Durant ses récentes vacances parlementaires, Lambert Mende Omalanga, député national de la circonscription de Lodja, s'est longuement entretenu avec ses électeurs pour faire le point sur les défis et les aspirations des habitants de cette région de la province du Sankuru. Au cœur de ces échanges : la nécessité de désenclaver la province et de renforcer l’agriculture locale.
Dans une interview exclusive accordée à 7SUR7.CD et exploitée ce 18 septembre 2024, Lambert Mende revient sur les enjeux majeurs auxquels la population est confrontée, notamment l’autoprise en charge et les infrastructures. L'ancien ministre de la Communication partage également ses réflexions sur ses réalisations politiques, ses regrets et ses espoirs pour l'avenir de sa circonscription et aussi pour l'avenir du pays.
Ci-après, l'intégralité de l'interview
7SUR7.CD : Lambert Mende, vous venez de finir vos vacances parlementaires dans votre circonscription de Lodja, c'est quoi l'appréciation que vous avez, après avoir rencontré vos électeurs ?
Lambert Mende : Une appréciation plutôt positive dans la mesure où j'ai pu recueillir pas mal de propositions d'autoprise en charge par différentes couches de la population. C'est ça qui me fait réellement plaisir. Il y a une réceptivité à l'idée qu'on ne développe pas un peuple. Un peuple se développe et demande à l'État de créer simplement les conditions qui permettent de faciliter ce développement. De plus en plus de gens comprennent cela alors qu'auparavant nos frères, nos sœurs, nos parents d'ici vivaient la main tendue. Mais de plus en plus, ils comprennent qu'ils doivent mettre la main à la pâte et c'est ce qui moi me convient et qui me fait un énorme plaisir.
7SUR7.CD : Quels sont les besoins les plus ressentis par la population autour de vos échanges avec les différentes couches ? Les besoins les plus ardents, ce qui est urgent pour la population locale.
Lambert Mende : Deux besoins essentiellement ont été ramenés à la surface. D'abord l'enclavement auquel il faut mettre fin. Donc le besoin de désenclaver la province, c'est-à-dire d'ouvrir les routes, de construire l'aéroport national qui est la porte d'entrée à Lodja ici et de sortie de toute la province du Sankuru. Et le besoin d'autonomisation de ces populations par les facilités qu'il faut leur donner pour s'adonner à leurs travaux de production essentiellement agricoles. Donc désenclavement et soutien à l'agriculture paysanne.
7SUR7.CD : Vous parlez de l'agriculture, comment cela doit être organiser pour que ça profiter à la population locale ?
Lambert Mende : Ils ont décidé de créer des coopératives, c'est-à-dire que des gens travaillent dans leur champ, mais en même temps ils essayent de mettre en commun leurs efforts, c'est-à-dire un certain nombre de produits comme le riz, le maïs, l'agriculture, le maïs, l'arachide ou encore les haricots, ils feront des champs collectifs. Tout ce qu'ils demandent au gouvernement central et au gouvernement provincial, c'est de créer les conditions de sécurité des voies d'évacuation de ces produits vers les débouchés commerciaux. C'est la seule chose qu'ils demandent, ils ne demandent pas qu'on vienne les aider à cultiver, ils nous ont des bras, beaucoup de jeunes gens sont là, nous avons un dividende démographique important, des jeunes gens vigoureux à l'âge de travailler, une volonté de travailler, mais il y avait beaucoup de problèmes avec certains services de l'état qui multipliaient les barrières et tout ça. Le nouveau gouverneur a pris des dispositions en exécution d'une directive du gouvernement central pour éliminer ces barrières qui décourageaient les agriculteurs et je pense qu'avec ça, nous pouvons espérer des jours meilleurs pour ce secteur. Pour terminer, le dossier qui concerne votre vacances parlementaires, vous étiez au Sankoro, il y a des problèmes d'érosion, des problèmes de routes, des problèmes d'enclavement.
7SUR7.CD : Terminons le dossier vacances parlementaires, avec ces érosions qui menacent notament votre circonscription électorale, bientôt ça va être la session de septembre qui débite. Quelle action pensez-vous initier pour qu'il y ait quand même un changement par rapport à ce que vous avez trouvé?
Lambert Mende : S'agissant des érosions, j'ai vu des travaux qui sont déjà partiellement en train d'être entrepris, nous les avons visités, il y a des collecteurs importants qui ont déjà été érigés, nous avons appris que le gouvernement a financé déjà partiellement une partie des travaux, il reste le remblayage qui est une phase extrêmement importante et délicate de cette entreprise qui nécessite d'être terminée pour être efficace, étant donné que les intempéries reviennent et si les intempéries reviennent avant que le gouvernement n'ait mis à la disposition de l'entrepreneur qui a gagné le marché ce qu'il faut pour assurer ce remblayage, on risque de perdre ce bel ouvrage qui a déjà été érigé et donc je vais m'efforcer de sensibiliser le gouvernement central, ministère des ITPR, ministère des finances pour que ces moyens soient mis à la disposition de l'entrepreneur et que les érosions ne soient plus qu'un mauvais souvenir en tous les cas pour la ville de Lodja.
7SUR7.CD : Parlons maintenant particulièrement de vous, vous êtes parmi les grandes figures du Sankuru, on dit que vous avez été partout, mais qu'est-ce que vous avez fait pour votre province ?
Lambert Mende : Ce que j'ai fait, j'ai sensibilisé ma population à ses droits, j'ai défendu ceux qui avaient besoin d'être défendus lorsque cela était nécessaire et je leur ai donné conscience du fait qu'ils détenaient entre leurs propres mains les solutions aux problèmes qu'ils croyaient ne pouvoir être résolus que par d'autres. Cette prise de conscience là, c'est la première phase dans le chemin de l'émergence et dans le développement, ils m'en sont crus, c'est pourquoi ils m'ont toujours renouvelé leur confiance chaque fois que les élections arrivent ici.
7SUR7.CD : Durant votre carriere politique, qu'est-ce que vous regrettez d'avoir fait que vous n'auriez pas fait ?
Lambert Mende : Ce que je peux regretter, c'est que chaque fois que j'ai été élu, je n'ai pas pu mener jusqu'au bout mon mandat, mes mandats, j'en ai eu quatre, c'est le quatrième maintenant, en dehors de celui qui s'est terminé l'année passée, tous mes mandats étaient interrompus parce que chaque fois je devais aller dans une autre institution. Élu au Parlement, à peine quelques mois, je devais être appelé au gouvernement, donc il y avait une rupture par rapport aux législatifs, je passais à l'exécutif et donc je ne terminais pas le mandat parlementaire. Mais depuis l'année passée, je me suis mis complètement dans ma peau de législateur et donc c'est le petit regret, c'est simplement cette rupture là. Mais sinon pour le reste, je pense avoir accompli ce pourquoi cette population m'a donné ce mandat parlementaire.
7SUR7.CD : Vous dites regretter de n'avoir pas terminé le mandat parce que vous deviez être au gouvernement, et si aujourd'hui la sollicitation arrive, allez-vous accepter d'être encore au gouvernement?
Lambert Mende : Nous sommes dans le domaine de la divination et je n'aime pas beaucoup jouer au devin, personne ne m'a sollicité, je suis heureux comme député et je vais continuer à le faire. Donc je n'ai pas à spéculer sur tout cela. Quand une proposition viendra, je vous répondrai et je répondrai à celui qui me la fera.
7SUR7.CD : Vous-même, la province du Sankuru, ça vous tient au cœur? Vous avez une fois décidé de postuler comme gouverneur. Quelle a été la motivation?
Lambert Mende : En 2019, j'étais vraiment déçu par l'échec de la famille politique à laquelle j'appartenais à l'élection présidentielle. Il y a des figures que je ne voulais plus voir à Kinshasa et donc c'était sur un coup de tête, mais j'en suis guéri, surtout que la corruption était tellement répandue à l'époque que je me suis un peu mordu les doigts. C'est une expérience tout à fait amère que je ne tenterai plus.
7SUR7.CD : C'est-à-dire que vous ne revez plus postuler comme gouverneur ?
Lambert Mende : Non, non, non, non, surtout pas. Je soutiens les jeunes gens comme celui qui est là, nous l'avons soutenu. Celui qui était avant lui, qui n'a pas très bien travaillé, nous l'avons soutenu également avant d'assister désespéré à ses égarments. Mais celui-ci, nous l'avons soutenu et nous voyons qu'il commence très bien et nous allons le soutenir jusqu'au bout.
7SUR7.CD : Il y a l'un des gouverneurs, l'ancien qui est parti, vous étiez au début avec lui, à certains moments ça n'a pas marché. Est-ce que allons nous revivre ça, avec les nouveaux dirigeants de la province dont vous manifestez le soutien ?
Lambert Mende : Ce serait de la divination aussi, mais lui c'est quelqu'un que je connais, qui a été avec moi au Parlement, la législature passée, donc j'ai eu à le pratiquer beaucoup plus longtemps que celui qui l'a précédé, qu'on m'a présenté par un ami commun et qui nous a en quelque sorte tourné en bourrique en nous promettant d'exercer une gouvernance exemplaire, mais qui ne l'a pas fait. Mais nous le connaissons mal peut-être, mais celui-ci nous le connaissons et en jugeant de ce que nous connaissons de lui, nous ne pouvons que préjuger des résultats plutôt positifs.
7SUR7.CD : Des relations avec les autres dignitaires du Sankuru, vous n'êtes pas en union avec les autres. Ça ne marche pas, mais à un certain moment, on vous réproche d'être celui qui est le responsable de tout.
Lambert Mende : Il n'y a pas de désunion, nous nous réunissons régulièrement, nous sommes 14 élus nationaux avec 4 sénateurs et je vous assure que nous nous réunissons régulièrement. Il y a bien sûr les caractères de chacun, il y a l'éducation de chacun, il y a la ligne politique de chacun, mais pour autant que les intérêts du Sankuru sont concernés, nous nous réunissons régulièrement dans un caucus des élus nationaux du Sankuru et nous gérons nos problèmes sur la table. On n'est pas des saints, il y a des gens qui ont leur caractère, mais nous essayons de réduire le plus possible les mauvais côtés des uns et de leur faire profiter aux plus jeunes d'entre eux de notre expérience. Ceux qui veulent nous écouter, tant mieux, ceux qui ne le veulent pas, Inch'Allah, nous prions Dieu pour qu'ils puissent mieux écouter. En tous les cas, ils seront jugés comme nous par la base à la prochaine législature. Et j'essaye d'ajouter à ce qu'il connaît ce que moi j'ai pu accumuler pour ma part.
7SUR7.CD : Quel est vraiment votre grand succès dans votre carrière politique ? Quelque chose que vous avez eu à faire, et qui continue de vous marquer jusqu'à ce jour-là ?
Lambert Mende : Je laisse le soin à notre population congolaise de juger de cela. Je ne veux pas être mon propre juge. Je n'ai pas cette habitude-là. Je préfère que les gens puissent évaluer ce que je fais, plutôt que de faire de l'auto-évaluation. Cela serait un peu, à mon avis, assez excessif de ma part.
7SUR7.CD : Plusieurs fois députés nationaux, on est en train d'aller vers 2028. Seriez-vous encore candidat ou vous êtes en train d'aller vers votre retraite ?
L. Mende : Mais tout dépend de Dieu. Non, non, la retraite, vous savez, il y a les députés nationaux qui ont 80 ans. Je viens d'avoir juste 70 ans. Pourquoi vous parler de retraite ? Si j'ai la santé, je serai député. Mais évidemment, si je suis malade ou si je suis mort, je ne serai pas député. Tout dépend de l'état de santé que Dieu va me donner à ce moment où les élections viendront. Attendons voir, ne soyez pas pressés. J'ai commencé la politique peut-être très tôt. C'est pourquoi j'ai accumulé beaucoup d'années dans la politique. Mais vous savez qu'en France, Michel Barnier, qui vient d'être nommé Premier ministre, est plus âgé que moi. Il a 73 ans. Il ne prend pas sa retraite. Pourquoi vous parler de retraite pour moi ? Non, si j'ai la force, je rendrai service. Si je n'ai plus la force, je déposerai le tablier, tout naturellement, et d'autres prendront la relève. C'est comme ça que les choses se passent en politique.
7SUR7.CD : Quel est le sujet que vous voulez parler vous même ? quelque chose qui concerne la province du Sankuru, de votre propre gré, que vous auriez aimé parler.
Lambert Mende : Eh bien, ce que je peux dire à mes compatriotes de la province de Sankuru, c'est de réitérer un appel à ce qu'ils puissent se prendre en charge eux-mêmes, leur sort. Se prendre en charge, l'autoprise en charge, dont parlait déjà Mzé Laurent Désiré Kabila, dont le président Félix Tshisekedi qui est dit parle souvent, le développement de notre entité, tout comme le développement du Congo, relève de nous-mêmes, de notre propre volonté, de notre capacité. Ce pays est extrêmement riche et il est tout à fait paradoxal que nous soyons un des peuples les plus pauvres de la planète. C'est que nous avons failli nous prendre en charge. C'est le facteur humain qui justifie cette pauvreté. Donc améliorons l'homme congolais. C'est de ça que je peux donner comme fruit de mon expérience dans cette carrière politique qui a été la mienne.
7SUR7.CD : Monsieur Lambert-Mande, merci d'avoir répondu à nos questions.
Lambert Mende : Merci.
Propos recueillis par Alain Saveur Makoba, envoyé spécial de 7SUR7.CD au Sankuru