A la suite de la question écrite du député national Alfred Maisha mettant en cause les ministres des Finances (Nicolas Kazadi), du Portefeuille (Adèle Kayinda) et des Mines (Antoinette Nsamba) dans l’octroi aux Emiratis del’exclusivité sur l’or artisanal et le coltan pendant 25 ans sur fond d’une fiscalité généreusement au rabais et en marge de la loi, le gouvernement n’est pas resté indifférent. Principal négociateur, le ministre des Finances a présenté dans les médias lesdits accords comme la voie idoine en réponse au conflit à l’Est entretenu pendant 30 ans par le Rwanda. Conformes à la loi, ils n’accordent pas non plus un quelconque monopole. Cependant, il s’observe une marge entre les déclarations publiques des officiels et les clauses de ces contrats. Il y a donc, selon député Alfred Maisha, des clauses dolosives qui doivent être élaguées.
Les faits
La RDC a signé deux accords de joint-venture avec la société émiratie Primera Group Ltd. Le premier est signé le 10 décembre 2022 et donne lieu à la création de Primera Gold DRC (capital : 20 000 USD), à raison de 55 % pour Primera Group Ltd et 45 % pour la RDC. Il crée aussi Primera Metals DRC pour l’exploitation des minerais de 3 T, dont le coltan, à travers 3 T Mining Corp (société à créer avec SAKIMA). Son capital est aussi de 20 000 USD avec des parts réparties comme suit : 70 %Primera Metals DRC, 20 % SAKIMA et 10 % RDC. Le gouvernement congolais y est engagé par les ministres des Finances (Nicolas Kazadi), du Portefeuille (Adèle Kayinda) et des Mines (Antoinette Nsamba). Cette dernière a été représentée par son vice-ministre Godard Motemona.
Cet accord, qui porte essentiellement sur l’exploitation de l’or artisanal, accorde à Primera Gold DRC, à travers la clause 5.1.2.3.3 (P.30) une exclusivité pour l’exportation de l’or artisanal, assortie d’une exonération fiscale qui ne peut être accordée à une autre entité. Cette clause est ainsi libellée :«Promulguer un Arrêté ou un Décret immédiatement après la signature (qui sera finalement remplacé par une loi appropriée à promulguer) concernant l’exonération fiscale et la mise en place d’un guichet unique relatif à l’exportation exclusive par PRIMERA GOLD DRC de l’or artisanal avec un taux d’imposition exclusif (non accordé à une autre entité) de 0,25 % en faveur PRIMERA GOLD DRC pendant une période de 25 ans, renouvelable». Il lie aussi l’exploitation du coltan par la clause 5.1.2.3.4 (P. 30) stipulée comme suit : «Promulguer un Arrêté ou un Décret dès que possible après la Date de signature immédiatement après la signature (qui sera ultérieurement remplacé par une loi appropriée à promulguer) concernant l’exonération fiscale et la mise en place d’un guichet unique pour l’exportation exclusive des 3T et de coltan avec un taux d’imposition exclusif (non accordé à une autre entité) de 3,5 % en faveur PRIMERA METALS DRC pendant une période de 25 ans, renouvelable».
C’est la signature du deuxième accord le 17 juillet 2023 entreSAKIMA (Société Aurifère du Kivu et du Maniema) et Primera Group Ltd qui va faire éclater la supercherie au grand jour à cause de la levée de bouclier des quatre sociétés de droit congolais (Amur Sarl, CDMC Sarl, Stone Mining Compagny et DFSA Mining Congo). Celles-ci s’estiment lésées du fait que, contrairement aux Codes et Règlements miniers et aux divers contrats de JV et d’amodiation encore valides contractuellement et légalement les liant à SAKIMA, les PE (Périmètres d’exploitation) dont elles détiennent, en bonne et due forme, les titres sont attribués à Primera Group Ltd. Ce scandale fait grand bruit dans les médias et les réseaux sociaux, et les autorités du pays, aux plus hauts échelons, sont saisies officiellement. Des démarches sont même entamées sur le plan judiciaire afin d’obtenir la non-exécution de cet accord.
Excédé et sous la pression de son électorat, le député Alfred Maisha, également dénonciateur des accords économiques signés en son temps entre la RDC et le Rwanda, monte au créneau à travers une vidéo virale après le dépôt à l’Assemblée nationale de sa question écrite interpellant les trois ministres précités. Sans atermoiement, il fustige lesdits accords, ainsi qu’une maffia qui s’en dégage. Il ne s’explique pas pourquoi pour un apport en capital de 11 000 USD sur un total de 20 000 USD, il peut être accordé un monopole pendant 25 ans aux Emiratis pour l’or artisanal et les 3 T dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema. Il ne comprend pas non plus le fait que la RDC engage SAKIMA, propriétaire de tous ces gisements, à signer un contrat exclusif à travers lequel Primera se trouve être la seule société à commercialiser l’or artisanal congolais et à exploiter les 3 T pendant 25 ans sous un régime fiscal privilégié, assorti des exonérations inédites, de réduction scandaleuse de taux à l’exportation. Rien que pour le coltan, dit-il, les Emiratis paieront 3,5 % alors que les sociétés et entités congolaises paient 12 % de la valeur de la cargaison des minerais à l’exportation. Et de noter : «Le régime conventionnel étant abrogé par le nouveau Code minier, toutes les sociétés doivent être traitées de la même manière. On ne va pas créer des millionnaires congolais comme souhaité par le président de la République en accordant un monopole immérité à une société étrangère». Selon ses calculs, la RDC perdrait ainsi, au regard du flux des minerais dans les trois provinces concernées, une bagatelle de 500 millions USD par mois. Ce qui est inadmissible.
Elu de Bukavu, le député Alfred Maisha trouve aussi scandaleux le fait que la RDC renonce au privilège de sa souveraineté en cas de contentieux. En effet, en cas de contentieux ou d’exécution des décisions arbitrales et judiciaires nées de cette convention, la RDC n’évoquera pas des immunités y rattachées. Ce qui expose le patrimoine de la République qui est de la sorte non protégé. Il n’apprécie pas non plus le fait que les trois ministres engagent SAKIMA à signer l’accord avec les Emiratis alors que cette entreprise publique a signé les contrats de même nature avec les quatre sociétés congolaises sus indiquées, détentrices des titres miniers sur les PE ciblés.
Le ministre Nicolas Kazadi passe à l’offensive
La frénétique sortie médiatique du député Alfred Maisha a poussé l’argentier congolais à recadrer les choses. Sur les ondes de la radio Top Congo le samedi 26 août, le ministre Nicolas Kazadi note que la création de Primera Gold est une initiative du gouvernement en réponse à la situation de conflit à l’Est où le trafic des minerais se trouve être l’un des carburants. Il était donc impérieux de couper de l’herbe sous le pied du Rwanda qui se sert de cette exploitation illégale des ressources pour entretenir le conflit sur le sol congolais. De la sorte, il considèreque toute critique contre une œuvre si louable et salvatrice permettant de lutter contre l’or et le coltan du sang est une façon de faire le jeu du Rwanda.
Pour l’argentier congolais, dans la mesure où les Emirats Arabes Unis sont la principale destination de l’or artisanal produit en Afrique, donc au Congo et ailleurs, le gouvernement congolais s’est lié à un partenaire de taille, Primera Group Ltd, pourvu des capacités aussi bien financières que techniques. Déjà, les résultats sont palpables : depuis le 1er janvier 2023 jusqu’à ce jour, trois tonnes d’or ont été exportées contre 26 Kg au cours de l’année 2022. Et de souligner : «Notre pays a longtemps souffert des conditions fiscales désavantageuses entretenues par une maffia pour que cela soit plus avantageux aux producteurs artisanaux de vendre au Rwanda et à l’Ouganda en particulier plutôt qu’aux comptoirs congolais. Il fallait casser ce désavantage fiscal, c’est ce que nous avons fait en créant Primera Gold avec l’octroi des allègements qui s’imposaient pour atteindre les objectifs fixés».
Le ministre des Finances a trouvé ridicule l’évocation de 20 000 USD qui constitue le capital et non les apports de Primera. C’est le minimum légal pour créer une société anonyme (SA). Se félicitant de 45 % des parts détenus par la RDC dans Primera Gold alors que les capitaux sont émiratis, il s’est inscrit en faux contre l’exclusivité alléguée, ainsi que la non-conformité de l’accord au Code minier. Et de soutenir que tout autre intervenant minier peut bénéficier de mêmes avantages, mais à condition de faire sienne la politique du chef de l’Etat visant la transparence et la traçabilité du secteur des minerais artisanaux.
La réplique du député Maisha
Le député Alfred Maisha ne s’est pas gardé de répondre aux propos du ministre Nicolas Kazadi. Deux jours après, il s’est dit écœuré sur les mêmes ondes d’apprendre du ministre des Finances qu’il n’y a pas d’exclusivité dans cet accord. Ce qui signifie que toutes les clauses y relatives dans ce contrat sont dolosives parce que non reconnues par celui qui a signé contre la RDC. Elles doivent, par conséquent, être élaguées. Et d’indiquer les clauses 5.1.2.3.3 et 5.1.2.3.4 sus indiquées comme preuves d’octroi de l’exclusivité à Primera sur l’or artisanal et l’exploitation des 3 T, principalement le coltan.
Pour l’élu de Bukavu, il y a même des clauses contre la République. C’est le cas de la clause 10.2 (P.44) qui dispose :«Chaque Partie renonce irrévocablement à toute prétention à l’immunité dans la mesure où elle jouit en cas de procédure d’arbitrage ou judiciaire découlant du présent Accord ou en en relation avec celui-ci, y compris, sans limitation, l’immunité à l’égard des éléments suivants : la compétence de toute cour ou tribunal (10.2.1), signification des actes de procédure (10.2.2) ; toute procédure d’exécution de sentence ou du jugement (10.2.3)». Cette clause met ainsi Primera, une société privée, sur un même pied d’égalité que la RDC. Ce qui revient à dire qu’en cas de contentieux, Primera peut faire exécuter un jugement sur tous les biens de la RDC, en ce compris le Trésor, les bâtiments publics, voire l’avion présidentiel. C’est extrêmement dangereux dès lors que le droit applicable à ce contentieux n’est pas celui du Congo, mais plutôt celui du Royaume uni et du pays de Galles avec comme juge compétent un juge français.
Le député Maisha a, une fois de plus, fustigé l’exclusivité accordée aux Emiratis en ce qui concerne l’or artisanal et le coltan en RDC, relativisant, de ce fait, les statistiques brandies par le gouvernement et Primera. En ce sens que là où les sociétés congolaises paient 10 % de la valeur marchande des minerais, les Emiratis paient 0,25 % pour l’or et 3,5 % pour le coltan. Le taux de douane au Congo étant le plus élevé de la région, il importe de le réduire pout tout le monde et non seulement pour Primera. Après la suppression du régime conventionnel, Il est hors de question qu’un opérateur minier puisse venir négocier des privilèges et avantages non prévus par le Code minier auprès d’un ministre. Il ne peut être assujetti qu’aux seules obligations prescrites par cette loi. D’autre part, la canalisation et le contrôle de la production artisanale de l’or, en compris le coltan, ne peut être l’apanage du seul Primera, ce n’est pas dit dans le Code minier qui donne des garanties pour toute société enregistrée en RDC.
En fin, l’élu de Bukavu n’explique pas la peur répandue en RDCenvers le Rwanda. Elle ne se justifie pas, ce sont les Congolaisqui mystifient le pays de Paul Kagame.
Briefing du gouvernement : Kazadi et Wameso passent à côté
Loin de dissiper le doute, le passage du ministre Nicolas Kazadià Top Congo l’a, par contre amplifié au regard de la réplique cinglante du député Alfred Maisha dans le même média à la mi-journée du lundi 28 août. Au grand mal grand remède, le briefing du gouvernement, retransmis en direct pendant une heure et vingt minutes sur la radiotélévision nationale, a lieudans la soirée sous la modération de Patrick Muyaya, ministre de la Communication et des médias. Deux invités sont à l’honneur : Nicolas Kazadi, ministre des Finances, et André Wameso, dircaba du chef de l’Etat. Egalement invité, le député Alfred Maisha est recalé deux heures avant sous prétexte que le briefing est reporté. Une manière sans doute de l’éviter, sa présence aurait été fatale pour les officiels.
Le ministre Nicolas est resté égal à lui-même, laissant entendre que l’Accord avec Primera relève de la stratégie de haut niveau pour récupérer la souveraineté économique, plutôt que de la trahison. Depuis 30 ans, l’Est du pays connaît une situation de conflit lié aux minerais ainsi que noté par de nombreux rapports, dont ceux des Nations unies, et 90 % du coltan exporté par le Rwanda viennent de la RDC, avec le territoire de Rubayacomme important réservoir. Et l’accord avec le Rwanda n’ayant pas apporté des fruits, celui avec Primera Gold s’est avéré plus indiqué. En 7 mois au cours de l’année 2023, trois tonnes d’or ont été réalisées contre 27 kg l’année dernière, ce qui a rapporté à la République 1 500 000 USD. Et de se demander comment l’on peut critiquer pareille performance sans faire le jeu du Rwanda. L’image du député Alfred Maisha n’y échappe pas. Il est présenté comme avocat d’une société incriminée dans la fraude avec le Rwanda, en l’occurrence Congo Com. Ce que rejette le concerné, déclarant que ce sont des imputations dommageables pour discréditer sa démarche auprès de l’opinion.
Le ministre des Finances s’est voulu formel : il n’y a pas d’exclusivité comme allégué. Et le décret dénoncé, dont copie en sa possession, ne le mentionne nullement. Encore une fois, il a tenu à faire savoir que les 20 000 $ évoqués constitue le capital. Par contre, il y a lieu d’apprécier à leur juste valeur les risques encourus par Primera en engageant, par ces temps critiques, de centaines de millions USD pour entreprendre en RDC.
Venant en complément, André Wameso a renchéri en soutenant que le président de la République a pris cette décision stratégique pour pouvoir résoudre le conflit à l’Est. Il s’est dit surpris qu’il se trouve de gens, à l’instar du parlementaire-avocat, pour se mettre en travers de cet accord qui permet à ce que l’or artisanal congolais fasse désormais l’objet de rachat par une entreprise où la RDC a en grande partie le contrôle. Ce quiparticipe de la récupération de la souveraineté nationale. Celadevait pourtant réjouir toute la nation en ce que l’on va couper ainsi l’herbe sous le pied de tous les aventuriers, des rebelles, qui sont alimentés par les pays étrangers.
S’agissant du coltan, le collaborateur du président de la République a rassuré que c’est un projet industriel. Ce minerai va, de ce fait, être transformé avec la collaboration de Primera en RDC à travers une fonderie des 3 T qui va générer la valeur ajoutée. Il va s’ensuivre, entre autres, l’ouverture de 2 200 km de routes, la réhabilitation de deux aéroports, ainsi que la construction de la centrale électrique pour le fonctionnement de la fonderie. Selon lui, il n’y a pas de monopole étant donné que l’accord avec Primera ne concerne que 14 PE sur les 46 que possède SAKIMA.
Le dircaba du chef de l’Etat est aussi formel : il n’y a pas de monopole accordé aux Emiratis, ni des exonérations en marge du Code minier. Du reste, l’accord dont question est conforme au Code minier. Bien plus, c’est sur base des investissements en infrastructures que Primera a sollicité des exonérations afférentes au Code d’investissements. Il a, de ce fait, invité le député Maisha à procéder à un contrôle parlementaire pour retracer les 500 millions USD que perdrait le pays chaque mois, ce qui fait 6 milliards USD l’an, à travers l’exploitation artisanale de l’or et du coltan dans le Kivu. Le Prix Nobel de paix Denis Mukwengeen a eu aussi pour son grade pour avoir repris en chœur des chiffres aussi farfelus.
Afin de convaincre de la rentabilité du projet Primera Metals, André Wameso s’est converti en statisticien en comparant ce que génère présentement l’exploitation artisanale du coltan par rapport à ce qui est attendu avec les Emiratis. Avec une production annuelle de 2 300 T de coltan traité de manière rudimentaire et vendu à 90 USD le kilo, ce minerai rapporte au pays 82 millions USD. Et sur base de 12 % de taux de fiscalité, constitué de 1 % pour le compte de DGRAD, 1 % pour le CEEC, et 10 % en termes de redevance minière, c’est près de 10 millions USD qui entrent effectivement dans les caisses de l’Etat. Cependant avec la transformation via la fonderie par Primera Metals, le prix du kilo de coltan sera plutôt de 300 USD du fait de la valeur ajoutée. In fine, le bénéfice réalisé sera de 281 millions USD. En prenant en compte le 1 % de la DGDA, le 1 % du CEEC ainsi que 3,5 % de redevance minière, la réduction accordée à Primera ne concernant que la redevance minière, l’on a un chiffre qui varie entre 15 et 19 millions USD. Bref, à 12 %, on est à 10 millions USD, tandis qu’à 3,5 % sans la DGDA et le CEEC, on est à 19 millions USD. Cela revient à dire que quand on fait de l’optimisation fiscale sur fond de la valeur ajoutée, on obtient des meilleurs résultats en termes des recettes et des revenus pour la République.
Ces statistiques ne sont pas pour autant convaincantes. Le montant de 19 millions USD, avec une valeur ajoutée de 300 USD par kg de coltan et le rabais de la redevance minière de 12 à 3,5 % n’est pas aussi spectaculaire par rapport à celui de 10 millions USD dû à l’exploitation artisanale. En sus, à la lumière de la clause 6 du contrat, la fonderie ne sera pas opérationnelledans moins de 5 ans au vu des études à réaliser. Pendant ce temps, Primera Metals sera dans l’exploitation artisanale du coltan. Donc, il aurait été de bon aloi pour André Wamesod’indiquer ce que drainerait Primera eu égard à l’exploitationartisanale avec une redevance au rabais de 3,5 % vers les caisses de l’Etat.
Aussi est-il besoin de rappeler que la RDC, de par les réformes quoique timides apportées sur le plan national et régional avec la CIRGL, est depuis 2017 premier producteur mondial du coltan, surclassant ainsi le Rwanda. Les statistiques de la CTCPM(Cellule Technique de Coordination de Planification Minière, voir tableau 2) données en tonnes de minerais en ce compris les impuretés, ainsi que ceux de l’organisme américain US Geological Survey exprimés en métal de tantale l’attestent bel et bien. D’après ce dernier organisme, ainsi que consigné dans le tableau 1 ci-dessous, la RDC a commencé à prendre le pas sur le Rwanda en 2017 en réalisant 760 T contre 441 pour le Rwanda. En 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022, elle a exporté respectivement 740 T, 580 T, 780 T, 790 T et 860 T contre 421, 336, 254, 269 et 350 pour le Rwanda. L’on n’a pas donc attendu Primera pour réaliser ces performances. Actives, les entreprises congolaises du secteur des 3 T n’ont cessé de solliciter des avantages, notamment le rabais de la redevance minière, afin d’être compétitives dans la région et de contribuer efficacement à la maîtrise du flux de minerais sur le sol congolais. Ce qui participerait de la réduction sensible de la fraude vers les pays étrangers.
Toutefois, il sied reconnaître qu’à la différence du secteur des 3 T, le secteur aurifère laisse à désirer en RDC, tellement la traçabilité de l’or, à l’instar de celle du diamant, est problématique. Ce sont des matières facilement dissimulables, contrairement au coltan dont les chaînes d’approvisionnement font constamment l’objet des diligences.
L’exclusivité, la violation du Code minier
Dans leurs prestations médiatiques, les officiels congolais ont préféré spéculer sur les divers accords liant la RDC à la société émiratie, plutôt que d’en scruter le fond. Pour preuve, que ce soit le ministre des Finances, ni le dircaba du chef de l’Etat, personne n’a évoqué une clause quelconque de ces accords pour mettre à mal le député Alfred Maisha. Ceux-ci restent caractérisés par l’exclusivité octroyée à Primera contrairement au nouveau Code minier qui ne reconnaît pas le régime conventionnel, ainsi que l’indiquent les clauses 5.1.2.3.3 et 5.1.2.3.4 de l’accord du 10 décembre 2022. Aucune clause contraire n’a été brandie.
D’autre part, ces accords violent aussi bien le Code minier que le Règlement minier. Celui du 17 juillet 2023 viole même ses propres dispositions. Outre l’exhumation du régime conventionnel, il y a violation de l’article 64 du Code minier quidispose que «le Permis d’Exploitation confère à son titulaire le droit exclusif d’effectuer, à l’intérieur du Périmètre sur lequel il est établi et pendant la durée de sa validité, les travaux de recherche, de développement, de construction et d’exploitation visant les substances minérales pour lesquelles le permis est établi et les substances associées s’il en a demandé l’extension (…)». Or dans le cas d’espèce, les détenteurs des 14 PE visés par l’accord de JV SAKIMA-Primera (voir l’Annexe A, P. 71) sont menacés dans la jouissance de leurs droits sur des PE dont ils ont des titres encore. Les tentatives de SAKIMA de vouloir régulariser le forfait en résiliant unilatéralement lesdits accords après son engagement avec Primera sont ne tiennent pas la route.
L’accord du 17 juillet 2023 viole aussi l’article 40 bis du Règlement minier qui s’oppose à la superposition des titres miniers et de carrières. Il stipule que «les périmètres des droits miniers et de carrières ainsi que les zones d’exploitation artisanale sont exclusifs. Ils ne peuvent empiéter les uns sur les autres, (…)». Or, l’accord SAKIMA-Primera donne lieu à des superpositions des titres.
Cet accord viole même ses propres clauses, en l’occurrence la clause 3 (PP. 20-21). Celle-ci est ainsi libellée : «SAKIMA garantit et confirme en faveur de 3 T MINING CORP ce qui suit : Il s’abstiendra, pendant toute la durée du présent Accord, de retirer ou de charger de quelque manière l’un des Actifs énumérés à l’Annexe A sans le consentement préalable écrit de PRIMERA (3.1.1) ; Les Actifs (à la Date de la signature et pour toute la durée) du présent Accord (3.1.2) sont : Légalement et effectivement détenus uniquement par SAKIMA et entièrement payés (3.1.2.1) ; dument émis, valides et en possession de SAKIMA (3.1.2.2) ; sans aucun autre contrat de location ou de location-vente ou d’un contrat d’achat à terme (3.1.2.3) ; soit non utilisé ou utilisés uniquement par SAKIMA (3.1.2.4) ; libre de toutes charges (autres que celles autorisées) (3.1.2.5)». En effet, les PE dont question, parce que couverts par d’autres accords encore valides et qui courent dans le temps, ne répondent pas aux critères définis dans la clause 3. Par conséquent, la clause 9.1.2.1 (PP.41-42) ne peut pas opérer afin de permettre au CAMI d’accélérer légalement les approbations réglementaires nécessaires au transfert irrévocable desdits titres.
A moins d’un fait de prince qui va en rajouter à l’insécurité desinvestisseurs et des investissements, l’on ne voit pas comment le CAMI peut déposséder les détenteurs antérieurs des titres miniers au profit de Primera. Mais déjà, un agent de SAKIMA a prévenu : «Nous sommes l’Etat et nous allons donner l’ordre au CAMI de s’exécuter et ceux qui se prévalent de ces titres miniers ne se retrouveront qu’avec des papiers sans aucune valeur». C’est une voie des faits qui va conduire aux contentieux qui se constitueront en obstacles et pour SAKIMA et pour sa nouvelle partenaire. C’est ici que le président de la République, qui se trouve ainsi éclairé, est appelé à jouer à trancher en tant que garant de la nation et magistrat suprême pour protéger les intérêts du pays et des personnes, soient-elle physiques ou morales.
Paul Kaseraka Paluku