24 mars 1969 – 24 mars 2016 : Kasa-Vubu … 47 ans déjà !

Jeudi 24 mars 2016 - 13:25
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Le 47è anniversaire de la mort de Joseph Kasa-Vubu, premier Président de la République Démocratiques du Congo, offre l’opportunité d’évoquer et de démontrer aux générations congolaises, africaines et mondiales que l’antériorité de son combat politique de décolonisation du Congo belge, à dater de 1946 dans la plateforme « UNISCO » du tandem Jean Bolikango et Eugène Kabamba, fait de lui, on s’en doute bien, l’unique, l’incontestable, l’incontesté et l’incontournable Père de l’indépendance politique de son pays. Et ce comme Nkwame N’krumah au Ghana, Amed Sekou Touré en Guinée Conakry, Léopold Sedar Senghor au Sénégal et Barthélemy Boganda en Centrafrique A.1940 – 1941 : Matelotage politique à la Mission Catholique des Père de Sahent à Kangu au Bas-Congo Alors qu’il était enseignant à l’école normale de Kangu au Mayombe dans le Bas-Congo, Joseph Kasa-Vubu, parti du Droit du Travail, n’aura cessé notamment dans une lettre salée adressée à Mgr Vanden Hoven du Vicariot Apostolique de Boma avec ampliation au Révérend Père Gearges Kettel, Recteur du Grand Séminaire Régional Christ –Roi de Kabwe-lez-Luluabourg au Kasai, de réclamer, en vain, un salaire minimum de 300 francs et un logement décent. Faute d’accéder à ce droit, il démissionne en mai 1941 pour aller toucher à la Société Agricole et Forestière du Mayombe Agrifor à Lemba à 40 km de Boma, un salaire mensuel consistant de 500 F et un logement décent. Motivé par le Droit Foncier et s’adressant au Révérant Père Jacques, Supérieur de la Mission Catholique de Kangu, il lui demandait ce qui suit, comme plus tard en 1952 le Mau Mau de Jomo Kenyatta au Kenya à l’endroit de Britanniques, : «Vous avez ici des plantations, des usines, des champs où vous faites travailler des centaines d’élèves. Comment avez-vous acquis les terrains que vous exploitez, de quelle manière êtes-vous entrés en possession de ces terres ? De quel droit occupez-vous ce sol ?» B. 1946-1960 : Le combat politique à Léopoldville ? » 1946 : Invité pour la toute première fois à la plénière de l’Union des Intérêts Sociaiux congolais « UNISCO » de Jean Bolikango et Eugène Kabamba, Joseph Kasa-Vubu alors commis aux Finances du Gouvernement Central du Congo belge et du Rwanda, Burundi à Léopoldville, y improvise une allocution prophétique, révolutionnaire, prémonitoire et sensationnelle intitulée : « Le droit du premier occupant » qui fait de lui le Père de l’indépendance de la RDC. 1946 : A partir de Léopoldville, dans une lettre adressée à ses condisciples de promotion du Grand Séminaire précité récemment reçus au sacerdoce, Joseph Kasa-Vubu sensibilisait ces derniers à l’idée de l’avènement d’une Eglise Catholique Romaine congolaise matériellement indépendante. Il s’agit entre autres, de Joseph Malunga du Vicariat Apostolique de Kamina, Mathieu Kaniama du Vicariat Apostolique de Kabinda, Victor Mbwinga du Vicariat Apostolique de Boma, Joseph Nkongolu du Vicariat Apostolique de Luluabourg, Eugène Moke et Joseph Malula du Vicariat Apostolique de Léopoldville. 1950 : Création à Léopoldville de l’Alliance des Bakongo « ABAKO » par Edmond Nzeza Landu. 1954 : Election en date du 21 mars 1954 de Joseph Kasa-Vubu à la Présidence de l’ABAKO au Stade Reine Astrid à Léopoldville. 1954 : Selon le Professeur Benoit VERHAEGEN de l’Université Lovanium, la démission d’Hemi Bongolo, originaire du district de Lac Léopold II de ses fonctions de chef de cité de Léopoldville, donne l’occasion à l’Abako, désormais sous la supervision de Joseph Kasa-vubu, de poser son tout premier acte politique à travers une lettre du 20 août 1954 adressée à Jean Cody, Administrateur Territorial chef de la population noire de Léopoldville. En effet, l’Abako écrit : «  Etant donné que les cités de Léopoldville comptent 82% des Bakongo, l’Abako qui représente, ce pourcentage se voit obligée de donner son avis sur cette question». 1956 : Alors que le groupe «Conscience Africaine» de l’Abbé Joseph Malula, Joseph Ileo, Cyrille Adoula, Antoine Ngwenzi, Alphonse Nguvulu, Joseph Ngalula et Ngwete soutenait l’œuvre du Professeur Jeef Van Bilsen baptisée « Plan de trente ans pour l’émancipation de l’Afrique» parue en décembre 1955, Joseph Kasa-Vubu et l’Abako à travers une publication du 23 août 1956 intitulée « Le manifeste», avaient, eux réagi en ces termes : « Puisque l’heure est venue, il faut accorder aujourd’hui même l’indépendance immédiate, plutôt que de la retarder encore de trente ans ». 1957 : Nonobstant les restrictions politiques du Pacte Colonial du 18 octobre 1908 càd la Loi Fondamentale du Congo belge, Joseph Kasa-vubu annonçait, contre toute attente, à la première réunion générale de l’ABAKO,  section Ndjili le 3 février 1957 que l’association était désormais ouverte à tous les autres ressortissants de l’Afrique centrale. Ci-après une séquence de sa déclaration au Bar Congo Beauté au quartier 6 à Ndjili : « Nous tenons à déclarer que l’Abako n’est pas fermée aux ressortissants d’autres régions de l’Afrique Centrale. Elle accueille tous ceux qui veulent s’y affilier. Car il y en a déjà qui y ont trouvé un accueil amical. Si à un moment donné nos affiliés souhaitent un changement de la dénomination de notre association, nous examinerons avec eux la question pour trouver une étiquette qui réponde au désir de tous. Ce changement, cependant, doit être justifié par un grand nombre d’adhérents de ce genre». 1958 : A l’occasion de son investiture comme premier Bourgmestre noir de la commune de Dendale à Léopoldville par le Belge Jean Tordeur, alors Premier Bourgmestre de la capitale, Joseph Kasa-vuvu surprenait les invités belges et congolais venus l’écouter au Cercle des Anciens Combattants situé au croisement des avenues Gambela et Djolu dans sa juridiction en ces termes : « Il n y a pas de démocratie tant que le vote n’est pas généralisé. Le premier pas n’est donc pas encore accompli. Nous demandons des élections générales et l’autonomie interne ». 1958 : Plus redouté par toute l’autorité coloniale belge que tous les autres politiques congolais à cause de son niveau de Bachelier en Philosophie et de ses lettres salées adressées au gouverneur général du Congo belge et du Rwanda Urundi dont celle du 2 septembre 1957 reprise par le Pr Benoît Verhaegen dans son ouvrage prérappelé aux pages 68 et 69, Joseph Kasa-Vubu, seul, s’était refusé l’octroi de la carte de vaccination devant compléter le dossier de voyage à Accra au Ghana pour participer, en décembre 1958, à la conférence panafricaine organisée par le Président Nkwame Nkwumali. Ce dernier étant Docteur à thèse en Philosophie, les dirigeants belges ne craignaient-ils pas que le Président, Général de l’Abako, suppose être le plus réceptif de l’establishment politique, rentre d’Accra idéologiquement plus requinqué pour la lutte de décolonisation ? 1959 : Suite à l’interdiction décidée la veille par Jean Tordeur du meeting de l’ABAKO devant se tenir le 4 janvier 1959 à la place « YMCA » dans la commune de Kalamu, Joseph Kasa-Vubu, frustré et surpris par l’interdiction impromptue, comme pour supplier la foule à l’écouter en vue de regagner chacun son domicile, exhorte cette dernière en ce propos : « Vive l’ABAKO » ! Vive l’indépendance ! A bas le colonialisme ! «Ce qui avait aussitôt enclenché les émeutes les 4,5,6,7 et 8 janvier 1959 et a contraint le Roi Baudouin 1er à faire, le 13 janvier 1959 depuis Bruxelles, une déclaration radiodiffusée annonçant l’indépendance du Congo-Belge. A Rome, on dirait : « Kasa-Vubu locuta, causa finita ». Ce qui signifie en français : « Kasa-Vubu a parlé, la cause est entendue ! ». 1959 : L’autre conséquence de l’émeute était la dissolution de l’ABAKO par l’autorité coloniale belge suivie de l’arrestation immédiate des Abakistes, dont Joseph Kasa-Vubu, Président Général, Daniel Kanza, Vice-Président Général et Simon Nzeza, Trésorier Général. Assisté par Maître Croquez, venu du Barreau de Paris, le procès des prévenus  en détention au camp militaire Léopold II à Léopoldville se déroulait devant le Tribunal de District de Léopoldville en Chambre foraine en ce lieu. 1959 :  Arrivé à Léopoldville successivement les 13 janvier et 11 mars 1959 en pleine instruction du procès des membres précités du Directoire de l’ABAKO et des autres cadres du parti, Maurice Hemalrijck, le Ministre belge en charge de la colonie avait obtenu non seulement l’élargissement de trois prévenus mais aussi leur invitation à Bruxelles le 14 mars 1959. 1959 : «Diride et impera». Ce qui signifie en français : « Divise et commande ». Ainsi, les autorités belges, auraient provoqué la toute première scission de l’ABAKO durant le séjour belge du Directoire du parti !! Ci-après la déclaration du Directoire de l’ABAKO au terme de leur séjour en Belgique : « Que la nation congolaise sera formée librement et de commun accord avec toutes les peuplades du Congo et que l’unité congolaise serait souhaitable dans le sens d’une sorte de fédération ». 1959 : Exausant le vœu contenu dans la lettre lui adressée en 1946 par Joseph Kasa-Vubu évoquée ci-haut, l’Abbé Joseph Malula avait soutenu, le 20 septembre 1959, devant sa hiérarchie lors de son sacre comme Evêque coadjuteur de Mgr Félix Scalais, Vicaire Apostolique de Léopoldville ce qui suit : « Je vais m’investir dans le sens de l’avènement d’une Eglise congolaise dans un Etat congolais ». Passant du dire à l’agir, Mgr Malula a innové la liturgie catholique avec la messe en rite congolais et le port du pagne par les missionnaires de la congrégation des Sœurs de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de l’Archidiocèse de Léopoldville. Ce qui a fait tache d’huile en Afrique Centrale. 1959 : A la veille du déroulement des travaux de la Table Ronde Politique de Bruxelles, prévue le 20 janvier 1960, Joseph Kasa-Vubu s’était fait élire, en décembre 1959, Président du Cartel des partis fédéralistes ABAKO-Mouvement National Congolais « MNC » Kalonji-Parti Solidaire Africain « PSA », Alliance des Bayanzi « ABAZI », et le Parti du Peuple. Ce cartel avait pris à Kisantu, au Bas-Congo, une dizaine de résolutions parmi lesquelles la libération des détenus politiques dont Patrice Emery Lumumba. 1960 : Contrairement à tous les autres participants, Joseph Kasa-Vubu avait, en vain, tenu tout seul contre tous à ce que la Table Ronde Politique de Bruxelles se transforme en constituante suivie de la formation d’un gouvernement provisoire. 1960 : Alors que la Table Ronde Politique continuait de se dérouler à Bruxelles, la deuxième fragilisation de l’ABAKO intervenait avec la révocation, par le Comité Central, de Daniel Kanza suivie de la suspension d’Edmond Nzeza Landu et Simon Nzeza, tous membres du Directoire du parti. 1960 : Le 5 mars 1960, l’idée de Joseph Kasa-Vubu d’un gouvernement provisoire est réalisée en parie avec la création du Collège Exécutif Général dont il est membre chargé des finances et des affaires économiques. 1960 : Arrivé à Léopoldville le 16 juin 1960, Ganshof Van Der Meersch, Ministre belge des Affaires Générales, était expressément chargé d’assurer la mise en place des nouvelles institutions conformément aux dispositions de la Loi Fondamentale du 19 mai 1960. 1960 : Devant Ganshof et fort des dispositions apodictiques de la Loi Electorale de 1960, Joseph Kasa-Vubu propose à Patrice Lumumba d’être candidat Premier Ministre et que lui postule à la Présidence de la République. 1960 : En date du 23 juin 1960, Patrice Lumumba est élu, par la Chambre des Représentants, Premier Ministre par 74 sur 137 voix. Mais la configuration de son cabinet non inclusif ne contenait-elle pas, d’ores et déjà, les germes de désintégration du Congo indépendant et ipso facto de sa révocation pour n’avoir pas réussi à y inclure Moïse Tshombe et Albert Kalonji ? 1960 :  Sous la supervision du Ministre Ganshof, Joseph Kasa-Vubu de l’ABAKO, ayant pour challenger Jean Bolikango du Parti de l’Unité Nationale « PUNA », était élu le 24 juin 1960 Président de la République par la Chambre des Représentants, à la majorité des deux tiers des voix. L’heureux élu avait, le 27 juin 1960, prêté serment devant les deux chambres réunies. Il échet de préciser que l’élection de Joseph Kasa-Vubu se justifiait par le fait que ce dernier disposait non seulement du meilleur back round politico-administratif mais aussi un tempérament et une forte vocation au commandement. 1960 : Joseph Kasa-Vubu est, au regard de la politique de la tolérance, le précurseur de Nelson Mandela pour avoir élevé, un de ses geôliers au camp Léopold II pré-rappelé, le sergent-major Nyamaseko de la province de l’Equateur, au grade de Lieutenant- colonel, avec les fonctions d’officier d’Ordonnance. 1960 : En réplique à l’allocution du Roi Baudouin 1er le 30 juin 1960, sachant que l’Etat Indépendant du Congo du Roi Léopold II avait trouvé les indigènes, les uns dans la profonde protohistoire et les autres dans l’avilissante préhistoire, mourant comme des mouches, des épidémies anachroniques de malaria, maladie du sommeil et de la tuberculose, Joseph Kasa-Vubu ne pouvait que remercier la Belgique pour l’œuvre multiforme très remarquable bâtie au cœur de l’Afrique au profit de Congolais et ensuite publier sa feuille de route au sujet de la gestion de la nouvelle République. (PAR FRANÇOIS MUKANDA MUYA, LICENCIE EN PHILOSOPHIE DE L’UNAZA-CAMPUS DE LUBUMBASHI )