impérativement proposer aux ex-combattants un autre mode de subsistance et étendre l’autorité de l’État aux zones libérées. À cette fin, le Gouvernement devra s’engager à coopérer avec la MONUSCO pour lutter contre les causes profondes du conflit, telles que les problèmes liés à la gouvernance et à l’exploitation illégale des ressources naturelles, en faisant avancer les grandes réformes et en enquêtant sur les crimes relevant de la criminalité transnationale organisée et des trafics, qui alimentent les conflits, et en poursuivant et punissant leurs auteurs.
62. Je suis préoccupé par les nombreuses violations des droits de l’homme qui continuent d’être commises dans l’ensemble du pays par des groupes armés et des éléments des forces de sécurité nationales, qui se rendent notamment coupables de viols, d’exécutions extrajudiciaires, de violations des droits des mineurs, d’arrestations arbitraires, d’actes de torture et d’enlèvements. J’engage le Gouvernement à accélérer les mesures prises en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’homme et coopérer avec la MONUSCO et les autres partenaires compétents pour lutter contre l’impunité.
63. Comme je le recommandais dans mon précédent rapport, le Gouvernement devrait engager un dialogue avec l’ONU en vue d’établir une stratégie de retrait progressif de la MONUSCO qui sera subordonnée à la réalisation d’objectifs de consolidation des acquis des 10 dernières années et de stabilisation du pays à long terme définis conjointement. Pareil dialogue devrait être considéré comme une occasion de redéfinir et d’améliorer le partenariat entre l’ONU et le Gouvernement et devrait contribuer à faciliter le transfert des tâches de la MONUSCO au Gouvernement et à accélérer le retrait de la Mission, compte étant tenu de la responsabilité qui incombe au Conseil de sécurité en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité et des droits souverains et des responsabilités du Gouvernement de la République démocratique du Congo.
64. Je tiens à remercier mon Représentant spécial pour la République démocratique du Congo et Chef de la MONUSCO, Martin Kobler, mon Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, Said Djinnit, et leurs collaborateurs, ainsi que les organismes, fonds et programmes des Nations Unies, les autres organisations internationales et régionales et les pays fournisseurs de contingents et de personnel de police, de leur participation active à l’action menée dans l’est de la République démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs.