Dans son édition n°5015 du mardi 25 octobre, » La Tempête des Tropiques » a titré : » Qu’on se le dise – L’Afrique des » Présidents à vie » est révolue « , son 3ème article de la Une. D’entrée de jeu de cet article, on pouvait lire » L’Afrique noire se trouve aujourd’hui à un nouveau tournant de son histoire, marquée d’une part par le combat d’arrière-garde mené sans vergogne par les dirigeants ayant tendance à se faire » présidents à vie » contre vents et marées, moyennant modification arbitraire et forcée des dispositions constitutionnelles limitant strictement l’exercice du pouvoir au sommet de l’Etat à deux mandats au maximum, d’autre part par le courant de l’opposition farouche à cette tendance rétrograde des despotes en difficulté, courant composé des forces internes des couches sociopolitiques et externes de la communauté internationale et de certaines puissances occidentales.
» Sont dans le collimateur de ces forces internes et externes, poursuivait le journal, à savoir le Congo Kinshasa, le Burkina Faso, le Burundi, le Rwanda, le Congo-Brazzaville, le Gabon, la Mauritanie, l’Ouganda, le Togo, l’Angola, la Guinée Equatoriale « .
Loin de jouer les Cassandre, le quotidien avait l’intuition d’un printemps noir qui semblait près de poindre dans certains pays d’Afrique noire à l’instar, toutes proportions gardées, de ce qui apparut et secoua une partie de l’Afrique blanche dite arabe musulmane.
Ce même mardi-là 28 octobre, alors que l’édition de La Tempête des Tropiques se trouvait dans les kiosques à journaux, à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, des femmes étaient descendues dans la rue, nombreuses et furieuses, fulminant contre le dictateur têtu Blaise Compaoré, le menaçant de pire au cas où n’aurait pas renoncé à son aventure de révision de la Constitution pour s’éterniser au pouvoir.
Deux jours plus tard, c’est-à-dire jeudi 30 octobre où l’Assemblée nationale des godillots du dictateur » président à vie » devait franchir le rubicon et toucher au fruit défendu, Ouagadougou et d’autres villes du pays ont été mises sens dessus dessous par un tourbillon de soulèvement populaire si brusque et spontané que le pouvoir que se croyait si fort a été impuissant à limiter les dégâts.
Les députés comploteurs contre le peuple n’ont même pas eu le temps d’entrer dans la salle et de siéger. L’immeuble était la proie des flammes, leurs véhicules garés dehors incendiés. Le peuple s’est rendu maître de la situation et faisait la loi ; exigeant le départ pur et simple de Blaise Compaoré, dont la garde prétorienne a tiré à balles réelles, causant une trentaine de morts et des centaines de blessés parmi les manifestants.
L’autocrate » président à vie » a vraiment tenté de résister au déferlement de la bourrasque, en prenant des mesures tardives sans effet de retrait du projet de révision de la Constitution, de dissolution de l’Assemblée et du gouvernement, d’engager un dialogue avec les forces politiques et sociales etc…
L’Objectif du peuple atteint
Le lendemain vendredi 31 octobre, en début d’après-midi, l’autocrate burkinabé s’avoue vaincu la mort dans l’âme, jette lâchement et ignominieusement l’éponge en douce à partir du palais présidentiel, débarrasse le plancher et se déguise en courant d’air dans la nature. Blaise Compaoré, dictateur » président à vie « , quitte le pouvoir humilié, diminué, démonétisé, caricaturé, sans honneurs de la guerre.
C’est le sort réservé à tous les despotes mégalomanes qui se refusent obstinément à lire les signes de temps et ne savent pas prendre le virage à temps. Tous les tyrans, mégalomanes ; oppresseurs des peuples ne quittent pas le pouvoir et cette terre auréolés de gloire. Mobutu Sese Seko, Jean Bedel Bokassa, le Shah d’Iran, Nicolas Ceausescu… n’ont pas fait mentir cette réalité historique.
Rien ne leur survit comme légende de dirigeants illustres de leur temps. Avant de s’enfuir en catimini, Blaise Compaoré a vu le peuple furieux casser, détruire et brûler tous les symboles de son pouvoir, de sa puissance et de son parti. Ses ministres et tous les serviles courtisans qui gravitaient autour de lui ont été logés à la même enseigne. Ils se sont fait régler leur compte par le peuple en colère.
Il y a eu une tentative osée et désespérée de confiscation et de récupération de la victoire du peuple par des militaires de la garde prétorienne, un général chef d’Etat-major et un colonel, qui se disputaient déjà le leadership de la transition après la chute du dictateur.
Encore un militaire, qui qu’il soit à la tête du Burkina Faso, se serait déshabiller Pierre pour habiller Paul. Ils seront tenus en échec par la rue qui vient de confondre et de déloger leur chef en un temps record avec humiliation et déconsidération.
Quoi qu’il soit, l’objectif principal poursuivi par le peuple est largement atteint, à savoir contrarier absolument le projet de révision de la Constitution à l’Assemblée, qui devait permettre à Compaoré de se cramponner à jamais au pouvoir.
La réussite éventuelle de ce projet aurait contaminé et encouragé tous les autres dictateurs » présidents à vie « . Son échec et les tribulations que vient d’avoir Blaise Compaoré doivent servir de leçon terrifiante à ceux qui sont rongés par la même mégalomane et la volonté de puissance comme lui.
Il paraît qu’il y a des stratèges » d’un pays d’Afrique centrale qui étaient dépêchés à Ouagadougou avant les événements, pour s’inspirer d’une expérience qu’ils croyaient pouvoir être couronnée de succès, afin de faire de même chez eux dès leur retour. Au spectacle du film des événements qui les ont surpris là-bas, ils ont failli mourir de peur, ils sont rentrés vite décontenancés, perplexes.
Une ère nouvelle
Alors que le destin de Blaise Compaoré est troublant et intrigue toute l’Afrique et certaines puissances occidentales comme les Etats Unis et la France ainsi que l’Union Européenne et l’Union Africaine, il est étrange de voir certains politiciens et apparatchiks de la famille politique de Joseph Kabila donner l’impression d’y être totalement indifférents ! Ils disent que les événements du Burkina Faso ne leur font ni chaud ni froid ! Leur conscience et leur moral ne sont pas du tout ébranlés ! Non, ils sont hypocrites et bravaches. C’est le comportement qu’affichaient les députés et les collaborateurs de Blaise Compaoré jusqu’à la veille des événements qui les ont désagréablement surpris jeudi.
Ce qui est vrai, c’est que ces événements désormais tourmentent leur conscience et leur donnent des insomnies. N’en déplaise aux révisionnistes de la Constitution à Kinshasa, le spectacle d’Ouagadougou scelle le début de la fin des dictateurs.
Une ère nouvelle commence à poindre en Afrique noire. C’est l’impulsion dégagée par cette ère nouvelle qui a mystérieusement galvanisé et aiguillonné les manifestants d’Ouagadougou, artisans du soulèvement qui vient d’emporter Compaoré avec son système et sa camarilla composée de civils et de militaires.
L’intervention de cette impulsion peut varier d’un pays à l’autre, d’un peuple à l’autre, mais le résultat final sera partout le même, c’est-à-dire l’effondrement des systèmes de dictateurs » présidents à vie » révisionnistes des Constitutions et l’instauration des régimes démocratiques issus d’élections correctes reflétant l’expression de la volonté des peuples et la vérité des urnes.
On ne voit pas par quel miracle les conservateurs et intégristes aujourd’hui au pouvoir pourront faire échec à l’avènement de cette ère nouvelle en RDC.
Par Jean N’Saka wa N’Saka/Journaliste Indépendant